Fragment Rabbinage n° 1 / 3 – Papier original : RO 202-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Rabbinage n° 318 p. 141 / C2 : p. 171
Éditions savantes : Faugère II, 208, XXXII / Havet XXV.145 / Brunschvicg 635 / Tourneur p. 268-2 / Le Guern 260 / Lafuma 277 / Sellier 308
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Bibliographie ✍
COHEN A., Le Talmud, Paris, Payot, 1976. COHN Lionel, “Pascal et le judaïsme”, in Pascal. Textes du tricentenaire, Paris, Fayard, 1963, p. 195-224. COHN Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969. Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, Paris, Cerf, 1993. LEDUC-FAYETTE Denise, Pascal et le mystère du mal, Paris, Cerf, 1996. MARTINUS Raymundus, Pugio fidei Raymundi Martii ordinis praedicatorum adversus Mauros et Judaeos [...], Paris, M. et J. Henault, 1651. Port-Royal et le royaume d’Israël, Chroniques de Port-Royal, 53, Paris, Bibliothèque Mazarine, 2004. SIMON Marcel et BENOIT André, Le judaïsme et le christianisme antique d’Antiochus Épiphane à Constantin, Paris, Presses Universitaires de France, 1968. |
✧ Éclaircissements
Chronologie du rabbinisme.
Rabbin est le titre conféré chez les Juifs à un personnage faisant autorité en matière religieuse. De titre honorifique, le mot est devenu un titre officiel conféré aux membres du Sanhédrin experts en matière de loi juive. La cérémonie ne pouvant se tenir qu’en Israël, les sages qui avaient un statut analogue en Babylonie recevaient le titre de Rav, et n’usaient jamais de celui de Rabbi. Les rabbins devinrent les interprètes qualifiés en matière de littérature talmudique et les interlocuteurs avec les souverains des pays où séjournaient des groupes juifs. On parle de judaïsme rabbinique après la destruction du Temple de Jérusalem, à partir du moment où un Sanhédrin fut créé au centre d’études rabbiniques de Jabneh, où fut entrepris un travail de commentaire suivi du texte de la Bible (midrasch, d’un mot qui signifie enseigner), et la Mischna (d’un mot signifiant répéter).
Voir Pugio fidei, Pars III, sect. 2, passim, surtout ch. VI, § 2.
Les citations des pages sont du livre Pugio.
Pugio fidei Raymundi Martii ordinis praedicatorum adversus Mauros et Judaeos [...], Paris, M. et J. Henault, 1651.
Cohn Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Age et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969. La source essentielle de Pascal est le Pugio fidei, du dominicain Ramon Martinez.
Raymond Martin (Ramon Marti, Ramon Martinez), né entre 1225 et 1230 environ, est au XIIIe siècle, un moine catalan de l’ordre des Frères prêcheurs, inquisiteur renommé pour sa science, le plus grand orientaliste médiéval peut-être. Il a été professeur au Studium hebraicum, fondé par Raymond de Peñafort qui estimait que pour convertir les Juifs il fallait connaître leur religion afin d’en établir l’insuffisance : chargé par lui de fonder à Tunis un Studium arabicum, il possédait un savoir extraordinaire des textes arabes et judaïques, avait longuement discuté avec des rabbins, et connaissait bien leur pratique exégétique. Son travail au contact du Talmud, dans les langues d’origine : il parlait l’arabe et l’hébreu. Il tire de ses travaux la conviction que les traditions juives confirment largement la religion chrétienne, ce qui le conduit à s’opposer au brûlement du Talmud. En 1278, il rédige à Barcelone le Pugio fidei, où il offre un florilège de textes empruntés aux midrashim. Dans le titre Pugio fidei, le couteau « sert à couper pour les Juifs le pain de la parole divine » (Il ne s’agit pas de les poignarder). Le manuscrit du Pugio fidei est resté inconnu jusqu’au XVIIe siècle, où François Bosquet, futur évêque de Lodève, et son condisciple au collège de Foix, Joseph de Voisin, découvrent une copie qu’ils demandent à un orientaliste allemand, Joseph de Rozen, de transcrire. Cette transcription servira de base à l’édition de 1642, dédiée au cardinal de Richelieu, qui a été estimée insuffisante par Joseph de Voisin : celui-ci en donne, en 1651, une édition complète avec un commentaire et des annotations, celle qui a intéressé Pascal. Le Pugio fidei a eu une autre édition en 1687, « Lipsiae, sumptibus haeredum Friderici Lanckisi, typis Viduae Johannis Wittigav », dont la page frontispice ne manque pas de pittoresque (voir ci-contre). |
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Delumeau Jean, La peur en Occident, p. 283, accorde au Pugio fidei une place dans l’offensive des religieux contre les Juifs, à la fin du XIIIe siècle, quoiqu’il soit demeuré à l’état manuscrit.
Sur le plan d’ensemble du Pugio fidei, voir Cohen Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, p. LI. Le préambule du Pugio fidei contient une étude chronologique des textes rabbiniques, avec l’analyse du contenu et des circonstances de sa composition, et un long commentaire de Voisin, qui explique comment la tradition juive a passé de Moïse aux rabbins, comment sont composés les livres du Talmud, et comment les traditions du Christ sont conformes à celles de la Synagogue.
