Contre la fable d’Esdras – Fragment n° 3 / 4 – Papier original : RO 247-6

Copie manuscrite du XVIIe s. : C2 : p. 221-222 (absent de C1)

Éditions savantes : Faugère II, 194, XV / Havet XXV.141 / Brunschvicg 632 / Tourneur p. 298 / Le Guern 710 / Lafuma 953 / Sellier 417

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Bibliographie

 

 

BARONIUS, Annales sacrées et ecclésiastiques contenant tout ce qui est advenu de mémorable dans l’Église et dans les empires et royaumes depuis la création du monde jusques à maintenant, divisées en six tomes (...) mises en français par Pierre Coppin, seconde édition, Paris, Jacques d’Allin, 1656.

BERNIER Jean, La critique du Pentateuque de Hobbes à Calmet, Paris, Champion, 2010.

BRIANT Pierre, Histoire de l’empire perse. De Cyrus à Alexandre, Paris, Fayard, 1996.

CAZELLE Henri (dir.), Introduction critique à l’Ancien Testament, Paris, Desclée, 1973.

CHÉDOZEAU Bernard, L’Univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, vol. 1, Paris, Champion, 2013.

COHEN Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969.

DELASSAULT Geneviève, Le Maistre de Saci et son temps, Paris, Nizet, 1957.

Esdras et Nehemias traduits en français, Paris, Desprez, 1693.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Commentaires, 2e éd., Paris, Vrin, 1971.

JOSÈPHE Flavius, Histoire ancienne des Juifs, tr. Arnauld d’Andilly, éd. Lidis-Brepols, 1981.

JOSÈPHE Flavius, Histoire des Juifs écrite par Flavius Josèphe sous le titre de Antiquités judaïques. Traduites sur l’original grec revu sur divers manuscrits par Monsieur Arnauld d’Andilly. Troisième édition, Paris, chez Pierre Le Petit, MDCLXX. Privilège du 17 août 1652.

LHERMET J., Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931.

ODELAIN O. et SÉGUINEAU R., Dictionnaire des noms propres de la Bible, Paris, Cerf et Desclée de Brouwer, 1978, p. 132-133.

PHILON d’ALEXANDRIE, Philonis Judaei omnia quae extant opera, tr. Turnèbe et Hoeschel, II, 2, Paris, 1640.

PHILON d’ALEXANDRIE, Œuvres de Philon Juif, tr. F. Morel, Paris, J. Bessin, 1619.

Port-Royal et le peuple d’Israël, Chroniques de Port-Royal, 53, Paris, Bibliothèque Mazarine, 2004.

ROBERT A. et FEUILLET A. (dir.), Introduction à la Bible, tome I, Tournai, Desclée, 1957.

TERTULLIEN, Opera quae hactenus reperiri potuerunt omnia, Paris, éd. Pamelius, 1616.

 

 

Éclaircissements

 

Après avoir réuni des renseignements sur les origines de la « fable d’Esdras » dans le fragment Contre la fable d’Esdras 4 (Laf. 953, Sel. 418), Pascal réunit des témoignages contre la « fable d’Esdras » principalement tirés de sources non suspectes d’hostilité à la tradition juive.

 

Valeur de la critique biblique chez Pascal

 

Lhermet J., Pascal et la Bible, p. 437 sq. La thèse de Lhermet est que, même si la méthode de Pascal manque de justesse dans les bases historiques, comme méthode historique, elle repose sur des principes et des règles sains. Les erreurs commises par Pascal sont moins imputables à lui qu’à la science de son temps : p. 438. Pascal précurseur de génie sur la question biblique : p. 441. Pour donner accès aux incrédules à la religion catholique, il se met à leur point de vue et introduit les procédés de la critique dans l’étude des Écritures ; il s’interdit de considérer les textes bibliques comme inspirés par Dieu, il les regarde comme des documents écrits par des auteurs en un temps et un lieu déterminés, dans une langue humaine, destinés à des hommes qui ne ressemblent pas aux modernes, d’après un but défini : p. 441. C’est une nouveauté à l’époque : p. 442. Son analyse de la fable d’Esdras est un modèle de critique externe, malgré le caractère fragmentaire des textes : p. 442-443.

