Fragment Prophéties n° 22 / 27  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Prophéties n° 359 p. 171 / C2 : p. 205

Éditions savantes : Faugère II, 274, XIII / Havet XXV.164 / Brunschvicg 695 / Le Guern 324 / Lafuma 343 / Sellier 375

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Bibliographie

 

 

BORGEAUD Philippe, “Le grand Pan est mort. Problèmes d’interprétation”, Revue de l’histoire des religions, n° 200-1, 1983, p. 3-39.

CHARRON Pierre, Les trois vérités, II, 8. 

GRIMAL Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, art. Pan, Paris, Presses Universitaires de France, 2002.

PLUTARQUE, Les œuvres morales et philosophiques, Des oracles qui ont cessé et pourquoi (De defectu oraculorum), XVII, Paris, C. Morel, 1618, p. 341.

RABELAIS, Le quart livre, ch. XXVIII.

 

 

Éclaircissements

 

Prophéties.

Le grand Pan est mort.

 

Sur le personnage mythologique du dieu Pan, voir Grimal Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, art. Pan, Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 342.

Le personnage mythologique ne paraît pas vraiment être en cause dans le présent fragment.

La mythologie ne tient presque aucune place dans l’ensemble de l’œuvre de Pascal.

Le nom de Pan peut être entendu comme celui d’un personnage mythologique ; mais pan signifiant tout en grec, il arrive qu’on l’entende au sens de la totalité de la Nature. Voir Mersenne Marin, Harmonie universelle, Livre cinquième, Des instruments de musique, éd. CNRS, t. 3, Prop. III, p. 227-228. Les sages de l’Antiquité devaient entendre par ce mot la nature universelle : p. 228.

Borgeaud Philippe, “Le grand Pan est mort. Problèmes d’interprétation”, Revue de l’histoire des religions, n° 200-1, 1983, p. 3-39.

Plutarque, Les œuvres morales et philosophiques, Des oracles qui ont cessé et pourquoi (De defectu oraculorum), XVII, Paris, C. Morel, 1618, p. 341, dit qu’un certain Thamous, à l’époque d’Auguste ou de Tibère, aurait entendu une voix lui commander d’annoncer la nouvelle Pan est mort.

Rabelais, Le quart livre, ch. XXVIII. Rabelais, après avoir rapporté l’histoire de Thamous, et propose une interprétation qui suit Marsile Ficin, en alléguant que le grand Pan est en fait Jésus-Christ, « grand servateur des fidèles, qui fut en Judée ignominieusement occis par l’envie et iniquité des Pontifes, docteurs, prêtres et moines de la loi mosaïque », car « à bon droit peut-il être en langage gregois dit Pan, vu que il est le nôtre Tout, tout ce que sommes, tout ce que vivons, tout ce que avons, tout ce que nous espérons est lui, en lui, de lui, par lui. C’est le bon Pan, le grand pasteur » qu’annonce le berger Corydon de Virgile : « à cette mienne interprétation compète le temps, car cestui très bon très grand Pan, notre unique Servateur, mourut lès Hierusalem, régnant en Rome Tibère César » (éd. G. Demerson, Paris, Seuil, 1995, p. 962-965). Cette interprétation n’a guère de chances d’être celle de Pascal, mais Rabelais n’est pas le seul ni le premier à avoir proposé l’assimilation du grand Pan à Jésus-Christ.

Charron Pierre, Les trois vérités, II, 8 : « dès le temps d’Auguste, et à la belle arrivée de Jésus-Christ, les oracles sont demeurés muets, ne répondant plus à ceux qui les consultaient et leur sacrifiaient. Les esprits et démons sont chassés, forcés de se retirer et se taire. Porphyre, Juvénal, Lucien, Celse, Julien l’Apostat s’en plaignent fort, en cherchant la cause, et ne peuvent trouver. Plutarque en a fait un traité exprès, où il se morfond pour en trouver la cause : et entre autres choses raconte la mort du grand dieu Pan, qui apporta tant de cris et hurlements, de pleurs et gémissements par les Iles, et côtés de la Mer Méditerranée, qui advint sous l’empereur Tibère ».

Balzac Guez de, Œuvres, II, Dissertation sur une tragédie intitulée Herodes infanticida, Paris, Billaine, 1665, p. 533. Voir Zuber Roger, “Guez de Balzac et les deux Antiquités”, XVIIe siècle, n° 131, p. 143. « Le grand Pan est mort, par la naissance du Fils de Dieu, ou plutôt par celle de sa doctrine ».

Pourquoi Pascal relève-t-il cette légende, et dans le chapitre Prophéties ? Il est loin d’être certain que Pascal prête foi à l’histoire de Thamous et à l’oracle qu’elle proclame.

En revanche, le dieu Pan est sans doute le symbole de toute la théogonie païenne, qui s’écroule avec la naissance du christianisme. On doit rapprocher ce fragment de celui qui célèbre l’extraordinaire développement de la foi chrétienne qui a suivi l’arrivée du Christ (voir Prophéties 17 - Laf. 338, Sel. 370). Pascal a peut-être été frappé par la manière dont Charron rapporte la déroute intellectuelle des anciens devant l’annonce de Thamous, et par le contraste qu’elle forme avec la ferveur des premiers groupes chrétiens.