Fragment Ordre n° 4 / 10 - Papier original : RO 25-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Ordre n° 7 et 8 p. 1 v° / C2 : p. 14

Éditions savantes : Faugère II, 389, Ordre / Havet XXII.1 / Brunschvicg 60 / Tourneur p. 167-2 / Le Guern 4 / Maeda I p. 32 / Lafuma 6 / Sellier 40

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Bibliographie

 

DESCOTES Dominique, “Le problème de l’ordre chez Pascal”, in PAPASOGLI Benedetta (dir.), Le Pensées di Pascal : dal disegno all’edizione, Studi francesi, 143, Torino, Rosenberg et Sellier, mai-août 2004, p. 281-300.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Commentaires, 2e édition, Vrin, Paris, 1971, p. 168.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 219.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, p. 67 sq.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977, p. 187.

SUEMATSU Hisashi, “Les Pensées et le métatexte”, Equinoxe, 1, automne 1987, p. 27-53.

 

 

Éclaircissements

 

Première partie : Misère de l’homme sans Dieu.

Deuxième partie : Félicité de l’homme avec Dieu.

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                                           Autrement

Première partie : Que la nature est corrompue, par la nature même.

Deuxième partie : Qu’il y a un Réparateur, par l’Écriture.

 

Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 187. Plan de démonstration de Pascal et conditions de la problématique.

Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, 2e édition, Vrin, Paris, 1971, p. 168. Étude de la signification de l’antithèse proposée dans le fragment. Le dessein de Pascal paraît se trouver à la jonction entre une apologétique moderne, l’apologétique de l’Entretien avec Sacy (partie 1), avec l’apologétique du miracle (partie 2), qui correspond plutôt aux formes de l’apologétique traditionnelle. Mais selon H. Gouhier, c’est plus compliqué et même « simpliste ». La note marque « deux moments d’un même mouvement », celui de L’entretien avec M. de Sacy.

Il faut cependant tenir compte d’indications qui ne sont pas concordantes, comme celle du fragment Souverain bien 2 (Laf. 148, Sel. 181), qui indique le thème de la Seconde partie, que l’homme sans la foi ne peut connaître le vrai bien, ni la justice.

Ferreyrolles Gérard, “De l’usage de Senault : apologie des passions et apologétique pascalienne”, Corpus, 7, 1988, p. 3-20, rapproche l’esquisse de Pascal du plan des titres de deux livres de Senault, L’homme criminel, ou la corruption de la nature par le péché, 1644, et L’homme chrétien, ou la réparation de la nature par la grâce, 1648.

Force Pierre, Pascal, Pensées, Nathan, Paris, 1997, p. 20 sq. Le point commun des deux plans, c’est que la première partie ne fait pas référence à la vérité révélée.

« Misère », ici, s’oppose à « Félicité », et non à « Grandeur ». Voir Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 219. Opposition misère-grandeur et misère-félicité : dans le premier couple, l’homme est envisagé en lui-même et sa double nature ; dans le second, il est mis en rapport avec sa fin. Relation avec les deux parties que Pascal a prévues, l’une qui a l’homme pour centre, dans laquelle Dieu n’intervient pas, sinon comme solution possible aux contradictions ; la seconde, marquée par la relation entre l’homme et Dieu.

S’agit-il de deux plans différents, ou de deux interprétations d’un même plan ?

Descotes Dominique, “Le problème de l’ordre chez Pascal”, in Papasogli Benedetta (dir.), Le Pensées di Pascal : dal disegno all’edizione, Studi francesi, 143, Torino, Rosenberg et Sellier, mai-août 2004, p. 281-300. Ces deux plans ne sont pas exclusifs l’un de l’autre : ce sont deux manières de présenter une même succession de preuves. Le terme « Autrement » ne signifie pas qu’on peut construire deux plans différents, mais que l’ordre que Pascal compte adopter peut être interprété de deux manières différentes, selon le point de vue d’où on le considère. Le premier met l’accent sur deux contrastes, misère de l’homme sans Dieu et félicité avec Dieu d’une part, et corruption et réparation d’autre part. Le deuxième ajoute à la considération des points à démontrer, que la nature est corrompue et qu’il y a un réparateur, la considération de la manière de les prouver, par la Nature, et par l’Écriture. Sous le parallélisme apparent, la différence de niveau est évidente entre les deux ordres : le premier répond à ce que, dans L’esprit géométrique, Pascal appelle l’analyse, appliquée à la nature morale et psychologique de l’homme ; le second répond au point de vue de la critique, et de la vérification de la conformité des preuves aux règles de la démonstration. Cette double perspective est présente dans les textes les plus élaborés des Pensées. En effet, dans la prosopopée de la Sagesse de Dieu par exemple, Pascal ne se contente pas seulement d’expliquer comment la Révélation rend compte de l’état actuel de la condition humaine ; il montre aussi que la transition d’une vérité philosophique à une vérité révélée ne contrevient pas aux exigences légitimes de la pensée humaine, autrement dit que la Sagesse de Dieu ne s’impose pas de manière tyrannique. Preuve et réflexion sur la légitimité de la preuve, démonstration et critique de la démonstration sont menées de pair, et placées pour ainsi dire en même ordonnance.

Sellier Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, p. 67 sq.

Suematsu Hisashi, “Les Pensées et le métatexte”, Equinoxe, 1, automne 1987, p. 27-53.

 

Sur l’aspect tactique de ces plans

 

Russier Jeanne, La foi selon Pascal, I, p. 34 sq. Il ne faut pas prendre pour démonstration ce qui est tactique, « envisageant moins la vérité que l’opportunité », p. 40. Pour Pascal, « peu importe la manière, ce qui compte, c’est le résultat, l’abaissement », p. 40. « Il est question non de démontrer, mais de convertir », p. 40. C’est une « cure mentale » dont Pascal emprunte les instruments à Montaigne. Contre les sots, la seule arme est le ridicule et non le raisonnement ; d’où l’emploi de l’ironie : p. 43. Il importe moins de réfuter que de confondre, de prendre l’offensive pour éviter les attaques, de retourner la situation.

L’articulation des deux mouvements répond aux règles de l’art de persuader ; elle est expliquée par la Vie de Pascal de Gilberte Périer, 2e version, § 50, OC I, éd. J. Mesnard, p. 621 : « Un des principaux points de l’éloquence qu’il s’était fait était non seulement de ne rien dire que l’on n’entendît pas, ou que l’on entendît avec peine, mais aussi de dire des choses où il se trouvât que ceux à qui nous parlions fussent intéressés, parce qu’il était assuré que pour lors l’amour-propre même ne manquerait jamais de nous y faire faire réflexion, et de plus, la part que nous pouvons prendre aux choses étant de deux sortes (car ou elles nous affligent, ou elles nous consolent), il croyait qu’il ne fallait jamais affliger qu’on ne consolât, et que bien ménager tout cela était le secret de l’éloquence ». On peut dans une certaine mesure rattacher ces deux mouvements aux deux formes de la pastorale que l’on a distinguées à l’époque classique : voir Dompnier Bernard, “Pastorale de la peur et pastorale de la séduction”, in La conversion au XVIIe siècle, p. 264 sq. On ne convertit jamais le pécheur en le désespérant : p. 274.