Fragment Vanité n° 17 / 38 Papier original : RO 83-9

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 35 p. 81 / C2 : p. 20 et 21

Éditions de Port-Royal : Chap. XXIX - Pensées Morales : 1669 et janv. 1670 p. 291 / 1678 n° 48 p. 288.

Éditions savantes : Faugère I, 215, CXXII / Havet VI.38 / Brunschvicg 156 / Tourneur p. 171-2 / Le Guern 27 / Maeda I p. 142 / Lafuma 29 / Sellier 63

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Bibliographie

 

 

BOULLIER David Renaud, Apologie de la métaphysique, […] avec Les sentiments de M. *** sur la critique des Pensées de Pascal par M. de Voltaire, Amsterdam, J. Catuffe, 1753, Article XLIII, p. 96 sq.

CROQUETTE Bernard, Pascal et Montaigne, p. 5.

VOLTAIRE, Lettres philosophiques, XXV, § XLIII.

 

 

Éclaircissements

 

Ferox gens nullam esse vitam sine armis rati.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne, p. 5. Renvoi à Essais, I, 40, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 270. « Caton, consul, pour s’assurer d’aucunes villes en Espagne, ayant seulement interdit aux habitants d’icelles de porter les armes, grand nombre se tuèrent. Ferox gens… »

L’ordre des mots n’est pas le même chez Tite Live et Montaigne. D’autre part Tite Live écrit genus là où Montaigne met gens.

Voltaire attribue cette phrase à Tacite. Mais il ne donne aucune référence, et pour cause. Boullier ne s’est manifestement pas aperçu de l’erreur d’attribution : Boullier David Renaud, Apologie de la métaphysique, (…) avec Les sentiments de M. *** sur la critique des Pensées de Pascal par M. de Voltaire, Article XLIII, Amsterdam, J. Catuffe, 1753, p. 96 sq., critique cette objection de Voltaire. « Pourquoi n’y aura-t-il pas des hommes qui craignent plus que la mort, les fatigues, les dangers et les horreurs de la guerre, puisqu’il s’en trouve bien qui aiment mieux la mort que la paix ? [...]. Il fallait ou blâmer l’idée de Tacite, ou ne point critiquer celle de Pascal. ».

On peut se demander si Pascal ne pense pas aux martyrs de l’Église ancienne, dont la Logique de Port-Royal, III, ch. XII, écrit que « les premiers chrétiens » acceptaient de « souffrir patiemment toutes choses plutôt que de rien faire contre la loi de Dieu, sans néanmoins se révolter contre les princes ».

 

Ils aiment mieux la mort que la paix, les autres aiment mieux la mort que la guerre.

 

La phrase en latin et la phrase Ils aiment mieux la mort que la paix forment un ensemble dans lequel la première éclaircit la seconde.

On peut penser aux Horaces. Le vieil Horace de Corneille dit clairement que la mort de son fils est préférable à la défaite ou à une paix honteuse avec Albe. Pascal connaissait très bien le théâtre de Corneille, c’est peut-être à ce texte qu’il pensait.

 

Brizard dans le rôle du vieil Horace. « Qu’il mourût. »

 

Les autres : quels autres ? Pascal pense-t-il à un épisode de l’histoire ? La phrase les autres aiment mieux la mort que la guerre est d’une autre nature que la précédente : elle donne à imaginer une scène ou une histoire qui n’est ni dite ni indiquée.

Voltaire voyait là une difficulté de fait : Voltaire, Lettres philosophiques, XXV, § XLIII, éd. Naves, Garnier, p. 169. « C’est des Catalans que Tacite a dit cela ; mais il n’y en a point dont on ait dit et dont on puisse dire : « Elle aime mieux la mort que la guerre. »

 

Toute opinion peut être préférable à la vie, dont l’amour paraît si fort et si naturel.

 

Le titre du chapitre 40 des Essais, I, est Que le goût des biens et des maux dépend en bonne partie de l’opinion que nous en avons. Le mot opinion y revient constamment. Pascal reprend ici le terme de Montaigne, Essais, I, 40, éd. Balsamo et alii, p. 241 : « toute opinion est assez forte pour se faire épouser au prix de la vie ».