 

Sur Esdras.

 

Voir le dossier thématique sur Esdras.

 

Fable : les livres ont été brûlés avec le temple.

 

Fable : le mot désigne un récit légendaire, mais que l’on ne peut pas prendre au sérieux. Le mot peut signifier aussi tout simplement fausseté.

Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, 2e éd., Paris, Vrin, 1971, p. 225-226. Pendant la captivité du peuple juif sous Nabuchodonosor, les Écritures auraient été brûlées, et Esdras, prêtre de la tribu de Lévi, les aurait reconstituées sur l’ordre et avec l’inspiration de Dieu.

Esdras et Nehemias traduits en français, Paris, Desprez, 1693. Plusieurs anciens ont écrit que les exemplaires du Vieux Testament avaient été brûlés par les Chaldéens avec le Temple, et qu’Esdras inspiré de Dieu avait rétabli toute l’Écriture.

Esdras IV affirmait que la Loi avait été brûlée et qu’il ne restait plus de manuscrits sur lesquels étaient écrits les commandements que Moïse avait reçus de Dieu. Esdras aurait demandé à Dieu de lui envoyer l’Esprit Saint afin d’écrire tout ce qui avait été fait dans le monde depuis le début, tout le contenu de la Loi ; Dieu répond favorablement à Esdras, et le lendemain lui présente une coupe qu’il boit avant de dicter quarante jours durant ce qu’il reçoit de Dieu. Les livres détruits ont ainsi pu être reconstitués par la faveur divine.

Dans le quatrième livre d’Esdras, qui ne figure pas dans le canon de la Bible catholique, on lit au chapitre XIV que le texte de l’Écriture aurait brûlé dans l’incendie du Temple en 587 et qu’Esdras l’aurait reconstitué sous l’inspiration divine. La Bible de Louvain de 1550, IVe d’Esdras, p. 191 v° porte en effet le texte suivant : « Car ta loi est allumée, par quoi aucun ne sait quelles choses sont faites de toi, ni quelles œuvres commenceront ». Voir le texte dans le dossier thématique Esdras.

On trouve aussi ce livre d’Esdras IV dans l’Encyclopédie théologique publiée par Migne, tome XXIII, Dictionnaire des apocryphes, Tome I, 1856, col. 635-658, avec une traduction plus compréhensible : « Le livre de votre loi a été consumé par le feu. C’est pourquoi il ne se trouve plus personne qui soit instruit des grandes choses que vous devez faire, et de celles que vous devez faire dans la nuit des temps. »

Nota bene : une note remarque que « cela ne peut s’entendre des livres de la loi, qui étaient entre les mains des prêtres, des lévites et du peuple, mais de l’original ou de ceux qui étaient gardés dans l’arche. » Elle indique que « Daniel et Tobie lisaient l’Écriture pendant leur captivité, puisqu’ils la citent. Il est à présumer qu’Ézéchiel, qui fut emmené en captivité avec le roi Joachim emporta avec lui un exemplaire de l’Écriture. » Voir plus bas.

Il y aurait donc eu une rupture dans la continuité de la tradition et dans l’histoire de la Vérité, donc dans la perpétuité telle que Pascal la conçoit. On peut se demander si Esdras n’a pas carrément refait la loi, au lieu de se contenter de la relire publiquement.

D’autres auteurs disent que cette destruction par le feu n’est pas vraisemblable : « comment des livres répandus par toute la terre auraient-ils pu être brûlés ? D’ailleurs Daniel (IX, 2) avait le livre de Jérémie à Babylone. Les livres d’Ézéchiel ont aussi subsisté. Et de même ceux de Daniel, puisqu’ils sont prophétisés après la destruction de Jérusalem. De même Tobie et Esther, comprenant des choses qui se sont passées depuis que les Juifs furent enlevés de leur pays » : p. 4. « Il est donc assez visible qu’Esdras ne rétablit pas l’Écriture dans le sens auquel l’ont cru quelques auteurs de l’Antiquité » : p. 5. Il a corrigé des fautes introduites par la négligence des prêtres et la suite des temps. Réponse dans Esdras et Nehemias traduits en français, Paris, Desprez, 1693.