Le livre contient trois parties :
1. 26 chapitres, consacrés aux problèmes philosophiques du XIIIe siècle : la preuve de l’existence de Dieu, les réponses aux objections arabes, le recours à Maïmonide, au Moré-Nevuchim, le Guide des égarés, et à Al-Ghazali, et enfin l’argumentation contre les partisans de l’éternité du monde, et de la matérialité de l’âme.
2. 15 chapitres, consacrés à la démonstration que Jésus-Christ était le vrai Messie, puisqu’il a réalisé les prophéties messianiques ; contre les Juifs, que leur interprétation du texte sacré n’est pas la bonne (chapitres III et V sur Daniel et XII), que les prophètes annoncent Jésus (chapitres IX et XI), et avec le Talmud et le Midrash, que le christianisme est l’accomplissement final du judaïsme (chapitre XV). Le chapitre XII prouve que certains textes ne sont pas à prendre à la lettre.
3. 3 sections
a. étude de la notion d’unité divine (ch. III et ch. VIII : la Trinité ne la compromet pas ; ch. V : opposition des attributs de Dieu selon les Juifs et les chrétiens)
b. étude de l’homme (ch. I et II : l’image de Dieu, la faute et la punition, avec appel aux textes rabbiniques et à la tradition du péché originel ; ch. VII, VIII, IX : par les rabbins, preuve que les enfers étaient le lot de tous les humains jusqu’à la venue du Christ.)
c. la rédemption de l’humanité par Jésus-Christ : preuve qu’il est bien le Messie, qu’il a toujours été attendu ; qu’il est bien le descendant de David.
Lionel Cohn, dans son livre Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, a étudié la réponse qui a été apportée à R. Martin par Rabbi Salomon ben Adereth (Rabbi Chlomo ben Adereth, dit Rachba), né entre 1235 et 1240 à Barcelone, mort vers 1310. Il tente de prouver que la religion juive gardera toujours sa valeur, donc que la religion chrétienne ne peut se présenter comme une prolongation du judaïsme. L’intérêt de l’ouvrage de Ben Adereth (Perouchey Agadoth) est qu’il propose, dans plusieurs cas, la réfutation d’arguments que, quatre siècles plus tard, Pascal devait employer. Ces écrits polémiques du rabbin espagnol, restés manuscrits, furent édités une première fois en 1863. L’idée directrice en est une « défense de la religion juive », en trois étapes : l’analyse de la religion juive, l’apologie du judaïsme, et la critique du christianisme. « Répondre au christianisme à partir de l’étude des midrachim revient pour Rachba à attaquer l’adversaire sur son terrain. Les chrétiens prenaient l’habitude, au Moyen Âge, de polémiquer contre le judaïsme en étudiant des textes du Talmud, du Midrach, et en les interprétant de façon erronée. C’est le véritable sens de ces midrachim que s’emploie à rétablir Ben Adereth. »
♦ Joseph de Voisin (1610-1685)
Dictionnaire de Port-Royal au XVIIe siècle, art. Voisin, p. 1008-1009. Joseph de Voisin est connu pour sa connaissance de la langue hébraïque et des textes rabbiniques. Il a publié une Theologia Judaeorum (1648), et des ouvrages de théologie. Il devient aumônier du prince de Conti, ce qui crée un lien avec Port-Royal. Il composa un Missel romain selon le règlement du concile de Trente, qui fut censuré, et les notes complémentaires du Pugio fidei.
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P. 27.
R. Hakadosch auteur du Mischna ou loi vocale, ou seconde loi. An 200.
Barré au dessous : ses disciples composèrent.
On pourrait lire « 21 » au lieu de 27. La référence à la p. 27 se justifie par un passage qui mentionne la mort et la succession de R. Yehouda ha-Nasi, mais qui indique aussi que le livre de la Mischna « completus est et obsignatus » dans l’année 3 949 de la création du monde, « qui fuit annus [...] 120 a vastitate templi ».
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, art. Michnah, p. 741. Yehouda ha-Nasi, ou Judas le patriarche (environ 138- environ 217), dit aussi Rabbi Hakadosch (le saint), le maître par excellence (135-217), a compilé la Mischna. Voir l’article Yehoudah ha-Nassi, du Dictionnaire encyclopédique du judaïsme,art. Michnah, p. 741, et l’article qui lui est consacré, p. 1196-1199. Voir aussi Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique d’Antiochus Épiphane à Constantin, p. 79. Chef spirituel et politique de la communauté juive d’Erets Israël (la terre d’Israël), fils de Siméon ben Gamaliel II à qui il succéda à la tête du Sanhédrin aux alentours de l’année 170, il exerça un pouvoir considérable. La plus grande partie de son activité législative fut consacrée à l’application des lois de l’année sabbatique et des dîmes lévitiques. Il fut reconnu par les autorités romaines comme le chef et le porte-parole de la communauté juive. La composition de la Mischna, effectuée avec les maîtres contemporains est son grand titre d’autorité au regard de la postérité : elle s’étendit très vite à tout le judaïsme, et son œuvre devint à son tour objet de commentaires, que l’on appelle la Gemara (voir plus bas).
