Fragment Ordre n° 7 / 10 - Papier original : RO 25-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Ordre n° 11 et 12 p. 1 v° / C2 : p. 15

Éditions savantes : Faugère II, 392, Ordre / Havet XXV.110 / Brunschvicg 291 / Tourneur p. 168-4 / Le Guern 7 / Maeda I p. 43 / Lafuma 9 / Sellier 43

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Bibliographie

 

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 293.

 

 

 

Éclaircissements

 

Dans la lettre de l’injustice peut venir :

La plaisanterie des aînés qui ont tout.

 

La question se pose de la nature du génitif dans l’expression la plaisanterie des aînés qui ont tout : génitif objectif ou subjectif ? Est-ce le fait que tout revienne par héritage aux aînés qui est plaisant ? Ou s’agit-il d’une plaisanterie qui court dans le monde, sur le fait que les aînés reçoivent tout ? Ou enfin est-ce une allusion à des aînés qui, ayant tout, en plaisantent ?

 

L’héritage et le droit d’aînesse

 

On peut envisager le problème sous l’angle biographique. Le fait que les aînés doivent tout recevoir n’était visiblement pas l’esprit de la famille : voir OC II, éd. J. Mesnard, p. 864 sq. Jacqueline a eu une part de l’héritage de son père.

On peut aussi se rapporter à la situation des Roannez. Voir Mesnard Jean, Pascal et les Roannez, I, p. 108. La marquise de Boisy, le 16 juillet 1647, « considérant les grandes et excessives dépenses auxquelles la dignité de Monsieur le duc de Roannez son fils l’oblige, et qu’il est important à l’honneur de sa maison de lui laisser des biens convenables pour en soutenir le lustre et la splendeur », lui fait donation entière de ses biens. L’acte fixait aussi la part qui devait revenir aux filles de la marquise dans la double succession des Roannez et des Hennequin : p. 108-109. Acte de générosité par lequel elle se réserve seulement l’usufruit de quelques terres et la libre disposition de certaines sommes d’argent. Voir les conditions financières prévues pour les sœurs : p. 128 sq. L’aînée est une fille, Marguerite-Henriette. Le futur duc de Roannez n’est que le cadet : p. 89-90.

 

Voir le dossier sur les règles de l’héritage…

 

Les problèmes de succession ont des conséquences politiques sur lesquelles Pascal attire l’attention dans le fragment Raisons des effets 13 (Laf. 94, Sel. 128). Le plus grand des maux est les guerres civiles. Elles sont sûres si on veut récompenser les mérites, car tous diront qu’ils méritent. Le mal à craindre d’un sot qui succède par droit de naissance n’est ni si grand, ni si sûr.

 

Mon ami, vous êtes né de ce côté de la montagne. Il est donc juste que votre aîné ait tout.

Pourquoi me tuez-vous ?

 

Référence au fragment Vanité 37 (Laf. 51, Sel. 84). Pourquoi me tuez-vous à votre avantage ? Je n’ai point d’armes - Et quoi ne demeurez vous pas de l’autre côté de l’eau ? Mon ami, si vous demeuriez de ce côté je serais un assassin, et cela serait injuste de vous tuer de la sorte. Mais puisque vous demeurez de l’autre côté je suis un brave et cela est juste.

Misère 9 (Laf. 60, Sel. 94). Plaisante justice qu’une rivière borne. Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà.

 

Une interprétation

 

L’édition GEF, XIII, p. 213, propose en note une interprétation : quoique rien n’indique « par quel lien ces lettres (sc. que Pascal projetait d’écrire sur l’injustice) se rattachaient à l’ensemble du sujet », « il est possible que Pascal y visait l’objection que le libertin tire naturellement contre la doctrine janséniste des principes de la justice humaine, à savoir que la récompense des élus et le châtiment des damnés sont également iniques, puisque la grâce a été arbitrairement donnée aux uns et refusée aux autres. Or Pascal nie que la justice humaine puisse juger la justice divine, car la justice humaine est impuissante à se justifier [...]. Alors les mystères de la prédestination et de la grâce n’ont plus rien de choquant pour nous, puisque nous avons renoncé à mesurer les choses divines avec nos moyens humains de comprendre ». Cette interprétation semble hors de propos.