Cazelle Henri, Introduction critique…, p. 113 sq. Voir Preuves de Moïse sur le Pentateuque. Le témoignage des Maccabées, II, II, V, 2, prouve que le Pentateuque n’a pas été brûlé dans l’incendie du Temple.

Cohen Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, p. 35. Pascal repousse l’idée qu’Esdras a refait la loi, ce qui permettrait de remettre en doute l’autorité du témoignage.

 

Faux par les Macchabées : Jérémie leur donna la loi.

 

Les deux Livres des Maccabées sont relatifs aux luttes que les Juifs ont soutenues contre les séleucides pour recouvrer leur liberté religieuse et politique.

Contre la thèse de destruction par incendie, Pascal oppose l’argument déjà proposé dans le fragment Contre la fable d’Esdras 1 (Laf. 949, Sel. 415).

Jérémie leur donna la loi : voir IIe Livre des Maccabées, II, 1-2.

« 1. Or on trouve dans les écrits du prophète Jérémie qu’il commanda à ceux qui allaient de Judée en un pays étranger de prendre le feu sacré, comme on l’a marqué auparavant, et qu’il leur donna des préceptes lorsqu’ils étaient sur le point d’être transférés ; 2. Et il leur enjoignit très expressément de n’oublier pas les ordonnances du Seigneur, et de ne pas tomber dans l’égarement d’esprit, en voyant les idoles d’or et d’argent avec tous leurs ornements. »

Le témoignage des Maccabées, II, II, V, 2, prouve que le Pentateuque n’a pas été brûlé dans l’incendie du Temple.

Voir Delassault Geneviève, Le Maistre de Saci, p. 201-203 : le témoignage des Maccabées prouve que le Pentateuque n’a pas été brûlé dans l’incendie du Temple.

On a vu plus haut que ce livre supposé d’Esdras est donné dans l’Encyclopédie théologique publiée par Migne, tome XXIII, Dictionnaire des apocryphes, Tome I, 1856, col. 635-658, avec une traduction et une note qui indique que « cela ne peut s’entendre des livres de la loi, qui étaient entre les mains des prêtres, des lévites et du peuple, mais de l’original ou de ceux qui étaient gardés dans l’arche. » Elle indique que « Daniel et Tobie lisaient l’Écriture pendant leur captivité, puisqu’ils la citent. Il est à présumer qu’Ézéchiel, qui fut emmené en captivité avec le roi Joachim emporta avec lui un exemplaire de l’Écriture. »

Esdras et Nehemias traduits en français, Paris, Desprez, 1693. D’ailleurs Daniel (IX, 2) avait le livre de Jérémie à Babylone. Les livres d’Ézéchiel ont aussi subsisté. Et de même ceux de Daniel, puisqu’ils sont prophétisés après la destruction de Jérusalem. De même Tobie et Esther, comprenant des choses qui se sont passées depuis que les Juifs furent enlevés de leur pays » : p. 4.

Lhermet J., Pascal et la Bible, p. 437 sq.

 

Fable : qu’il récita tout par cœur.

Josèphe et Esdras marquent qu’il lut le livre.

 

Entendre qu’Esdras n’a pas proclamé les Écritures sous le coup de l’inspiration : il a lu un texte dont il disposait.

Voir Delassault Geneviève, Le Maistre de Sacy et son temps, p. 201-202. Josèphe et Esdras, Baronius notent que le Pentateuque n’avait pas été reconstitué sous l’inspiration de Dieu.

Josèphe et Esdras marquent qu'il lut le livre : Flavius Josèphe, Histoire ancienne des Juifs, XI, v, tr. Arnauld d’Andilly, éd. Lidis-Brepols, 1981, p. 347.

