Pensées diverses VII – Fragment n° 3 / 10 – Papier original : RO 381 r° / v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 179 p. 417 à 419 / C2 : p. 391 à 393 v°

Éditions de Port-Royal :

    Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 262-263 / 1678 n° 49 p. 255

    Chap. XXIX - Pensées morales : 1669 p. 294 et janvier 1670 p. 293 / 1678 n° 53 p. 291

    Chap. XXXI - Pensées diverses : 1669 et janvier 1670 p. 329-331 / 1678 n° 18 et 24 p. 323-326

    Chap. XXIV - Vanité de l’homme : 1669 et janvier 1670 p. 183-184 / 1678 n° 1 p. 179-180

Éditions savantes : Faugère II, 373, XXXVI ; II, 260, XXV ; II, 373, XXXVII ; I, 190, XXXVI ; II, 102, note ; II, 106, XXVII ; I, 251, XVI / Havet XXV.191, XXIV.28, VI.42, III.14, XXV.35, VII.14, II.1 (P-R) / Brunschvicg 666, 122, 386, 447, 106, 147 / Tourneur p. 130-2 / Le Guern 662 / Lafuma 801 à 806 (série XXIX) / Sellier 653

 

 

Description : P-R-pages

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 262-263 / 1678 n° 49 p. 255

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Description : P-R-fleuron L’ancien Testament contenait les figures de la joie future, et le nouveau contient les moyens d’y arriver. Les figures étaient de joie, les moyens sont de pénitence. Et néanmoins l’agneau Pascal était mangé avec des laitues sauvages, cum amaritudinibus, pour marquer toujours qu’on ne pouvait trouver la joie que par l’amertume.

 

 

Fascinatio.

Somnum suum.

Figura hujus mundi.

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L’Eucharistie.

Comedes panem tuum / panem nostrum.

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Inimici Dei terram lingent. Les pécheurs lèchent la terre, c’est‑à‑dire aiment les plaisirs terrestres.

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L’Ancien Testament contenait les figures de la joie future et le Nouveau contient les moyens d’y arriver.

Les figures étaient de joie, les moyens de pénitence, et néanmoins l’agneau pascal était mangé avec des laitues sauvages, cum amaritudinibus.

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Singularis sum ego donec transeam. Jésus-Christ avant sa mort était presque seul de martyr.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

Suppression normale des notes de références.

Les éditeurs ajoutent une explication rendue nécessaire par la brièveté de la remarque sur les figures de l’Ancien Testament.

 

 

Description : P-R-pages

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXIX - Pensées morales : 1669 p. 294 et janvier 1670 p. 293 / 1678 n° 53 p. 291

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

Description : P-R-fleuron Le temps amortit les afflictions et les querelles ; parce qu’on change, et qu’on devient comme une autre personne. Ni l’offensant, ni l’offensé ne sont plus les mêmes. C’est comme un peuple qu’on a irrité, et qu’on reverrait après deux générations. Ce sont encore les Français, mais non les mêmes.

 

 

Le temps guérit les douleurs et les querelles. Parce qu’on change, on n’est plus la même personne. Ni l’offensant ni l’offensé ne sont plus eux‑mêmes. C’est comme un peuple qu’on a irrité et qu’on reverrait après deux générations : ce sont encore les Français, mais non les mêmes.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

La substitution de devient à est affaiblit la pensée.

 

 

Description : P-R-pages

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXXI - Pensées diverses : 1669 et janvier 1670 p. 329-331 / 1678 n° 18 p. 323-324 et 24 p. 325-326

