Fragment Preuves de Moïse n° 5 / 7 – Papier original : RO 491-4
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de Moïse n° 331 p. 153 v° / C2 : p. 184
Éditions savantes : Faugère II, 193, XII / Havet XXV.140 / Brunschvicg 629 / Tourneur p. 275-3 / Le Guern 277 / Lafuma 295 / Sellier 326
______________________________________________________________________________________
Bibliographie ✍
ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970. GROTIUS Hugo, De veritate religionis christianae, I, § XV. Flavius JOSÈPHE, Histoire des Juifs écrite par Flavius Josèphe sous le titre de Antiquités judaïques. Traduites sur l’original grec revu sur divers manuscrits par Monsieur Arnauld d’Andilly. Troisième édition, Paris, chez Pierre Le Petit, MDCLXX. Privilège du 17 août 1652. Achevé d’imprimer pour la première fois le 23 décembre 1666. Flavius JOSÈPHE, Histoire de la Guerre des Juifs contre les Romains, Réponse à Apion, Martyre des Maccabées, par Flavius Josèphe et sa vie écrite par lui-même. Avec ce que Philon a écrit de son ambassade vers l’empereur Caïus Caligula. Traduit du grec par Monsieur Arnauld d’Andilly. Troisième édition. Paris, chez Pierre Le Petit, MDCLXX. Dans Œuvres, p. 467-5420, on trouve la Relation faite par Philon de l’ambassade dont il était le chef envoyée par les Juifs d’Alexandrie vers l’empereur Caïus Caligula. |
✧ Éclaircissements
Josèphe cache la honte de sa nation.
Historien juif, né vers 38, mort vers 100 après Jésus-Christ. De famille aristocratique, il prit part aux guerres contre Rome, et dut se rendre à Vespasien, qui devint son protecteur. À la demande de l’empereur, il composa l’histoire de la guerre des Juifs et des Antiquités juives. ; il composa aussi une Autobiographie et un Contre Apion. Ces ouvrages, notamment le Contre Apion, prennent la défense de son peuple contre les ennemis d’Israël. Ses œuvres ont été traduites par Arnauld d’Andilly (voir l’édition Lidis-Brepols, 1968-1981).
Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, article Flavius Josèphe, Paris, Cerf, 1993, p. 583-584.
Hadas-Lebel Mireille, Flavius Josèphe. Le Juif de Rome, Paris, Fayard, 1989.
Poznanski Lucien, La chute du temple de Jérusalem, Paris, Complexe, 1991, p. 111 sq. Vie, personnalité et œuvre de Flavius Josèphe.
Goyet Thérèse, L’humanisme de Bossuet, II, Klincksieck, Paris, 1965, p. 304. Auteur ayant un large public à l’époque, Josèphe est souvent allégué par Bossuet. La traduction de son Histoire des Juifs par Arnauld d’Andilly a connu huit éditions de 1668 à 1703. Bossuet le tient pour un auteur indépendant de la tradition chrétienne, qui se recommande par son exactitude et sa situation de témoin et de responsable. Mais n’étant pas chrétien, Josèphe ne comprend pas lui-même toute la force des événements dont il rend compte.
Les ouvrages de Flavius Josèphe étant des défenses du peuple juif, il évite de rapporter certains événements qui vont à leur désavantage. Pascal oppose sa conduite à celle de Moïse, qui est censé ne pas dissimuler certains épisodes fâcheux de l’histoire de son peuple.
Moïse ne cache pas sa honte propre ni...
Ni : il est difficile de dire ce qui doit suivre ; mais on peut supposer que cela signifie celle de son peuple.
La Bible de Port-Royal, dans Les Nombres et le Deutéronome, ch. III, p. 32 sq., consacre une note au désintéressement de Moïse.
Le Pentateuque ne dissimule pas les épisodes fâcheux comme celui du veau d’or, que Flavius Josèphe ne mentionne pas. Il raconte aussi les fautes propres de Moïse, comme le meurtre de l’égyptien.
Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, I, § XV. Il a révélé les péchés qu’il aurait pu dissimuler. Il a donné à d’autres la dignité du sacerdoce : « quod nec suae gloriae, nec suorum commodis, eum studuisse satis appareat, cum et peccata sua, quae dissimulare poterat, ipse tradiderit, et regni sacerdotiique dignitatem aliis assignaverit, sua posteritate in Levitarum plebem redacta : quae omnia satis ostendunt nihil ei causae fuisse cur mentietur : sicut nec fucata aut illecebrosa utitur oratione qualis mendacio fidem impetrare solet ; sed et simplici, et conveniente rei ingenio ». Tr. : « On ne lui voit ni passion pour la gloire, ni désir d’établir sa Maison. S’il fait des fautes, il veut bien les publier ; s’il jouit de l’autorité suprême, c’est parce qu’il était seul capable de la manier. Mais d’ailleurs il ne travaille point à l’affermir dans sa famille, qu’il s’est contenté de confondre dans la foule des Lévites. Il laisse à d’autres l’honneur du Sacerdoce dont il aurait pu s’emparer. On ne remarque dans ses discours, ni cet artifice, ni ces manières flatteuses et insinuantes, qui sont les couleurs ordinaires du mensonge ; mais une simplicité inimitable, et une proportion merveilleuse avec les choses dont il parle. » On ne peut croire qu’il a menti.
Flavius Josèphe, Réponse à ce qu’Apion avait écrit contre son Histoire des Juifs touchant l’Antiquité de leur race, in Œuvres, I, Traduit du grec par Monsieur Arnauld d’Andilly. Troisième édition. Paris, chez Pierre Le Petit, MDCLXX, Livre II, Chapitre I, « Commencement de la Réponse à Apion. Réponse à ce qu’il dit que Moïse était égyptien, et à la manière dont il parle de la sortie des Juifs hors de l’Égypte » : p. 425. Chapitre VI, « Réponse à ce que Lysimaque, Apollonius Molon et quelques autres ont dit contre Moïse. Josèphe fait voir combien cet admirable législateur a surpassé tous les autres, et que nulles lois n’ont jamais été si saintes ni si religieusement observées que celles qu’il a établies » : p. 439 sq. On dit que « Moïse notre législateur n’était qu’un séducteur et un enchanteur, et que les lois qu’il nous a données n’ont rien que de méchant et de dangereux... » : p. 439. Il a été le chef du peuple ; il les a « garantis par son extrême prudence d’infinis périls » : p. 440. C’est « un excellent capitaine, un très sage conducteur, et un protecteur remarquable. Quoiqu’il persuadait tout ce qu’il voulait à cette grande multitude, et qu’elle lui fût extrêmement soumise, il ne fut jamais tenté du désir de dominer ; mais dans le temps que les autres affectent la tyrannie, et lâchent la bride au peuple pour vivre dans le désordre ; au lieu d’abuser de son autorité, il ne pensa qu’à marcher dans la crainte de Dieu, qu’à exciter ce peuple à embrasser la pitié et la justice, qu’à l’y fortifier par son exemple, et qu’à affermir son repos. Une conduite si sainte et tant de grandes actions ne donnent-elles pas sujet de croire que Dieu était l’oracle qu’il consultait, et qu’étant persuadé qu’il devait en toutes choses se conformer à sa volonté, il n’y avait rien qu’il ne fît pour inspirer ce même sentiment au peuple dont il avait la conduite » : p. 441. C’est un législateur « semblable à Minos » : car on voit bien que ses lois sont les plus saintes.
Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 420.
-------
Quis mihi det ut omnes prophetent ?
Nombres, XI, 29. « Plût à Dieu que tout le peuple prophétisât et que le Seigneur leur donnât son esprit ». Pascal cite Vatable : « Qui me donnera que tous prophétisent ».
