Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 7 / 24 – Papier original : RO 61-4
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 337 p. 157 v° / C2 : p. 188
Éditions savantes : Faugère II, 322, XVIII / Havet XXV.174 / Brunschvicg 743 / Tourneur p. 277-2 / Le Guern 286 / Lafuma 304 / Sellier 335
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Bibliographie ✍
ERNST Pol, Approches pascaliennes, Duculot, Gembloux, 1970. HAVET Ernest, édition des Pensées, II, Paris, Delagrave, 1866, p. 198. Josué, Les Juges et Ruth, traduits en français avec une explication du sens littéral et spirituel, Bruxelles, Fricx, 1713. LHERMET Joseph, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931. |
✧ Éclaircissements
Preuves de Jésus-Christ.
Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 433 sq. Ces deux histoires contiennent des précisions généalogiques qui confirment la prédiction de Jacob mourant.
Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 563. Il est certain que Jésus-Christ est de la race de David, mais il n’est pas d’une évidence manifeste que ce soit le cas. Il n’y a que ceux qui cherchent qui découvrent la vérité. Le livre de Ruth et l’histoire de Thamar sont des preuves de Jésus-Christ, et permettent de contrôler l’exactitude des deux généalogies discordantes établies par saint Matthieu et saint Luc.
Pourquoi le livre de Ruth, conservé
Le Livre de Ruth fait partie de l’Ancien Testament. L’Évangile de saint Matthieu, I, 5, mentionne Ruth dans la généalogie du Christ (tr. de Port-Royal) :
« La généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham.
2. Abraham engendra Isaac. Isaac engendra Jacob. Jacob engendra Juda et ses frères.
3. Juda engendra de Thamar Pharès et Zara. Pharès engendra Esron. Esron engendra Aram.
4. Aram engendra Aminadab. Aminadab engendra Naasson. Naasson engendra Salmon.
5. Salmon engendra Booz de Rahab. Booz engendra Obed de Ruth. Obed engendra Jessé. Et Jessé engendra David, qui fut roi.
6. Le roi David engendra Salomon de celle qui avait été femme d’Urie.
7. Salomon engendra Roboam. Roboam engendra Abias. Abias engendra Asa.
8. Asa engendra Josaphat. Josaphat engendra Joram. Joram engendra Ozias.
9. Ozias engendra Joathan. Joathan engendra Achas. Achas engendra Ézéchias.
10. Ézéchias engendra Manassé. Manassé engendra Amon. Amon engendra Josias.
11. Josias engendra Jechonias et ses frères vers le temps que les Juifs furent transportés en Babylone.
12. Et depuis qu’ils furent transportés en Babylone, Jechonias engendra Salathiel. Salathiel engendra Zorobabel.
13. Zorobabel engendra Abiud. Abiud engendra Eliakim. Eliakim engendra Azor.
14. Azor engendra Sadoc. Sadoc engendra Achim. Achim engendra Eliud.
15. Eliud engendra Eléazar. Eléazar engendra Mathan. Mathan engendra Jacob.
16. Et Jacob engendra Joseph l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus qui est appelé Christ.
17. Voici donc le nombre de toutes ces générations. Depuis Abraham jusqu’à David, il y a quatorze générations ; depuis David jusqu’à ce que les Juifs furent transportés en Babylone, quatorze générations ; et depuis qu’ils furent transportés en Babylone jusqu’à Jésus-Christ, quatorze générations ».
Il est aussi question, sinon de Ruth, du moins de Booz, dans la généalogie de Jésus selon saint Luc, II, 23-38, d’après le Nouveau Testament de Mons :
« Jésus avait environ trente ans lorsqu’il commença à exercer son ministère, étant comme l’on croyait fils de Joseph, qui fut fils d’Heli,
24. Qui fut fils de Mathat, qui fut fils de Levi, qui fut fils de Melchi, qui fut fils de Janna, qui fut fils de Joseph,
25. Qui fut fils de Mathatias, qui fut fils d’Amos, qui fut fils de Nahum, qui fut fils d’Hesbi, qui fut fils de Naggé,
26. Qui fut fils de Mahat, qui fut fils de Mathatias, qui fut fils de Serneï, qui fut fils de Joseph, qui fut fils de Juda,
27. Qui fut fils de Joanna, qui fut fils de Resa, qui fut fils de Zorobabel, qui fut fils de Salathiel, qui fut fils de Neri,
28. Qui fut fils de Melchi, qui fut fils d’Addi, qui fut fils de Cosan, qui fut fils d’Elmadan, qui fut fils d’Her,
29. Qui fut fils de Jésus, qui fut fils d’Eliezer, qui fut fils de Jorim, qui fut fils de Mathat, qui fut fils de Levi,
30. Qui fut fils de Siméon, qui fut fils de Juda, qui fut fils de Joseph, qui fut fils de Jona, qui fut fils d’Eliakim,
31. Qui fut fils de Melca, qui fut fils de Menna, qui fut fils de Mathatha, qui fut fils de Nathan, qui fut fils de David,
32. Qui fut fils de Jesse, qui fut fils d’Obed, qui fut fils de Booz, qui fut fils de Salmon, qui fut fils de Naasson,
33. Qui fut fils d’Aminadab, qui fut fils d’Aram, qui fut fils d’Esron, qui fut fils de Pharés, qui fut fils de Juda,
34. Qui fut fils de Jacob, qui fut fils d’Isaac, qui fut fils d’Abraham, qui fut fils de Thare, qui fut fils de Nachor,