Pascal tire ces renseignements sur Rabbi Hakadosch, du Pugio fidei, Prooemium, p. 25 B. « Primus R. Iehyda, quem vocant vulgo Rabbinus Hakadosch, id est Magistrum nostrum sanctum, traditiones publice editit, et in unum volumen digessit, quod inscripsit Mischna ; id est δευτέρωσιν, sive legem secundam [...], ut docet Aruch, id est : Quia est secunda a priore nimirum lege scripta et secundum R. Samuelem in introductione sua ad Gemaram ».
♦ Qu’est-ce que la Mischna ?
Les graphies diffèrent selon les époques et les traducteurs. On trouve Mischna, Mischnah, Michnah, etc. L’usage français actuel est d’en faire un nom féminin. Nous nous conformons à cet usage dans le commentaire.
Cohen A., Le Talmud, p. 23 sq. ✍
Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique d’Antiochus Épiphane à Constantin, p. 79. ✍
La Mischna est une compilation exhaustive de la loi orale, du corps de la Tora juive ; le nom de Mischna dérive de la racine chana, qui signifie répéter ; il désigne l’enseignement oral qui s’inculque par voie de répétition. C’est le contraire de mikra, qui désigne le texte à lire ; il s’applique à la codification de la tora orale par opposition à la tora écrite du Pentateuque. Le langage de la Mischna est un hébreu indigène de l’époque, mêlé de vocables grecs et latins.
Pugio fidei, Prooemium, p. 25 B. La formule de Pascal ou seconde loi est directement empruntée au commentaire de Joseph de Voisin.
« Primus R. Iehyda, quem vocant vulgo Rabbinus Hakadosch, id est Magistrum nostrum sanctum, traditiones publice editit, et in unum volumen digessit, quod inscripsit Mischna ; id est δευτέρωσιν, sive legem secundam [...], ut docet Aruch, id est : Quia est secunda a priore nimirum lege scripta et secundum R. Samuelem in introductione sua ad Gemaram ».
Tr. : « Le premier R. Iehyda, qu’on appelle d’ordinaire Rabbi Hakadosh, c’est-à-dire notre saint Maître, a publié les traditions et les a réunies en un volume, qui est intitulé Mischna, c’est-à-dire δευτέρωσιν, ou seconde loi [...], comme l’enseigne Aruch, savoir : Parce qu’elle est la seconde après la loi écrite, la première, et selon R. Samuel dans son introduction à la Gemara ».
« Id est : Mischna est quae vocatur lex oralis : estque fundamentum legis a Mose doctore nostro f. m. acceptae, usque ad tempora Rabbim Hakadoch, id est Doctoris nostri sancti f. m. Is est R. Iehuda princeps (consistoris) qui illam conscripsit ».
Trad. : « La Mischna est appelée loi orale, et c’est le fondement de la loi reçue par notre docteur Moïse, jusqu’à l’époque de Rabbi Hakadosch. Celui-ci est notre saint docteur, le premier du consistoire, Rabbi Iehuda, par qui l’a rédigée ».
Voir aussi les compléments donnés p. 26 A :
« Ille collegit omnes traditiones, omnia judicia, sententias et expositiones, quas audiverant à Mose doctore nostro, quasque singularum generationum Synagogae super universa lege docuerant : Ex his omnibus Librum Mischna composuit, publiceque legit, ut omnibus Israelitis innotesceret. Descripserunt eum omnes, et ubiq. docuerunt, ne ab Israelitis lex oralis oblivione periret. Verum enimvero quae causa fuit cur Rabbi noster sanctus id faceret, nec sineret rem esse, ut prius erat ? Quia nimirum videbat paucitatem, discessionemque discipulorum fieri [...]. »
La date de composition de la Mischna se situe entre les années 200 et 220 après Jésus-Christ, en Palestine : voir Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, art. Mischna, p. 741. Le Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, p. 26 A-27 A, fournit de longues analyses sur la date de composition de la Mischna, dont il remarque l’incertitude :
« De tempore autem, quo absolutum fuit syntagma Mischnae, variae sunt sententiae. Etenim juxta R. Seriram Gaon in responsione sua, quae affertur in libro Iuchasin. pag. 105. videtur illud factum esse anno 979. scribit enim.
Hoc fuit tempus, quo descendit Rab. in Babyloniam : hoc autem fuit tempus, quo absolutum est syntagma Mischnae.