« Au septième mois, qui était le temps de célébrer la fête des Tabernacles, presque tout le peuple s’assembla auprès de la porte du Temple qui regarde l’orient, et pria Esdras de lui lire les lois de Moïse. Il le fit ; et cette lecture dura depuis le matin jusqu’au soir. Ils en furent si touchés que tous généralement répandirent des larmes, parce que ces saintes lois ne leur firent pas seulement voir ce qu’ils devaient faire dans le temps présent et à l’avenir, mais elles leur firent connaître que s’ils les eussent observées par le passé, ils ne seraient pas tombés dans tant de malheurs. »

IIe Livre d’Esdras, VIII, 2-8.

« 2. Esdras, prêtre, apporta donc la loi devant l’assemblée des hommes et des femmes, et de tous ceux qui pouvaient l’entendre, le premier jour du septième mois. 3. Et il lut dans ce livre clairement et distinctement au milieu de la place qui était devant la porte des eaux, depuis le matin jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes et de ceux qui étaient capables de l’entendre, et tout le peuple avait les oreilles attentives à la lecture de ce livre. 4. Esdras, docteur de la loi, se tint debout sur un marchepied de bois qu’il avait fait pour parler devant le peuple, Mathatias, Séméia, Ania, Uria, Helcia et Maasia étaient à sa droite ; et Phadaïa, Misaël, Melchia, Hasum, Hasbadana, Zacharie et Mosollam étaient à sa gauche. 5. Esdras ouvrit le livre devant tout le peuple ; car il était élevé au-dessus de tous, et après qu’il l’eut ouvert, tout le peuple se tint debout. [...]. 8. Et ils lurent dans le livre de la loi de Dieu distinctement, et d’une manière intelligible, et le peuple entendit ce qu’on lui disait. » (Tr. Le Maistre de Sacy).

Il y aurait donc eu une rupture dans la continuité de la tradition et dans l’histoire de la Vérité, donc dans la perpétuité telle que Pascal la conçoit. On peut se demander si Esdras n’a pas carrément refait la loi, au lieu de se contenter de la relire publiquement.

Cohen Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, p. 35. Pascal repousse l’idée qu’Esdras a refait la loi, ce qui permettrait de remettre en doute l’autorité du témoignage.

Lhermet J., Pascal et la Bible, p. 437 sq.

 

Baron., Ann., 180. Nullus penitus Hæbræorum antiquorum reperitur qui tradiderit libros periisse et per Esdram esse restitutos nisi in 4 Esdras.

 

Sur Cesare Baronio, voir Bluche François (dir.), Dictionnaire du grand siècle, article Baronius, p. 162. Cesare Baronio, 1538-1607, écrivain ecclésiastique, auteur d’Annales ecclésiastiques d’une grande érudition, Annales ecclesiastici du cardinal Baronius, 12 vol., 1588-1607.

Nullus penitus haebraeorum antiquorum reperitur qui tradiderit libros periisse et per Esdram esse restitutos nisi in 4 Esdras : traduction : « On ne trouve absolument personne parmi les anciens Juifs qui ait rapporté que les livres avaient disparu et qu’ils avaient été reconstitués par Esdras, sauf au Quatrième livre d’Esdras. »

Baron., Ann., 180 : voir GEF XIV, p. 73. Année du Christ 180.

Voir Baronius, Annales sacrées et ecclésiastiques contenant tout ce qui est advenu de mémorable dans l’Église et dans les empires et royaumes depuis la création du monde jusques à maintenant, divisées en six tomes (...) mises en français par Pierre Coppin, seconde édition, Paris, Jacques d’Allin, 1656, p. 408.