35. Qui fut fils de Sarug, qui fut fils de Ragau, qui fut fils de Phaleg, qui fut fils d’Heber, qui fut fils de Sale, qui fut fils de Caïnan,
36. Qui fut fils d’Arphaxad, qui fut fils de Sem, qui fut fils de Noé, qui fut fils de Lamech,
37. Qui fut fils de Mathusalem, qui fut fils d’Enoch, qui fut fils de Jared, qui fut fils de Malaléel, qui fut fils de Caïnan,
38. Qui fut fils d’Enos, qui fut fils de Seth, qui fut fils d’Adam, qui fut créé de Dieu. »
Voir la note de l’édition Havet, II, 1866, p. 198. « La réponse, dans la pensée de Pascal, est que le livre de Ruth a été conservé à cause de la généalogie qui le termine, et qui établit, d’une part, que David descend d’Obed, fils de Booz et de Ruth, et de l’autre, que Booz descend de Phérès, qui est lui-même fils de Juda, comme on le voit dans l’histoire de Thamar (Genèse, XXXVIII, 29). Donc David, et par conséquent Jésus-Christ (qui d’après les Évangiles, descend de David) est bien sorti de Juda, ainsi que le Messie en devait sortir, d’après la manière dont on interprète ce qu’on appelle la prophétie de Jacob [Genèse, XLIX]. Donc Jésus-Christ est bien le Messie. Le livre de Ruth paraît en effet avoir pour objet de rattacher David à Juda, mais rien de plus. Le narrateur ne pense pas du tout au Messie. »
La Préface du Livre de Ruth dans la Bible de Port-Royal précise brièvement la question : « On n’a [...] aucune assurance du vrai auteur de ce livre » ; mais « un ancien Père [Theodor. in Ruth. quaest. 10] témoigne que la raison principale pour laquelle le Saint-Esprit a fait écrire cette histoire, a été l’Incarnation du Fils de Dieu, qui est descendu de Ruth selon la chair. Et il ajoute, que saint Matthieu écrivant la généalogie de Jésus-Christ n’a point parlé de plusieurs femmes illustres telles qu’on été Sara, Rebecca, et plusieurs autres, mais a marqué à dessein Thamar, Rahab, et Ruth, et même la femme d’Urie, pour nous apprendre que notre Seigneur le Fils unique de Dieu s’est fait homme pour l’amour de tous les hommes, pour les justes et pour les pécheurs, pour les Juifs et pour toutes les autres nations. Mais le même Père dit encore que quoiqu’il fût nécessaire d’écrire l’histoire de Ruth à cause de Jésus-Christ qui a daigné en descendre selon la chair, cette histoire par elle-même peut être très utile à ceux qui savent tirer avantage pour leur salut de ces sortes d’exemples d’une vertu singulière, puisqu’on ne peut voir un détachement plus parfait de tous ses proches, ni une soumission plus accomplie envers une belle-mère qu’a été celle de Ruth envers Noémie. »
Le Mémorial, dans sa copie figurée, contient une référence à Ruth, prise comme exemple de choix du Dieu des Juifs et renoncement pour lui à la patrie et à la famille païenne. Le dernier paragraphe de la Préface de Ruth correspond à ce que Pascal tire de cette histoire dans le Mémorial.
Pourquoi l’histoire de Thamar
Genèse, XXXVIII, conte l’histoire de Joseph et de Thamar. Thamar est mentionnée dans la généalogie de saint Matthieu, citée ci-dessus.
Les passages indiqués par Pascal ne donnent que la généalogie de David, mais pour Pascal, c’est la même que celle de Jésus-Christ.
Le commentaire de la Genèse de Sacy souligne l’incertitude qui pèse sur cet épisode, mais aussi sur son importance historique pour « la généalogie de Jésus-Christ, qui est né de Thamar », et la preuve de Jésus-Christ : « v. 1. En ce même temps Juda quitta ses frères, etc. Il y a des interprètes qui croient qu’une partie de ce qui est marqué dans ce chapitre a dû arriver quelque temps avant que Joseph fût vendu par ses frères, parce que tout ce qui est rapporté dans la suite, ne paraît pas avoir pu arriver en un espace aussi court qu’est celui de vingt-deux ou vingt-trois ans seulement, qui se sont écoulés depuis la vente de Joseph jusqu’à l’entrée de Jacob dans l’Égypte. D’autres soutiennent au contraire, et disent que cette histoire a été rapportée dans son ordre. Elle est d’ailleurs très importante pour la généalogie de Jésus-Christ, qui est né de Thamar. » Puis : « Les saints remarquent que Jésus-Christ a voulu que saint Matthieu mît dans sa généalogie le nom de Zara, comme celui de Pharès, quoiqu’il soit né de Pharès, et non de Zara, pour nous rendre plus attentifs à remarquer le mystère enfermé dans la naissance de ces deux enfants.
Ils ajoutent encore qu’au lieu que les princes et les grands du monde sont bien aises que l’on supprime dans la suite de leurs ancêtres tout ce qui pourrait paraître moins avantageux à la gloire de leur race, Jésus-Christ a fait le contraire. Car il a voulu que l’on reconnût dans sa généalogie qu’il est né de Ruth, qui était étrangère, et en cette qualité méprisée des Juifs ; de Rahab, qui avait été une femme de mauvaise vie ; de Bethsabée, qui avait été adultère ; et de Thamar, qui n’est devenue mère d’un de ses ancêtres que par un inceste ».