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

18. Description : P-R-fleuron Si nous rêvions toutes les nuits la même chose, elle nous affecterait peut-être autant que les objets que nous voyons tous les jours. Et si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits douze heures durant qu’il est Roi, je crois qu’il serait presque aussi heureux qu’un Roi qui rêverait toutes les nuits douze heures durant qu’il serait artisan. Si nous rêvions toutes les nuits que nous sommes poursuivis par des ennemis, et agités par ces fantômes pénibles, et qu’on passât tous les jours en diverses occupations, comme quand on fait un voyage, on souffrirait presque autant que si cela était véritable, et on appréhenderait le dormir, comme on appréhende le réveil, quand on craint d’entrer dans de tels malheurs en effet. Et en effet il ferait à peu près les mêmes maux que la réalité. Mais parce que les songes sont tous différents, et se diversifient, ce qu’on y voit affecte bien moins que ce qu’on voit en veillant, à cause de la continuité, qui n’est pas pourtant si continue et égale, qu’elle ne change aussi, mais moins brusquement, si ce n’est rarement, comme quand on voyage ; et alors on dit : il me semble que je rêve : car la vie est un songe un peu moins inconstant.

 

 

 

 

 

 

24. Description : P-R-fleuron Pourvu qu’on sache la passion dominante de quelqu’un, on est assuré de lui plaire : et néanmoins chacun a ses fantaisies contraires à son propre bien, dans l’idée même qu’il a du bien : et c’est une bizarrerie qui déconcerte ceux qui veulent gagner leur affection.

 

 

Si nous rêvions toutes les nuits la même chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours. Et si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits, douze heures durant, qu’on est roi, je crois qu’il serait presque aussi heureux qu’un roi qui rêverait toutes les nuits, douze heures durant, qu’il serait artisan.

Si nous rêvions toutes les nuits que nous sommes poursuivis par des ennemis et agités par ces fantômes pénibles, et qu’on passât tous les jours en diverses occupations comme quand on fait voyage, on souffrirait presque autant que si cela était véritable, et on appréhenderait le dormir comme on appréhende le réveil quand on craint d’entrer dans de tels malheurs en effet. Et en effet il ferait à peu près les mêmes maux que la réalité.

Mais parce que les songes sont tous différents et que l’un même se diversifie, ce qu’on y voit affecte bien moins que ce qu’on voit en veillant, à cause de la continuité qui n’est pourtant pas si continue et égale qu’elle ne change aussi, mais moins brusquement, si ce n’est rarement, comme quand on voyage, et alors on dit : Il me semble que je rêve ; car la vie est un songe, un peu moins inconstant.

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Dira‑t‑on que, pour avoir dit que la justice est partie de la terre, les hommes aient connu le péché originel ? Nemo ante obitum beatus. Est‑ce à dire qu’ils aient connu qu’à la mort la béatitude éternelle et essentielle commence ?

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En sachant la passion dominante de chacun, on est sûr de lui plaire, et néanmoins chacun a ses fantaisies contraires à son propre bien dans l’idée même qu’il a du bien, et c’est une bizarrerie qui met hors de gamme.

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

Substitution de une bizarrerie qui déconcerte ceux qui veulent gagner leur affection à qui met hors de gamme : voir le commentaire de M. Pérouse, L’invention des Pensées de Pascal, p. 357-358. Mettre hors de gamme est une expression qui n’est pas répertoriée par Richelet (mais elle est connue de Furetière).

 

 

Description : P-R-pages

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXIV - Vanité de l’homme : 1669 et janvier 1670 p. 183-184 / 1678 n° 1 p. 179-180

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 

Description : P-R-fleuron Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous, et en notre propre être : nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire ; et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver cet être imaginaire, et négligeons le véritable. Et si nous avons ou la tranquillité, ou la générosité, ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir, afin d’attacher ces vertus à cet être d’imagination : nous les détacherions plutôt de nous pour les y joindre ; et nous serions volontiers poltrons, pour acquérir la réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait 2 de l’un sans l’autre, et de renoncer souvent à l’un pour l’autre ! Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme.

 

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Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable. Et si nous avons ou la tranquillité, ou la générosité et la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir, afin d’attacher ces vertus‑ à notre autre être, et les détacherions plutôt de nous pour les joindre à l’autre. Nous serions de bon cœur poltrons pour en acquérir la réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et d’échanger souvent l’un pour l’autre. Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui‑là serait infâme.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 « satisfaits » (au pluriel) dans l’édition de 1678.