Factum est hoc anno 979. 530. contractuum, et 15 ab excidio templi. Idem scribit sapiens R. Iuda filius Levi auctor Cozri circa finem Tract. 3. /p. 27 A/ Quem citat Auctor Meor Enaüm, cap. 24. his verbis : Rabbi composuit Mischna anno 530. contractuum, qui fuit annus 150 ab excidio domus secundae. 530 annis a cessatione prophetiae. Hactenus ille. Idem scribit cap. 12. At R. Abraham filius David in libro Kabalae suae scribit syntagma Mischnae factum esse anno 949. 500 contractum, & 120 ab excidio templi. Idem quoque scribit R. Menachem ben Zarach in Praefatione libri sui, quam inscripsit Tzedah le derech ; unde puto Don Isaacum Abranelem sumpsisse quid scripsit in Praefatione sua. [...]. Post mortem autem Rabbini Hakadosh, id est Magistri nostri sancti (Auctoris Mischnae) fuit princeps Synagogae R. Chanina filius Chama ; et sicii ejus fuerunt Rab. Et Samuel Rab composuit Siphra, et Siphre ad exponendum fundamenta Mishanae. R. Hoscia, & Bar Kaphra composuerunt Baraietot. R. vero Iochanan composuit Talmud Hierosolymitanum trecentis circiter annis post vastitatem templi. Consequens ergo est librum Mischnae non quadringentis & viginti annis post vastitatem templi compositum ; quum Talmud Hierosolymitanum, quod est illius Commentarium, post mortem Rabbini Hakadosh auctoris Mischnae, ante illud tempus fuerit compositum, anno circiter trecentesimo post destructionem templi [...] Scripsit pius Chronologus Rab descendisse in Aegyptum 3 979. sic hoc contentaneum est verbis R. Samuelis filii Chophui Gaonitae, qui id refert ad annum 530. Aerae contractuum. Nos vero reperimus in omnibus libris novis, & antiquis id contigise, no 3 949. sive 500 Aerae contractuum : id est anno 120 post vastitatem templi secundi. »
Voisin conclut :
« Itaque locum illus restitue : Completus est et obsignatus liber Mischnae, anno 3 949 a creatione mundi, qui fuit annus [...] 120 a vastitate templi. »
Le Temple ayant été détruit en 70, l’achèvement est donc fixé à 190, ce qui répond à 10 ans près à la date notée par Pascal.
En marge de p. 27 A :
« Aera contractuum initium sumit ab anno sexto Alexandri Macedonis quum subjugato Dario rege Persarum ultimo imperium universale obtinuit : et ab illo tempore coeperunt Judaei supputare annos suos, et contractus suos consignare ».
La Mischna constitue la première compilation exhaustive de la loi orale, reflétant cinq siècles de tradition législative allant de l’époque des scribes à celle des tannaïm. Sur la méthode rédactionnelle de la Mischna, voir Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, art. Yehouda ha-Nassi, p. 1198. Elle comprend 63 traités, écrite en un hébreu concis, prolongement de celui des derniers prophètes. Les rabbins dont l’opinion y est citée sont désignés sous le nom de Tannaïm, ceux qui répètent. L’objectif des compilateurs était de fournir aux enseignants et aux juges un guide des lois juives. La loi orale risquant en effet de se perdre parmi les différents cercles où elle était dispensée, une codification écrite s’imposait. Il y avait eu avant Yehouda ha-Nassi plusieurs tentatives de mise en ordre de la loi orale, notamment par R. Aqiva et ses disciples. Yehoudah coopéra avec les principaux maîtres de son époque qui apportèrent chacun leur fonds de traditions, pour assembler les éléments juridiques, théologiques, éthiques et historiques méritant l’autorité canonique et la force de loi. Ces éléments furent classés, et le matériau exclu rassemblé dans des recueils séparés comme la Tossefta (Addenda). La Mischna se présente donc comme un recueil de débats et de discussions halakhiques. Yehoudah ha-Nassi et ses partenaires ont classé par sujets cette masse d’enseignements ; mais ils ont réintroduit dans la Mischna des passages entiers de compilations antérieures, sans les reclasser.
L’économie de la Mischna est présentée dans le Pugio fidei, p. 27-53. La Mischna comporte six ordres, qui se divisent en soixante-trois traités (massékhot) en tout, divisés en chapitres et subdivisés en paragraphes. Les six ordres sont les suivants :
1. Zeraïm, Semences, traitant des bénédictions et des prières quotidiennes, puis des lois concernent l’agriculture ;
2. Moed, Temps fixé, lois d’observance du chabbat, des fêtes et jours de jeûne ;
3. Nachim, Femmes, du mariage et du divorce ;
4. Neziqinn, Dommages, sur les lois civiles et criminelles ;
5. Qodachim, Choses saintes, sur l’abattage rituel des animaux et les offrandes ;
6. Tohorot, Pureté, sur les lois de pureté et d’impureté.
Les enseignements extérieurs non inclus dans la Mischna, mais cités dans le Talmud sont appelés baraïtot (voir plus bas).
Après sa rédaction, la Mischna devint le canon admis : son autorité s’étendit à tout le judaïsme, et elle servit de fondation aux Talmuds de Jérusalem et de Babylone. Elle devint à son tour objet de commentaires, que l’on appelle la Gemara. Le Talmud celui-ci se compose de paragraphes successifs de la Mischna, suivis d’une discussion introduite par le titre Gemara.
Commentaires du Mischna : l’un Siphra ; Barajetot ; (an 340) ; Talmud hiérosol. ; Tosiphtot.
