L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 316

fins, c’est qu’ils ne voient pas ce qui

est devant eux, et qu’étant accoutumés

aux principes nets et grossiers de

Géométrie, et à ne raisonner qu’après

avoir bien vu et manié leurs

principes, ils se perdent dans les choses

de finesse, où les principes ne se

laissent pas ainsi manier. On les voit

à peine : on les sent plutôt qu’on ne

les voit : on a des peines infinies à les

faire sentir à ceux qui ne les sentent

pas d’eux-mêmes : ce sont choses tellement

délicates et si nombreuses,

qu’il faut un sens bien délicat et bien

net pour les sentir, et sans pouvoir le

plus souvent les démontrer par ordre

comme en Géométrie, parce qu’on

n’en possède pas ainsi les principes,

et que ce serait une chose infinie de

l’entreprendre. Il faut tout d’un coup

voir la chose d’un seul regard, et non

par progrès de raisonnement, au

moins jusqu’à un certain degré. Et

ainsi il est rare que les géomètres

soient fins, et que les fins soient géomètres ;

à cause que les géomètres

veulent traiter géométriquement les

choses fines, et se rendent ridicules,

voulant commencer par les définitions,

 

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