Fragment Misère n° 11 / 24 – Papier original :  RO 73-8

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Misère n° 89 p. 19 / C2 : p. 38

Éditions de Port-Royal : Chap. XXIX - Pensées Morales : 1669 et janv. 1670 p. 290 / 1678 n° 44 p. 287

Éditions savantes : Faugère I, 187, XXIX / Havet VI.35 / Michaut 205 / Brunschvicg 177 / Tourneur p. 185-2 / Le Guern 58 / Maeda III p. 80 / Lafuma 62 / Sellier 96

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Bibliographie

 

DE LIMIERS, Histoire de la Suède sous le règne de Charles XII, où l'on voit aussi les révolutions arrivées en différents temps dans ce royaume, toute la guerre du Nord et l'avènement de la reine et du roi régnant à la couronne jusqu'à présent, A Amsterdam, chez Jansons à Waesberge, 1721, 3 vol.

ERNST Pol, Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, Paris, Universitas, Oxford, Voltaire Foundation 1996, p. 166 sq.

GOBRY Ivan, La reine Christine. La très secrète et scandaleuse reine de Suède, Paris, Pygmalion, Gérard Watelet, 2001.

RAYMOND Jean-François de, Pierre Chanut, ami de Descartes, Beauchesne, Paris, 1999.

 

Éclaircissements

 

Qui aurait eu l’amitié du roi d’Angleterre, du roi de Pologne et de la reine de Suède, aurait‑il cru manquer de retraite et d’asile au monde ?

 

P. Faugère signale en note que « Pascal fait ici allusion sans doute à Charles 1er, roi d’Angleterre, forcé de se retirer dans l’île de Wight en 1647 ; à Jean Casimir, roi de Pologne, obligé de chercher un asile en Silésie en 1655 ; enfin à la reine Christine qui abdiqua en 1654 ».

La Rochefoucauld, Réflexions diverses, XIX, Des événements de ce siècle, in Maximes, éd. Truchet, Garnier, p. 233-234, mentionne Christine de Suède et Jean-Casimir, et Charles II d’Angleterre, p. 235 sq., comme héros d’événements « extraordinaires » du XVIIe siècle.

 

 Jean-Casimir, roi de Pologne

 

Ernst Pol, Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, p. 166 sq. Les Nouvelles ordinaires du 29 juillet 1656 annoncent à Paris que « les Polonais avaient pris d’assaut la ville de Varsovie et le château par composition » (c’est-à-dire au terme d’une négociation). La livraison du 5 août 1656 précise que « la ville de Varsovie n’a pas été prise d’assaut comme on avait cru au début, mais par une composition [...] ; le général Wittemberg (maréchal de camp des armées du roi de Suède) ayant seulement promis de ne pas servir le roi de Suède contre les Polonais ». L’Extraordinaire du 10 août 1656 confirme la composition : il est intitulé “Les articles de la reddition de Varsovie”. L’article IX précise que ce n’est qu’une trêve de quatre semaines à compter du jour de la présente capitulation. Mais le conflit n’est pas achevé. Dans les Nouvelles extraordinaires du 12 août 1656, on apprend que « le roi de Suède n’attend que la venue de l’Électeur de Brandebourg et l’écoulement des eaux qui se sont débordées [...] pour attaquer les Polonais ». Le 2 septembre, les Nouvelles ordinaires font un récit sommaire de « la reprise de Varsovie par le roi de Suède », qui annonce l’Extraordinaire du 6 septembre, intitulé “Le grand combat entre les Suédois et les Polonais près de Varsovie”. On y apprend que le roi de Suède et l’Électeur de Brandebourg ont passé les rivières de Buck et de la Vistule le 27 juillet. Les Suédois vainqueurs ont fait leur entrée solennelle dans Varsovie le 31 et le roi de Pologne a quitté la ville dès le 29 septembre 1656 : p. 167. La défaite de Jean-Casimir est connue vers début septembre 1656 à Paris. Selon Ernst, le rapport avec le fragment Vanité 11, n’est pas établi, mais il remarque que le terminus a quo de la rédaction serait alors le 2 septembre 1656.