Commentaire de la Bible de Port-Royal :
« Josué était saint, mais il était homme. Et il paraît en lui en cette rencontre un mouvement passager d’une jalousie humaine. Il aimait et révérait Moïse comme un homme plein de Dieu. Il savait combien son gouvernement était avantageux aux Israélites. Et il avait peur que le même esprit dont il était rempli se répandant sur d’autres, ce partage de la grâce qu’il avait reçue ne diminuât en autorité, et qu’ensuite et Moïse même et ceux qui étaient attachés inséparablement à lui, en fussent moins considérés des Israélites.
C’est ce qui arriva aux chrétiens de Corinthe qui sont repris par saint Paul, comme Josué est repris ici par Moïse. L’un disait : Je suis à Pierre ; l’autre : Je suis à Paul ; l’autre : Je suis à Apollon. Mais saint Paul s’opposant à tous ces sentiments de partialité et de jalousie, leur répond dans le transport d’un saint zèle, dit saint Augustin : et moi je suis à Jésus-Christ. Et prenant plaisir à s’abaisser lui-même pour détruire cette élévation superbe que ses disciples lui voulaient donner, il ajoute : Jésus-Christ est-il divisé ? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous, ou avez-vous été baptisés au nom de Paul ?
On voit dans Moïse ce même zèle et cette même humilité prophétique et apostolique, comme ayant été animé par le même Esprit dont saint Paul était rempli, quoiqu’il ait été si longtemps avant les apôtres. Il ne veut point que Josué dise en son cœur : Je suis à Moïse, et je ne veux point que d’autres partagent avec Moïse la gloire qui lui est propre : comme saint Paul ne voulait point que les fidèles disent : Je suis à Paul. Mais il veut qu’ils disent comme Moïse lui-même le disait de tout son cœur : Je suis à Dieu seul. Ses intérêts sont les miens, et je hais tous les avantages qu’on me peut donner au-dessus des autres, s’ils ne tendent pas à l’établissement de sa gloire. Moïse ajoute : Qui me donnera que tout le peuple prophétise, et que le Seigneur répande son Esprit sur eux ? Cette parole fait voir clairement que cet homme de Dieu avait dès lors dans l’esprit Jésus-Christ mort et ressuscité, monté au ciel, et établissant son Église par l’effusion de son Esprit, puisqu’il la marque ici avec des paroles toutes semblables à celles que S. Pierre tire du prophète Joël, lorsqu’il dit aux Juifs épouvantés de ce grand miracle, par lequel ils voyaient les apôtres publier les grandeurs de Dieu en tant de langues qu’ils n’avaient jamais apprises : C’est ce qui a été dit par le prophète Joël : Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur route chair : vos fils et vos filles prophétiseront ; vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes. En ces jours-là je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes ; et ils prophétiseront. »
Il était las du peuple.
Nombres, XI, 14. « Je ne puis seul soutenir tout ce peuple parce qu’il est lourd pour moi ». Texte de la Bible de Port-Royal : « Je ne puis porter seul tout ce peuple, parce qu’il m’est devenu à charge ».
Commentaire : « C’est ce qui arrive effectivement dans cette révolte des Israélites contre Dieu et contre Moïse : car ce saint législateur étant traité si outrageusement par son peuple, et sentant sans comparaison davantage d’injure que Dieu en recevait, que les siennes propres, ne demande pas à Dieu qu’il venge son honneur, et qu’il punisse ce peuple rebelle. Il le fait souvenir au contraire de la tendresse qu’il a toujours eue pour les enfants d’Israël, et qu’il a voulu lui inspirer à lui-même, en lui disant : Portez-les dans votre sein, comme une nourrice a accoutumé de porter son petit enfant ; et menez-les en la terre que j’ai promise à leurs pères.
Il ne demande point ensuite à Dieu qu’il le punisse, mais il souhaite plutôt qu’il le retire de ce monde, afin qu’il trouve en lui la paix qu’il ne peut avoir avec les hommes, et qu’il finisse une vie qui lui devient d’autant plus insupportable que tous les maux qu’il y souffre sont non seulement inutiles, mais qu’ils deviendront peut-être un sujet d’une plus grande condamnation à ceux dont il souhaiterait le salut comme le sien propre ».