« Davantage, il est grandement probable qu’il (Néhémie) exécuta tout ceci à la persuasion et par le secours d’Esdras, et même qu’il l’établit, comme étant scribe de la loi et très docte, surintendant de tout l’ouvrage, et grand bibliothécaire. Le même Esdras étant inspiré de Dieu, ainsi que nous estimons, et que Rabanus Maurus l’a remarqué, remit alors en état tous les mêmes livres sacrés, qu’il rechercha soigneusement, et corrigea tous les volumes des prophètes, que les Gentils avaient corrompus, et divisa tout le vieil Testament en vingt-deux livres, selon le nombre des lettres hébraïques. D’où l’on croit qu’il soit advenu, que d’un commun consentement Esdras a été estimé le restaurateur des livres sacrés, de quoi nous tombons aussi d’accord. Ce n’est pas que tous les volumes sacrés fussent perdus tout à fait en l’embrasement du Temple, et de la ville de Jérusalem, ainsi que nous avons dit ci-dessus, contre l’opinion de plusieurs, ni qu’Esdras les dictât par inspiration divine à des secrétaires qui écrivissent sous lui, comme quelques-uns le colligent du quatrième livre d’Esdras, qui est entre les apocryphes, mais seulement qu’il eut un grand soin de rechercher toute l’Écriture sainte, de la rédiger à un corps, et d’y corriger ce qui y était dépravé, ainsi que Bellarmin le prouve fort bien par l’autorité des Pères anciens, et par bonnes raisons ; et Génébrard y rapporte des Hébreux, qu’on célébra pour cela un grand concile. »

Lhermet J., Pascal et la Bible, p. 437 sq.

 

Fable : qu’il changea les lettres.

 

Le Pentateuque samaritain est écrit en alphabet paléo-hébreu du IIe siècle av. J.-C. On admettait qu’Esdras avait apporté aux livres sacrés qu’il avait restaurés un changement dans l’alphabet. Voir l’Avertissement de la Bible de Port-Royal aux livres d’Esdras et Néhémie, p. VIII-IX : Esdras, qui « travailla avec le secours de l’Esprit de Dieu » à corriger les fautes qui s’étaient glissées « dans les exemplaires des livres saints », « changea même les caractères samaritains, dont les Juifs se servaient auparavant, et les laissant à ces peuples de Samarie, il y substitua dans les saintes Écritures les caractères chaldéens, soit parce que les Juifs s’y étaient accoutumés durant leur captivité, soit pour éloigner par là encore davantage le peuple de Dieu de ces peuples schismatiques qui s’en étaient séparés ».

Esdras et Nehemias traduits en français, Paris, Desprez, 1693, p. 5. Esdras a corrigé des fautes introduites par la négligence des prêtres et la suite des temps. « Il changea même les caractères samaritains dont les Juifs se servaient auparavant, et les laissant à ces peuples de Samarie, il y substitua dans les saintes Écritures les caractères chaldéens, soit parce que les Juifs s’y étaient accoutumés durant leur captivité, soit pour éloigner par là encore davantage le peuple de Dieu de ces peuples schismatiques qui s’en étaient séparés. »

Bernier Jean, La critique du Pentateuque de Hobbes à Calmet, p. 173. Les défenseurs de la mosaïcité du Pentateuque reconnaissaient qu’Esdras n’avait pas seulement corrigé les premiers livres sacrés, mais qu’il avait aussi apporté un changement fondamental en changeant l’alphabet dans lequel ils avaient été écrits. Les anciens caractères samaritains n’étant plus familiers après plusieurs années d’exil, Esdras avait choisi de présenter les livres sacrés dans l’alphabet chaldaïque auquel s’étaient habitués les Israélites. Bossuet admettait sans difficulté ce changement.

Delassault Geneviève, Le Maistre de Sacy et son temps, p. 201-202. La Vita Moysis de Philon assure que les textes avaient gardé les mêmes caractères jusqu’à l’époque des Septante.

Cette note dément le livre d’Esdras IV, selon lequel Dieu a donné l’inspiration à cinq secrétaires à qui Esdras aurait dicté le texte de la loi, et l’écrivirent avec des signes qu’ils ne connaissaient pas.

Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, Cerf, 1993, article Esdras, p. 362-363. Selon les rabbins, Esdras transforma l’écriture hébraïque par l’usage de caractères araméens, carrés. Il aurait aussi collaboré à la codification du Pentateuque en prescrivant que certains mots dont la graphie était douteuse devaient être ponctués.

 

Philo, in Vita Moysis. Illa lingua ac caracter quo antiquitus scripta est Lex sic permansit usque ad 70.

