Pensées diverses IV – Fragment n° 4 / 23 – Papier original : RO 443-3 r° / v°
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 154 p. 387 v°-389 / C2 : p. 353 à 355
Éditions de Port-Royal : Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janvier 1670 p. 231-233 /
1678 n° 16 p. 224-225
Éditions savantes : Faugère II, 234, XXX / Havet XXIII.23 / Brunschvicg 817 / Tourneur p. 114 / Le Guern 625 / Lafuma 734 (série XXVI) / Sellier 615
Dans l’édition de Port-Royal
Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janvier 1670 p. 231-233 / 1678 n° 16 p. 224-225 |
Différences constatées par rapport au manuscrit original
Ed. janvier 1670 1 |
Transcription du manuscrit |
|
D’où vient qu’on croit tant de menteurs qui disent qu’ils ont vu des miracles et qu’on ne croit aucun de ceux qui disent qu’ils ont des secrets pour rendre l’homme immortel ou pour rajeunir.
Ayant considéré d’où vient qu’on ajoute tant de foi à tant d’imposteurs qui disent qu’ils ont des remèdes jusques à mettre souvent sa vie entre leurs mains, il m’a paru que la véritable cause est qu’il y en a de vrais. Car il ne serait pas possible qu’il y en eût tant de faux et qu’on y donnât tant de créance s’il n’y en avait de véritables. Si jamais il n’y eût eu remède à aucun mal et que tous les maux eussent été incurables, il est impossible que les hommes se fussent imaginé qu’ils en pourraient donner, et encore plus que tant d’autres eussent donné créance à ceux qui se fussent vantés d’en avoir. De même que si un homme se vantait d’empêcher de mourir, personne ne le croirait parce qu’il n’y a aucun exemple de cela. Mais comme il y [a] eu quantité de remèdes qui se sont trouvés véritables par la connaissance même des plus grands hommes, la créance des hommes s’est pliée par là. Et cela s’étant connu possible, on a conclu de là que cela était, car le peuple raisonne ordinairement ainsi : une chose est possible, donc elle est. Parce que la chose ne pouvant être niée en général puisqu’il y a des effets particuliers qui sont véritables, le peuple, qui ne peut pas discerner quels d’entre ces effets particuliers sont les véritables, les croit tous. De même, ce qui fait qu’on croit tant de faux effets de la lune, c’est qu’il y en a de vrais, comme le flux de la mer. Il en est de même des prophéties, des miracles, des divinations par les songes, des sortilèges, etc. Car si de tout cela il n’y avait jamais eu rien de véritable on n’en aurait jamais rien cru et ainsi, au lieu de conclure qu’il n’y a point de vrais miracles parce qu’il y en a tant de faux, il faut dire au contraire qu’il y a certainement de vrais miracles puisqu’il y en a tant de faux et qu’il n’y en a de faux que par cette raison qu’il y en a de vrais. Il faut raisonner de la même sorte pour la religion car il ne serait pas possible que les hommes se fussent imaginé tant de fausses religions s’il n’y en avait une véritable. L’objection à cela c’est que les sauvages ont une religion, mais on répond à cela que c’est qu’ils en ont ouï parler comme il paraît par le déluge, la circoncision, la croix de saint André, etc.
|
1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.
2 Cette expression a été supprimée dans l’édition de 1678.
Commentaire
Il est curieux que les éditeurs n’aient retenu du présent fragment que la partie relative aux remèdes, et qu’ils aient retenu le fragment suivant pour la partie qui touche les miracles, alors qu’elle est moins claire et moins achevée que celle du présent fragment. L’opération de réécriture ne donne pas ici un résultat très satisfaisant.