Les commentaires de la Mischna s’appellent la Gemara, qui présente les discussions qui ont eu lieu dans les deux siècles qui ont suivi la codification de la Mischna vers 200 (voir plus bas). Comme Pascal l’indique à la fin de ses notes, la Mischna et la Gemara constituent le Talmud. Mais il existe des commentaires de la Mischna qui n’ont pas été compris dans la Gemara.
Siphra
Sur Siphra : voir Pugio fidei, p. 27 A. Composé « ad exponendum fundamentum Mischnae ». Sur le manuscrit, après siphra, on lit la mention barrée qui est un commentaire du Mischna. Cette note a probablement été inspirée par cette formule « ad exponendum fundamentum Mischnae ».
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 1053. Midrach halakhique sur le Lévitique, recueil de baraïtot tannaïques. Les geonim appellent cet ouvrage Sifra, Sifra de-Vé Rav, Livre de l’école de Rav, ou encore Torat kohanim. On s’accorde à penser qu’il était enseigné à l’académie de Rav, mais la méthode exégétique est celle qui avait cours à l’école de R. Aqiva. Le midrach est divisé en sections, chacune sur un sujet particulier ; chaque section contient des chapitres qui s’ouvrent sur le mot du verset biblique qui va être commenté. Le livre est centré sur les règles et les préceptes ; il est avant tout halakhique (jurisprudence) et ne contient que peu de Aggadah (partie non juridique des textes rabbiniques). La langue est l’hébreu michnique, avec des mots grecs. La datation, incertaine, peut être située entre la seconde moitié du IIIe siècle et 400.
Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, p. 27 A sq. « [...] Post mortem autem Rabbini Hakadosh, id est Magistri nostri sancti (Auctoris Mischnae) fuit princeps Synagogae R. Chanina filius Chama ; et socii ejus fuerunt Rab. Et Samuel Rab composuit Siphra, et Siphre ad exponendum fundamenta Mishnae. »
Barajetot
Sur Barajetot : voir Pugio fidei, p. 27 A et p. 56 A, où le mot y est orthographié Baraietot.
En dessus figure la mention barrée en même temps.
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 133. Baraïta signifie enseignement extérieur, au pluriel baraïtot. Le mot désigne tout énoncé tabaïtique qui ne se trouve pas dans la Mischna. De nombreux baraïtot furent préservés dans la partie du Talmud appelée Gemara. En effet, de nombreux exposés rabbiniques concernent les lois et l’exégèse de la Bible ne figurent ni dans la Mischna ni dans le Midrach Halakhah. On trouve dans la Tossefta, recueil de travaux des tannas absents de la Mischna, et dans le Midrach halakhah des compilations de ces baraïtot, arrangées par R. Hiyya et R. Ochaya ; de nombreuses lois qui y figurent sont citées dans le Talmud. La force juridique d’une baraïta est moindre que celle d’un énoncé de la Mischna, de sorte qu’en cas de conflit c’est celle-ci qui a le dernier mot.
Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, p. 27 A sq. « [...] Post mortem autem Rabbini Hakadosh, id est Magistri nostri sancti (Auctoris Mischnae) fuit princeps Synagogae R. Chanina filius Chama ; et socii ejus fuerunt Rab. Et Samuel : Rab composuit Siphra, et Siphre ad exponendum fundamenta Mishnae. R. Hoscia, et Bar Kaphra composuerunt Baraietot. »
Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, p. 56 A sq. De commentariis Mischnae, ac praecipue de utroque Talmud. « Post editum Mishnae opus multa in id sequentibus deinde temporibus conscripta sunt Commentaria, quorum alia dicta sunt [...] Topsiphtot sive supplementa [...].
Alia commentaria dicta sunt [...] Barajetot, id est constitutiones extra Mischnam [...].
Ait R. Ismael in introductione sua ad Gemaram, id est Barajetot vocantur omnes libri, quos Antiqui f. m. post Mischnam [...].
Deinde R. Osaia Rabah composuit Bereschit Rabah, sive Commentarium in Genesim.
[...]
Atque ejusmodi Bereschit Rabah alium plane librum esse observat a Bereschit Rabah, cujus auctor est Rabah bar Nachmoni.
[...] [p. 56 B] Ibidem discimus Rabam bar Nachmoni auctorem esse librorum etiam aliorum, qui Rabot vulgo dicuntur [...] »
La datation 340 correspond à ces deux titres.
Talmud hyerosol.
Talmud hyerosol. désigne le Talmud de Jérusalem ou de Palestine, improprement appelé Talmud jérusalémite, est constitué en Erets Israël (terre d’Israël), vers le milieu du IVe siècle. Voir Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 1093. En dépit de son nom, ce Talmud n’est pas le produit d’une académie rabbinique de Jérusalem, mais dans des académies de Césarée, Séphoris et Tibériade. Pendant la période concernée, la population juive d’Erets Israël (terre d’Israël) se concentrait dans la moitié nord du pays. Le Talmud de Jérusalem comporte une Gemara pour la totalité de la première partie de la Mischna, qui traite des lois agricoles. Une partie du Talmud traite de questions non halakhiques. Les rabbins qui étudiaient dans les académies d’Erets Israël travaillaient en relation avec celles de Babylonie. Comme les geonim babyloniens déclarèrent que le Talmud babylonien faisait autorité, celui de Jérusalem fut négligé pendant longtemps ; mais il fut étudié en Erets Israël, en Afrique du Nord et dans le sud de l’Italie ; les talmudistes du Moyen Âge le citent fréquemment. Le Talmud de Jérusalem a lui-même fait l’objet de commentaires.
