Pensées - page 316
fins, c’est qu’ils ne voient pas ce qui
est devant eux, et qu’étant accoutumés
aux principes nets et grossiers de
Géométrie, et à ne raisonner qu’après
avoir bien vu et manié leurs
principes, ils se perdent dans les choses
de finesse, où les principes ne se
laissent pas ainsi manier. On les voit
à peine : on les sent plutôt qu’on ne
les voit : on a des peines infinies à les
faire sentir à ceux qui ne les sentent
pas d’eux-mêmes : ce sont choses tellement
délicates et si nombreuses,
qu’il faut un sens bien délicat et bien
net pour les sentir, et sans pouvoir le
plus souvent les démontrer par ordre
comme en Géométrie, parce qu’on
n’en possède pas ainsi les principes,
et que ce serait une chose infinie de
l’entreprendre. Il faut tout d’un coup
voir la chose d’un seul regard, et non
par progrès de raisonnement, au
moins jusqu’à un certain degré. Et
ainsi il est rare que les géomètres
soient fins, et que les fins soient géomètres ;
à cause que les géomètres
veulent traiter géométriquement les
choses fines, et se rendent ridicules,
voulant commencer par les définitions, |