Havet indique que Jean-Casimir, dépossédé de son royaume par les victoires de Charles-Gustave, roi de Suède, en 1656, y rentra la même année.

Mais la suite des événements permettrait de retarder la datation du fragment. Le Guern note qu’il est possible que la rédaction date de 1657 : c’est le 17 juin 1657 que les Suédois ont repris Varsovie ; la nouvelle ne fut connue à Paris que dans la seconde moitié du mois de juillet. Les Nouvelles ordinaires des 21 et 28 juillet 1657 annoncent en effet que les Suédois ont repris Varsovie avec les cosaques du prince Ragotsky, qui en a ruiné les fortifications.

La femme de Jean-Casimir est Louise Marie de Gonzague, qui fut une amie de Port-Royal ; elle emporta en Pologne une machine arithmétique. Voir l’article qui lui est consacré dans le Dictionnaire de Port-Royal.

 

 Charles Ier et Charles II d’Angleterre

 

Charles Ier d’Angleterre a été décapité en 1649.

Voir Ernst Pol, Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, p. 173 sq., qui rapporte le fragment à la Gazette et la révolution anglaise. Ernst résume l'affaire relatée par la Gazette de février-mars 1658, sur le projet d'invasion de l'Angleterre par Charles II, et la répression du complot intérieur par Cromwell, qui a coûté la vie aux partisans de Charles II, exécutés en juillet 1658. Mais à part le fait qu’il y a eu trois condamnés mentionnés dans la Gazette, le rapprochement est assez arbitraire. Reste que, jusqu’à 1660, date à laquelle il a été rétabli, Charles II peut être pris pour un de ces rois qui ne sont pas en mesure d’assurer l’hébergement de leurs amis. La datation du texte serait alors plus tardive encore que ne le donnent à croire les exemples précédents, et aurait pour terminus ad quem le 8 août 1658, Pascal n'ayant pas pu rédiger le fragment avant d'avoir lu la Gazette du 22 juin 1658 : p. 176 sq.

 

 Christine de Suède et sa démission (16 juin 1654)

 

Voir l’article consacré à la reine Christine dans Bluche François, Dictionnaire du grand siècle, l’art, p. 325-327.

La reine Christine de Suède (1629-1689) est l’une des personnalités féminines les plus marquantes du XVIIe siècle, tout à la fois par son règne et par sa carrière après son abdication. Reine, elle eut la réputation d’une souveraine éclairée, capable d’attirer à sa cour les esprits les plus brillants (parmi lesquels figure Descartes, qui y perdit la vie). Pascal connaît la reine Christine, puisqu’avant son abdication, il lui a écrit une lettre pour lui offrir sa machine arithmétique.

La réunion des sénateurs au cours de laquelle Christine a annoncé définitivement son abdication a eu lieu le 11 février 1654 ; voir Gobry Ivan, La reine Christine. La très secrète et scandaleuse reine de Suède, Paris, Pygmalion, Gérard Watelet, 2001, p. 154. Il fut décidé que le Riksdag se réunirait en mai à Upsal pour envisager le départ et la succession. La journée décisive est le 16 juin 1654, où la reine lit son acte d’abdication devant le Sénat : p. 155.

De Limiers, Histoire de la Suède sous le règne de Charles XII, où l'on voit aussi les révolutions arrivées en différents temps dans ce royaume, toute la guerre du Nord et l'avènement de la reine et du roi régnant à la couronne jusqu'à présent, A Amsterdam, chez Jansons à Waesberge, 1721, 3 vol.

Raymond Jean-François de, Pierre Chanut, ami de Descartes, Beauchesne, Paris, 1999, p. 121 sq.