 

On lit dans les Philonis Judaei omnia quae extant opera, tr. Turnèbe et Hoeschel, II, 2, Paris, 1640, p 657, un texte proche : « Lex antiquitus scripta fuit lingua chaldaica, mansitque longo tempore in ea, quamdiu legis ipsius pulchritudo non est intellecta externis hominibus. » La suite du texte se rapporte aux Septante, traducteur des Écritures. La citation est peut-être forgée par Pascal.

On peut renvoyer à la traduction des Œuvres de Philon Juif, Vie de Moïse II, tr. F. Morel, Paris, J. Bessin, 1619, p. 343 sq.

« Anciennement les lois ont été écrites en la langue chaldaïque, et demeurèrent longtemps en un même état, sans changer de langage, tellement qu’elles ne firent point paraître leur beauté : mais après que par la continuelle méditation et exercitation, qu’on faisait chacun jour d’elles, le sentiment vint aux étrangers, alors leur gloire, et lors s’épandit de tous côtés : car les choses belles, encore que par envie elles soient quelque peu de temps cachées, si est-ce qu’à la fin elles viennent en lumière, et reluisent par la bonté de leur nature. Par quoi aucuns sachez que ces lois étaient seulement connues à une certaine partie d’hommes, à savoir à la seule nation barbare, et que la grecque en était totalement privée, eurent grand’envie qu’elles fussent traduites en leur langue grecque : et d’autant que l’œuvre était grand et profitable à tout le monde, non seulement aux gens privés, mais aussi aux princes et seigneurs, il fut dédié au plus excellent de tous les rois du monde, qui était Ptolomée, surnommé Philadelphe. C’était le troisième roi d’Égypte depuis Alexandre, et le plus excellent en vertu [...]. Lui donc désireux de la connaissance de nos lois, se délibéra de les faire traduire de la langue chaldaïque en la langue grecque : et pour y parvenir envoya incontinent des ambassadeurs vers le prince des sacrificateurs et roi de Judée [...], lui faisant entendre sa volonté et l’incitant à lui choisir par les lignées des personnes qui lui pourraient traduire ses lois. Le grand sacrificateur ayant entendu cela , fut fort joyeux, comme aussi il devait être, estimant que le roi par inspiration divine s’était adonné à cet œuvre : au moyen de quoi il rechercha les plus excellents Hébreux, qui outre les lettres du pays, avaient aussi appris les lettres grecques, et les lui envoya de bon cœur. Les interprètes étant arrivés et reçus gracieusement, comme appartient aux étrangers, qu’on mande de lointain pays, entretinrent d’honnêtes et sages devis celui qui leur faisait le banquet, lui en rendant par ce moyen un autre de leur côté. »

Par la suite, « après qu’ils eurent été approuvés par le roi, commencèrent incontinent d’accomplir la charge de leur bel ambassade : tellement que discourant en eux-mêmes la conséquence et importance de l’affaire qui était de traduire des lois, prise de la bouche de Dieu (où il n’était licite d’ôter aucune chose, ni ajouter, ni changer, mais fallait garder l’ancienne forme et façon) regardaient tout à l’entour de la ville, où était l’endroit le plus net et sain ». Ils s’installent au Pharos d’Alexandrie. « Ces personnages trouvèrent des mots qui s’accordaient fort bien avec les choses, lesquels seule sans autres donnaient clairement à entendre le sens d’icelles ». La traduction qui leur est due a reçue le nom de Septante. L’ensemble de l’histoire permet de dire qu’il n’existait pas de traduction des Écritures en grec avant que cette traduction ait été réalisée. Or l’époque de cette traduction est bien postérieure à celle d’Esdras.

On trouve dans Baronius, Annales sacrées et ecclésiastiques contenant tout ce qui est advenu de mémorable dans l’Église et dans les empires et royaumes depuis la création du monde jusques à maintenant, divisées en six tomes (...) mises en français par Pierre Coppin, seconde édition, Paris, Jacques d’Allin, 1656, p. 409, que « S. Hierosme rapporte que le même Esdras inventa de nouveaux caractères, ou lettres hébraïques, qui sont maintenant en usage, et qu’il laissa les anciennes aux Samaritains ».

