Règle de la créance – Fragment n° 8 / 8 – Papier original : RO 295-6
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 81 p. 313 v° / C2 : p. 407
Éditions savantes : Faugère II, 404 / Brunschvicg 364 / Tourneur p. 61-2 / Le Guern 464 / Lafuma 508 (série XX) / Sellier 679
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Bibliographie ✍
CROQUETTE Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, Genève, Droz, 1974, p. 51. Récit de la grande expérience de l’équilibre des liqueurs, OC II, éd. J. Mesnard, p. 677-690. |
✧ Éclaircissements
Nec me pudet ut istos fateri nescire quod nesciam.
Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 51. ✍
Nec me pudet ut istos, fateri nescire quod nesciam : Cicéron, Tusculanes, I, 25 : citation littérale. Tr. : « Je n’ai pas honte, comme ces gens-là, d’avouer que j’ignore ce que j’ignore ».
Cité par Montaigne, Essais, III, 11, Des boiteux, éd. de 1652, p. 768, éd. Balsamo, Pléiade, p. 1079 : « C’est par manière de devis, que je parle de tout, et de rien par manière d’avis. Nec me pudet, ut istos, fateri nescire, quod nesciam. Je ne serais pas si hardi à parler, s’il m’appartenait d’en être cru ».
En marge de l’édition de 1652 : « Et je n’ai pas honte, comme telles gens, de reconnaître ignorer ce que j’ignore. Acad. I ».
Au cours des controverses sur le vide, Pascal a eu l’occasion de railler les faux savants qui ne veulent pas avouer qu’ils ignorent quelque chose, et qui pour le dissimuler, usent d’expédients dérisoires : voir le Récit de la grande expérience de l’équilibre des liqueurs, OC II, éd. J. Mesnard, p. 688-689 : « Ce n’est pas en cette seule rencontre que, quand la faiblesse des hommes n’a pu trouver les véritables causes, leur subtilité en a substitué d’imaginaires, qu’ils ont exprimées par des noms spécieux qui remplissent les oreilles et non pas l’esprit : c’est ainsi que l’on dit que la sympathie et antipathie des corps naturels sont les causes efficientes et univoques de plusieurs effets, comme si des corps inanimés étaient capables de sympathie et d’antipathie. Il en est de même de l’antipéristase, et de plusieurs autres causes chimériques, qui n’apportent qu’un vain soulagement à l’avidité qu’ont les hommes de connaître les vérités cachées, et qui, loin de les découvrir, ne servent qu’à couvrir l’ignorance de ceux qui les inventent, et à nourrir celle de leurs sectateurs ». Cette référence permet de lier la présente citation au fragment Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230) : De là vient que presque tous les philosophes confondent les idées des choses et parlent des choses corporelles spirituellement et des spirituelles corporellement, car ils disent hardiment que les corps tendent en bas, qu’ils aspirent à leur centre, qu’ils fuient leur destruction, qu’ils craignent le vide, qu’ils ont des inclinations, des sympathies, des antipathies, qui sont toutes choses qui n’appartiennent qu’aux esprits. Et, en parlant des esprits, ils les considèrent comme en un lieu, et leur attribuent le mouvement d’une place à une autre, qui sont choses qui n’appartiennent qu’aux corps.
Melius non incipient.
Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 50. ✍
Melius non incipient : Sénèque, Lettres à Lucilius, LXXII, 11 : « Melius non incipient, quam desinent ». Tr. : « Ils auront moins de peine à ne pas commencer qu’à s’arrêter ». Plus exactement : « Il vaut mieux qu’ils ne commencent pas que de s’arrêter ». Voir l’éd. P. Veyne, coll. Bouquins, p. 796.
Cité par Montaigne, Essais, III, 10, De ménager sa volonté, éd. de 1652, p. 755, éd. Balsamo, Pléiade, p. 1061 : « Je fuis les complexions tristes, et les hommes hargneux, comme les empestés. Et aux propos que je ne puis traiter sans intérêt, et sans émotion, je ne m’y mêle, si le devoir ne m’y force. Melius non incipient, quam desinent. La plus sûre façon est donc, se préparer avant les occasions. »
En marge de l’édition de 1652 : « Il vaut mieux qu’ils ne commencent point, que de cesser. Senec. Epist. 2. »
Le sens, dans l’original, paraît tout à fait différent : Sénèque recommande de ne pas transiger avec les vaines occupations, et de leur fermer immédiatement la porte. La citation de Montaigne applique le conseil d’opposer porte close aux hommes tristes et hargneux. Pascal l’entend sans doute aussi des hommes, mais il est difficile de savoir s’il pense aux mêmes personnes que Montaigne. Il pourrait tout aussi bien appliquer cette maxime aux individus qui vont se lancer dans le divertissement, et qui feraient mieux de ne pas commencer, plutôt que de devoir un jour faire face à la difficulté d’y renoncer. Les citations se prêtent à ce type de transfert, dans la mesure où on les isole de leur contexte.