Sur Talmud Hyerosol., voir Pugio fidei, p. 27 A.
Le Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, p. 26 A sq., fournit de longues analyses sur la date de composition de la Mischna. Voir p. 26 B : « R. vero Iochanan composuit Talmud Hierosolymitanum trecentis circiter annis post vastitatem templi. Consequens ergo est librum Mischane non quadringentis & viginti annis post vastitatem templi compositum ; quum Talmud Hierosolymitanum, quod est illius Commentarium, post mortem Rabbini Hakadosh auctoris Mischnae, ante illud tempus fuerit compositum, anno circiter trecentesimo post destructionem templi [...] Scripsit pius Chronologus Rab descendisse in Aegyptum 3 979. sic hoc consentaneum est verbis R. Samuelis filii Chophui Gaonitae, qui id refert ad annum 530. erae contractuum. Nos vero reperimus in omnibus libris novis, & antiquis id contigise, no 3 949. sive 500 Aerae contractuum : id est anno 120 post vastitatem templi secundi. »
Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, [p. 57 B]. « Utut est ; Postmodum R. Iochanan composuit Talmud Hierosolymitanum trecentis circiter annis post excidium R. Mosem Maimonidem. At secundum auctorem Tzemach David, ex mente R. Abraham filii Davidis centum sexaginta duobus, aut ducentis novem circiter annis post vastitationem templi [...] »
Simon M. et Benoit A., Le Judaïsme et le Christianisme antique, p. 79 sq. ✍
Tosiphtot
Sur Tosiphtot : voir Pugio fidei, p. 56 A. La tosiphta n’est pas un commentaire de la Mischna de même ordre que les autres. Ce sont des suppléments : p. 32.
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 1139 sq. Tossefta, addition, complément en araméen. Collection d’enseignements tannaïtiques complétant ceux de la Mischna. La Tossefta, environ six fois plus développée que la Mischna, se divise de la même manière. Elle se compose de baraïtot, dont certaines sont des versions alternatives du texte de la Mischna, d’autres expliquent la Mischna.
Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, p. 56 A sq. De commentariis Mischnae, ac praecipue de utroque Talmud. « Post editum Mishnae opus multa in id sequentibus deinde temporibus conscripta sunt Commentaria, quorum alia dicta sunt [...] Topsiphtot sive supplementa [...].
Alia commentaria dicta sunt [...] Barajetot, id est constitutiones extra Mischnam [...].
Ait R. Ismael in introductione sua ad Gemaram, id est Barajetot vocantur omnes libri, quos Antiqui f. m. post Mischnam [...]. »
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Bereschit Rabah, par R. Osaia Rabah, commentaire du Mischna.
Bereschit Rabah, Bar Nachmoni sont des discours subtils, agréables, historiques et théologiques.
Après Nachmoni, Pascal a écrit puis barré : commentaire sur la Genèse étaient.
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 434. Béréchit, Au commencement, est le nom du livre de la Genèse, aussi dénommé Séfer maaseh be-réchit, Livre de la création. Sur Bereschit, voir Pugio fidei, Caput VI, p. 20.
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 435 sq. Genèse Rabba : midrash homilétique sur le livre de la Genèse, dit en hébreu Bereschit Rabba. Attribué par la tradition à Hochayah Rabba, amora de Palestine ; il a probablement été composé à une période plus tardive. Ce Midrach interprète la Genèse à des fins homilétiques, chapitre après chapitre, verset après verset. Chaque homélie est introduite par un poème, les plus souvent emprunté à des Hagiographes, essentiellement Psaumes et Proverbes. La langue est l’hébreu, mais elle ressemble par endroits à celle du Talmud de Jérusalem, avec un mélange d’araméen, de grec et de latin. L’ouvrage a été rédigé en palestinien au Ve siècle. Genèse Rabbati est le Midrach majeur sur le livre de la Genèse, traditionnellement attribué à R. Mocheh ha-Darchan (XIe siècle), et appelé en hébreu Be-réchit Rabbati ; on en trouve de nombreuses citations dans le Pugio fidei : p. 436. Il s’agit d’un abrégé de Genèse rabba, composé par quelque compilateur anonyme, auquel sont intégrées des citations des écrits de Mocheh ha-Darchan. L’auteur puise beaucoup dans les sources halakhiques classiques et dans l’ensemble de la littérature midrachique.
Sur Osaia Rabah, compositeur de Bereschit Rabah, voir Pugio Fidei, p. 56 A.
Sur Bar Nachmoni, ibid., p. 56 A ; la formule « discursus subtiles, et jucundos, tum historicos, tum theologicos (super Scriptura sacra) » est directement traduite par Pascal.
Le Pugio fidei pose le problème des deux Berechit Rabah : voir ci-dessous, le passage qui mentionne Bar Nachmoni. Le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 436, explique la différence entre les deux.
Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, p. 56 A sq. De commentariis Mischnae, ac praecipue de utroque Talmud. « Post editum Mishnae opus multa in id sequentibus deinde temporibus conscripta sunt Commentaria, quorum alia dicta sunt [...] Topsiphtot sive supplementa [...].
Alia commentaria dicta sunt [...] Barajetot, id est constitutiones extra Mischnam [...].
Ait R. Ismael in introductione sua ad Gemaram, id est Barajetot vocantur omnes libri, quos Antiqui f. m. post Mischnam [...].
Deinde R. Osaia Rabah composuit Bereschit Rabah, sive Commentarium in Genesim.
[...]
Atque ejusmodi Bereschit Rabah alium plane librum esse observat a Bereschit Rabah, cujus auctor est Rabah bar Nachmoni.
[...] [p. 56 B] Ibidem discimus Rabam bar Nachmoni auctorem esse librorum etiam aliorum, qui Rabot vulgo dicuntur [...] »
Ce même auteur a fait des livres appelés Rabot.
Sur Rabot, voir Pugio Fidei, p. 56 B : « ibidem discimus Rabam bar Nachmoni auctorem esse librorum etiam aliorum, qui Rabot vulgo dicuntur ». Le Pugio fidei fait aussi mention de « alios libros, qui vocantur Rabot ».
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440. Cent ans après le Talmud hiéros. fut fait le Talmud babylonique par R. Ase, par le consentement universel de tous les Juifs qui sont nécessairement obligés d’observer tout ce qui y est contenu.
L’édition Sellier rétablit le 440 qui est tracé en marge, et qui marque comme les précédents nombres une date. Dans le cas présent : 340 + 100 = 440.
Le Talmud de Babylone, œuvre des rabbins de Mésopotamie, a été commencé vers la fin du IVe siècle, et achevé seulement vers 500. Le rabbin Aché (392-427) est sans doute le R. Ase de Pascal. Voir Cohen A., Le Talmud, p. 34.
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 1094. Le Talmud babylonien, deuxième version du Talmud, est très différent de la première. Sa Gemara se compose d’environ moitié d’hébreu, et moitié d’araméen oriental. Les discussions du Talmud babylonien sont plus étendues et on y trouve davantage de matériau non juridique. Seul un tiers concerne la Halakhah, le reste consiste en matériaux mydriatiques et aggravés. Ce Talmud renferme une Gemara sur le premier traité de l’ordre michnique Zeraïm, qui traite des lois de la prière ; mais comme il n’y avait pas d’obligation d’observer les lois agricoles en dehors d’Erets Israël, il ne contient pas de Gemara pour le reste de l’ordre Zeraïm consacré à ces lois. Il contient une Gemara pour la plupart des traités Qodrachim (lois concernant les sacrifices) ; et pour un seul traité du dernier ordre Tohorot (lois sur l’impureté rituelle), le traité Nnidah qui légifère sur les femmes en période de règles. Ce Talmud compte 36 traités séparés. Quand le Talmud babylonien fut édité, aucune autorité ne prit la décision publique de considérer les décisions qu’il contenait comme définitives, mais son autorité s’imposa au fil des années et des siècles. Si bien que les autorités halakhiques ultérieures prétendaient que le Talmud babylonien contenait toutes les décisions halakhiques admises, arrêtées dans les académies d’Erets Israël. La tradition affirme que le Talmud babylonien fut édité par rav Achi et Ravina. Durant les siècles qui suivirent, les académies babyloniennes s’agrandirent et acquirent une importance et une influence accrue ; les communautés babyloniennes devinrent le centre pour les Juifs dispersés dans le monde. Moins de deux siècles après son achèvement, les geonim utilisaient le Talmud babylonien comme base pour leurs décisions juridiques. Sa prééminence comme version autorisée du Talmud s’est imposée.
Simon M. et Benoit A., Le Judaïsme et le Christianisme antique, p. 79 sq.
Sur le Talmud babylonique, voir Pugio fidei, p. 57 A. « Utut est ; Postmodum R. Iochanan composuit Talmud Hierosolymitanum trecentis circiter annis post excidium templi secundum R. Mosem Maiedmonidem. At secundum auctorem Tzemach David, ex mente R. Abraham filii Davidis centum sexaginta duobus, aut ducentis novem circiter annis post vastationem templi. Namque refert mortuum esse R. Iochanan anno 210 a vastatione templi [...].
R. Iochanan qui composuit Talmud Hierosolymitanum, ut supra diximus, ad annum 990 (sive 3990) mortuus est, anno 39 millenarii quinti, sive anno 4039 [...]
Denique circa annum trecentesimum ab excidio templi R. Ase composuit Talmud Babylonicum secundum auctorem Tzemach David ad ann. 127. millen. 5.
[...]
« Id est » Rab. Ase fuit caput Synagogae Soranae diebus Rab Paphae ann. 127 &c. Coepit ille totum Talmud conscribere ordinatim : atque collegit omnia dicta Antiquorum a diebus Rabbi (Hakadosh) usque ad suam aetatem singulis annis duos libros docebat, totumque Talmud absolvit trignita annorum spatio. Idque bis fecit.
