Pensées diverses VIII – Fragment n° 6 / 6 – Papier original : RO 206-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 190 p. 427 v° / C2 : p. 399 v° (copie de Pierre Guerrier)
Éditions savantes : Faugère II, 403 / Brunschvicg 901 / Tourneur p. 136-4 / Le Guern 675 / Lafuma 825 (série XXX) / Sellier 666
______________________________________________________________________________________
Bibliographie ✍
Sur la théorie de la réfutation, voir ARISTOTE, Rhétorique, II et III, et Organon, VI, Réfutations sophistiques. PERELMAN Ch. et OLBRECHTS-TYTECA L., Traité de l’argumentation, Paris, Presses Universitaires de France, 1958, 2 vol. |
✧ Éclaircissements
[Semble réfuter].
Voir la transcription diplomatique.
Humilibus dat gratiam ; an ideo non dedit humilitatem ?
La première partie de ce passage est tirée de la première Épître de Pierre, V, 5 ; on la trouve aussi dans l’Épître de Jacques, IV, 6.
« Dieu résiste aux superbes et donne la grâce aux humbles ».
La seconde partie formule une objection à laquelle l’Épître pourrait donner lieu : Dieu n’a donc pas donné l’humilité ? En d’autres termes, si Pierre dit que Dieu donne la grâce aux humbles, ne peut-on pas déduire de cette précision qu’il ne leur a pas donné l’humilité ? Ce serait entendre le passage de Pierre au sens divisé. Mais il faut l’entendre au sens composé, car Dieu donne bien la grâce aux humbles, mais c’est lui aussi qui leur a donné par grâce l’humilité. Pascal donne la clé de ce problème dans les Écrits sur la grâce, notamment dans la Lettre sur la possibilité des commandements, où il établit qu’une première grâce donne l’humilité qui fait prier, et qu’une seconde grâce exauce cette prière.
Sur l’humilité dans la conversion, voir l’Écrit sur la conversion du pécheur.
Sui eum non receperunt ; quotquot autem non receperunt, an non erant sui ?
Jean, I, 11. « [Jésus] est venu chez soi, et les siens ne l’ont pas reçu ».
Objection possible : « Mais tous ceux qui ne l’ont pas reçu, est-ce qu’ils n’étaient pas des siens ? ».
Le commentaire de Port-Royal insiste sur le fait que « les siens » désigne les Juifs comme le « propre peuple » du Christ. « Car il les avait choisis du milieu de toutes les nations idolâtres, pour les consacrer à son service et au culte du vrai Dieu ». « Ils étaient du même sang, selon la nature humaine, puisqu’il était descendu d’Abraham comme eux. C’est pourquoi ils furent, sans comparaison plus criminels que les autres hommes, quand ils refusèrent de le recevoir, en disant : Nous ne voulons point que celui-ci règne sur nous. Car ils rejetaient Jésus-Christ qui était né au milieu d’eux, et qui venait les sauver de leurs péchés, comme son peuple ».
Brunschvicg minor ponctue de manière irrecevable comme suit : « Sui eum non receperunt ; quotquot autem non receperunt » an non erant sui ? Mais GEF XIV ponctue comme nous.
L’objection ne tient pas, car l’expression les siens est prise en deux sens différents : dans le premier énoncé, les siens désigne les Juifs, qui ne l’ont pas reçu. Mais dans la seconde, les siens désigne l’humanité dans son ensemble, c’est-à-dire non pas seulement les Juifs, mais surtout y compris les païens, ce qui revient à classer ces derniers parmi les hommes du Christ.
Voir la note de GEF XIV, p. 330 : « L’Évangile de saint Jean porte (I, 11) que le Verbe n’a pas été reçu par les siens ; on demandera si tous ceux qui ne l’ont pas reçu (et auxquels suivant l’Évangile le Verbe apporte le pouvoir de devenir fils de Dieu) ne sont pas les siens par le fait même qu’ils ne l’ont pas reçu ». Cette interprétation revêt donc une forme apagogique.
Ces exemples montrent que Pascal est attentif aux objections non pertinentes que les ennemis de l’Écriture peuvent tirer d’une lecture trop littérale. Il en a proposé d’autres exemples :
Laf. 575, Sel. 478. Extravagances des apocalyptiques et préadamites, millénaires, etc. Qui voudra fonder des opinions extravagantes sur l’Écriture en fondera par exemple sur cela : Il est dit que cette génération ne passera point jusqu’à ce que tout cela se fasse. Sur cela je dirai qu’après cette génération il viendra une autre génération et toujours successivement. Il est parlé dans le 2 Paralip. de Salomon et de roi comme si c’étaient deux personnes diverses. Je dirai que c’en étaient deux.