Fragment Soumission et usage de la raison n° 8 / 23  – Papier original : RO 406-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 230 p. 81 v° / C2 : p. 108

Éditions de Port-Royal : Chap. V - Soumission, et usage de la raison : 1669 et janv. 1670 p. 48 / 1678 n° 4 p. 50-51

Éditions savantes : Faugère II, 348, II / Havet XIII.4 / Brunschvicg 270 / Tourneur p. 229-4 / Le Guern 163 / Lafuma 174 / Sellier 205

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Bibliographie

 

ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, La Logique, IV, ch. XI (1664), éd. D. Descotes, Paris, Champion, p. 58 sq. 

Saint AUGUSTIN, lettre CXX, I, 3, à Consentius.

GIOCANTI Sylvia, Penser l’irrésolution...,  p. 202.

BOUCHILLOUX Hélène, Pascal, Paris, Vrin, 2004, p. 161 sq.

MIEL Jan, Pascal and theology, Baltimore and London, The John Hopkins Press, 1969, p. 163 sq.

RUSSIER Jeanne, La foi selon Pascal, II, Tradition et originalité dans la théorie pascalienne de la foi, Paris, Presses Universitaires de France, 1949, p. 275.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970, p. 528 sq.

THOMAS D’AQUIN, Somme contre les gentils, I, chapitre 6, éd. Michon, Garnier-Flammarion, 1999, p. 151.

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, II, éd. 1700, p. 299.

 

Éclaircissements

 

Saint Augustin. La raison ne se soumettrait jamais si elle ne jugeait qu’il y a des occasions où elle se doit soumettre.

Il est donc juste qu’elle se soumette quand elle juge qu’elle se doit soumettre.

 

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 528 sq. Il appartient à la raison de connaître ses échecs, d’en chercher la cause, d’accepter elle-même ses limites, et ultérieurement de contrôler témoins et témoignages. Voir p. 532, qui renvoie, sur ce fragment, à l’Épist. 120-222, 1, 3, de saint Augustin.

Thomas d’Aquin, Somme contre les gentils, I, chapitre 6, éd. Michon, Paris, Garnier-Flammarion, 1999, p. 151. Donner son assentiment à ce qui relève de la foi n’est pas faire preuve de légèreté bien que cela soit au-dessus de la raison.

Arnauld Antoine et Nicole Pierre, La logique, IV, ch. 11 (1664), éd. D. Descotes, p. 584 sq., qui fait aussi référence à la lettre 122 de saint Augustin :

« Que si on compare ensemble les deux voies générales qui nous font croire qu’une chose est, la raison, et la foi, il est certain que la foi suppose toujours quelque raison : car comme dit saint Augustin dans sa lettre 122 et en beaucoup d’autres lieux, nous ne pourrions pas nous porter à croire ce qui est au-dessus de notre raison, si la raison même ne nous avait persuadé qu’il y a des choses que nous faisons bien de croire, quoique nous ne soyons pas encore capables de les comprendre. Ce qui est principalement vrai à l’égard de la foi divine, parce que la vraie raison nous apprend que Dieu étant la vérité même il ne nous peut tromper en ce qu’il nous révèle de sa nature ou de ses mystères. D’où il paraît qu’encore que nous soyons obligés de captiver notre entendement pour obéir à Jésus-Christ, comme dit saint Paul, nous ne le faisons pas néanmoins aveuglément et déraisonnablement, ce qui est l’origine de toutes les fausses religions, mais avec connaissance de cause, et parce que c’est une action raisonnable que de se captiver de la sorte sous l’autorité de Dieu, lorsqu’il nous a donné des preuves suffisantes, comme sont les miracles et autres événements prodigieux, qui nous obligent de croire que c’est lui-même qui a découvert aux hommes les vérités que nous devons croire.

Il est certain en second lieu, que la foi divine doit avoir plus de force sur notre esprit que notre propre raison. Et cela par la raison même qui nous fait voir qu’il faut toujours préférer ce qui est plus certain à ce qui l’est moins, et qu’il est plus certain que ce que Dieu dit est véritable, que ce que notre raison nous persuade, parce que Dieu est plus incapable de nous tromper que notre raison d’être trompée. »

En fait, ce n’est pas à la lettre 122 de saint Augustin qu’il faut se rapporter, mais à la lettre CXX, I, 3, à Consentius (qui portait jadis le n° 222) : « Absit, inquam, ut ideo credamus, ne rationem accipiamus sive quaeramus ; cum etiam credere non possemus, nisi rationales animas haberemus. Ut ergo in quibusdam rebus ad doctrinam salutarem pertinentibus, quas ratione nondum percipere valemus, sed aliquando valebimus, fides praecedat rationem, qua cor mundetur, ut magnae rationis capiat et perferat lucem, hoc utique rationis est. Et ideo rationabiliter dictum est per prophetam : Nisi credideritis, non intellegetis. Ubi procul dubio discrevit haec duo, deditque consilium quo prius credamus, ut id quod credimus intellegere valeamus. Proinde ut fides praecedat rationem, rationabiliter jussum est. Nam si hoc praeceptum rationabile non est, ergo irrationabile est : absit. Si igitur rationabile est ut ad magna quaedam, quae capi nondum possunt, fides praecedat rationem, procul dubio quantulacumque ratio quae hoc persuadet, etiam ipsa antecedit fidem ».

M. Le Guern renvoie aux Réflexions d’un docteur de Sorbonne sur l’avis donné par Monseigneur l’évêque d’Alet, sur le cas proposé touchant la souscription de la dernière constitution du pape Alexandre VII, et du formulaire de l’assemblée générale du clergé de France, d’Arnauld (27 avril 1657), inséré dans le Cas proposé touchant la signature de la bulle d’Alexandre VII et du formulaire du clergé, reproduit in Arnauld A., Œuvres, XXI, p. 22, en raison de la référence à la Lettre à Consentius, qui s’y trouve, suivie de la phrase : « il ne peut jamais arriver que nous ayons aucun sujet raisonnable de ne pas soumettre nos sentiments à la révélation divine qui est le fondement de notre foi » (Pléiade, I, p. 956). Mais le sujet du passage est très différent.

Wendrock, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, II, éd. 1700, p. 299. Le principal usage qu’un chrétien fait de sa raison est de se convaincre que rien n’est plus raisonnable que de soumettre sa raison à la loi de Dieu.

Russier Jeanne, La foi selon Pascal, II, Tradition et originalité dans la théorie pascalienne de la foi, Paris, Presses Universitaires de France, 1949, p. 275. Intrinsèquement, les dogmes sont obscurs, mais ce qui doit être clair, donc évident, ce sont les raisons pour lesquelles nous les croyons. Comme dit Descartes dans les Réponses aux deuxièmes objections, AT, IX, p. 115 : « Encore qu’on dise que la foi a pour objet des choses obscures, néanmoins ce pourquoi nous les croyons n’est pas obscur, mais il est plus clair qu’aucune lumière naturelle ». La raison ne se soumettrait jamais si elle ne jugeait pas qu’elle doit le faire : p. 278.

Miel Jan, Pascal and theology, p. 163 sq., rapproche ce fragment de Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680), sur le pari, à propos de l’abêtissement, pour souligner que dès lors que l’on a compris que les résistances à la foi viennent des passions, il n’y a rien d’humiliant à s’appuyer sur la coutume et la machine pour chercher à croire.

Bouchilloux Hélène, Pascal, Paris, Vrin, 2004, p. 161 sq.

Giocanti Sylvia, Penser l’irrésolution...,  p. 202.