Pensées diverses III – Fragment n° 41 / 85 – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 128 p. 375 / C2 : p. 333

Le texte a été ajouté dans l’édition de 1678 : Chap. XXIX - Pensées morales : 1678 n° 14 p. 273-274

Éditions savantes : Faugère I, 196, LVII / Havet V.17 / Michaut 950 / Brunschvicg 323 / Le Guern 582 / Lafuma 688 (série XXV) / Sellier 567

 

 

 

 

 

A été ajouté dans l’édition de Port-Royal de 1678

 

Chap. XXIX - Pensées morales : 1678 n° 14 p. 273-274

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. 1678 1

Transcription du manuscrit

 

 

 

 Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non : car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime une personne à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole qui ôtera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. Et si on m’aime pour mon jugement, ou pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non : car je puis perdre ces qualités sans cesser d’être. Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? Et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ses qualités, qui ne sont point ce qui fait ce moi, puisqu’elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement les qualités. Ou si on aime la personne, il faut dire que c’est l’assemblage des qualités qui fait la personne.

 

 

Qu’est‑ce que le moi ?

 

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis‑je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non, car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime‑t‑il ? Non, car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus.

Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime‑t‑on moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi. Où est donc ce moi s’il n’est ni dans le corps ni dans l’âme ? Et comment aimer le corps ou l’âme sinon pour ses qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi puisqu’elles sont périssables ? Car aimerait‑on la substance de l’âme d’une personne abstraitement et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut et serait injuste. On n’aime donc jamais personne mais seulement des qualités.

Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

Sans cesser d’être pose un problème d’interprétation.

L’addition finale constitue sans doute un contresens sur la pensée de Pascal. Voir le commentaire.