At secundum R. Mosem Maiemonidem in Praefatione Iad Chazeakae R. Ase composuit Talmud Babylonicum circa annum quadringentesimum ab excidio templi : centum circiter annis post Talmud Hierosolymitanum [...]. »
Maïmonide assigne donc la composition du Talmud babylonique à la quatre centième année après la ruine du temple, et environ cent ans après le Talmud de Jérusalem.
[p. 58 B, après une série de citations] « Quaecumque in Talmude Babylonico continentur, ea proponuntur Israëlitis necessario observanda ; et singulae civitates, atque provinciae sequi tenentur consuetudine omnes, decisiones, atque constitutiones sapientium Talmudis ; quandoquidem ea omnia, quae in Talmude leguntur, communi Istraelitarum consensu digeste sunt : omnesque sapientes qui decisiones, constitutiones, ritusque posuerunt, quique jus fecere, illi universi vel certe plurimi eorum, sapientissimi erant Israelitorum, qui fundamenta totius legis unus ab alio, usque ad Mosem magistrum nostrum (qui in pace requiescat) traditione acceperant. Omnes sapientes, qui post compositum Talmud ad illius doctrinam animum appulerunt, & sapientia sua claruere, vocantur Gaonitae. [...] »
Ce dernier paragraphe, qui comporte la mention Quaecumque in Talmude Babylonico continentur, ea proponuntur Israëlitis necessario observanda, est la source de la formule de Pascal : « par le consentement universel de tous les Juifs qui sont nécessairement obligés d’observer tout ce qui y est contenu ».
L’addition de R. Ase s’appelle Gemara c’est‑à‑dire le commentaire du Mischna.
Gemara : voir Pugio Fidei, p. 58 B. « Vocatur autem haec opus R. Ase [...] Gemara, id est Complementum (Mischnae nimirum). Ait R. Ismael [...] Expositio Mischnae est Gemara ».
Mais dans son souci de retenir les grandes lignes de la tradition rabbinique, Pascal ne semble pas tenir compte de ce qu’on lit un peu plus bas, savoir que R. Ase n’est pas le seul auteur de la Gemara, puisqu’il n’a pas achevé son ouvrage : « Notandum est, quod tradit R. Moses in Praefatione sua in Mischnaiot, ipsum R. Ase non absolvisse hoc opus suum ; nec in omnes Mischnae libros commentaria edidisse ».
Cohen A., Le Talmud, p. 33 sq. Gemara signifie complément. « C’est la Mischna augmentée de son commentaire, la Gemara, qui constitue le Talmud (étude), abréviation de Talmud Tora » : p. 34.
Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique d’Antiochus Épiphane à Constantin, p. 80. Les rabbins qui ont pris part à la rédaction de la Gemara (d’un mot araméen signifiant complément), sont appelés Amoraïm (ceux qui parlent ou qui expliquent).
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 1091. La période talmudique se divise en deux périodes, celles de la Mischna et celle de la Gemara. L’étude de la Mischna qui se poursuit dans les deux centres d’Erets ismaïlien et de Babylone conduit à l’émergence de deux Talmuds, de Jérusalem et de Babylone, fondement de l’autorité des lois et traditions juives qui furent accumulées pendant une période de sept siècles. Le Talmud comprend la Mischna et les discussions rabbiniques ultérieures de la Gemara. La Halakha, qui est l’ensemble de la loi juive, se fonde sur une hiérarchie de sources : plus la source est ancienne, plus son autorité est grande : les lois formulées explicitement dans la Bible ont plus d’autorité que celles qui sont formulées dans la Mischna, qui ont plus de poids que celles mentionnées dans la Gemara, qui ont plus d’autorité que les décisions halakhiques ultérieures.
Et le Talmud comprend ensemble le Mischna et le Gemara.
Martin Raymond, Pugio fidei, Caput VII, p. 56, De commentariis Mischnae, ac praecipue de utroque Talmude. Pascal ne fait que transcrire ce que donne le Pugio fidei, Observationes Jos. De Voisin, [p. 58 B] [...] « Talmud vero complectitur utrumque et Mischnam et Gemaram. Dicitur Talmud a radice דםל Lamad quae significat docere, quia scilicet in libro, qui inscribitur Talmud, comprehenditur omnis doctrina, et scientia Iudaeorum ; et quidquid juris divini, vel humani apud ipsos est. Saepissime tamen nomen Talmud usurpatur pro ipsa Gemara ».
Simon M. et Benoit A., Le Judaïsme et le Christianisme antique, p. 80. La Mischna hébraïque et la Gemara araméenne constituent ensemble le Talmud (du mot qui signifie étudier). Le Talmud existe en deux recensions, fondées sur la même Mischna, mais assez différentes pour le contenu et la dimension de la Gemara. Le second reçoit plus d’autorité que le premier, en raison de son ampleur et de sa précision. Voir l’ample article Talmud du Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, p. 1090-1098.
Pour approfondir…
Havet Ernest, éd. des Pensées, II, 1866, p. 220. Appréciation de Renan : « la note de Pascal n’est qu’un tissu d’erreurs ».