Bernier Jean, La critique du Pentateuque de Hobbes à Calmet, p. 173. Les défenseurs de la mosaïcité du Pentateuque reconnaissaient qu’Esdras n’avait pas seulement corrigé les premiers livres sacrés, mais qu’il avait aussi apporté un changement fondamental en changeant l’alphabet dans lequel ils avaient été écrits. Les anciens caractères samaritains n’étant plus familiers après plusieurs années d’exil, Esdras avait choisi de présenter les livres sacrés dans l’alphabet chaldaïque auquel s’étaient habitués les Israélites. Bossuet admettait sans difficulté ce changement.

Le Pentateuque samaritain est écrit en alphabet paléo-hébreu du IIe siècle av. J.-C. On admettait qu’Esdras avait apporté aux livres sacrés qu’il avait restaurés un changement dans l’alphabet. Voir l’Avertissement de la Bible de Port-Royal aux livres d’Esdras et Néhémie, Esdras et Nehemias traduits en français, Paris, Desprez, 1693 : Esdras, qui « travailla avec le secours de l’Esprit de Dieu » à corriger les fautes qui s’étaient glissées « dans les exemplaires des livres saints », « changea même les caractères samaritains, dont les Juifs se servaient auparavant, et les laissant à ces peuples de Samarie, il y substitua dans les saintes Écritures les caractères chaldéens, soit parce que les Juifs s’y étaient accoutumés durant leur captivité, soit pour éloigner par là encore davantage le peuple de Dieu de ces peuples schismatiques qui s’en étaient séparés ».

Voir Arnauld Antoine et Nicole Pierre, La Logique, II, VIII (éd de 1664), éd. D. Descotes, Paris, Champion, 2014, p. 267-269, sur les points vocaliques.

 

Josèphe dit que la Loi était en hébreu quand elle fut traduite par les Septante.

 

Antiquités judaïques, XII, 2 : « Post hunc Philadelphus assumpto Aegypti regno, quod per annos undequadraginta tenuit, et legem transferri inn Graecam linguam curavit, et Hierosolomitas in Aegypto servientes liberos dimisit. » Tr. d’Arnauld d’Andilly, éd. Lidis, p. 362. « Ptolémée, surnommé Philadelphe, succéda au royaume d’Égypte à Ptolémée Sôter, son père, et régna trente-neuf ans. Il fit traduire en grec les lois des Juifs. » Le récit est consacré aux 72 docteurs qui ont traduit les Écritures, p. 362-369.

 

Les Septante

 

Les LXX, c’est-à-dire les Septante : voir Pensées, II, éd. Le Guern, p. 346. Nom donné aux 72 juifs que Ptolémée Philadelphe d’Égypte employa à traduire la Bible de l’hébreu en grec, en 277 avant J.-C. Saint Justin, saint Irénée et saint Clément assurent que Ptolémée fit enfermer les traducteurs dans des cellules séparées, pour voir le rapport qu’il y aurait entre les traductions ; elles furent entièrement identiques. Cette légende, à laquelle Pascal fait allusion, est née, semble-t-il, à l’ère chrétienne, et a été vite contestée.

Voir saint Irénée, Contre les hérésies, III, XXI, où il parle de la traduction des Septante : « Or lorsqu’ils se trouvèrent ensemble auprès de Ptolémée et qu’ils comparèrent les unes aux autres leurs traductions, Dieu fut glorifié et les Écritures furent reconnues pour vraiment divines, car tous avaient exprimé les mêmes passages par les mêmes expressions et les mêmes mots, du commencement à la fin, de sorte que même les païens qui étaient là reconnurent que les Écritures avaient été traduites sous l’inspiration de Dieu. Il n’est d’ailleurs nullement surprenant que Dieu ait opéré ce prodige... »

 

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Sous Antiochus et Vespasien, où l’on a voulu abolir les Livres et où il n’y avait point de prophète, on ne l’a pu faire. Et sous les Babyloniens, où nulle persécution n’a été faite et où il y avait tant de prophètes, l’auraient‑ils laissé brûler ?

 

Antiochus IV Épiphane déclenche une grande persécution de 167 à 164.

C’est sous Vespasien que Titus investit Jérusalem, et qu’eurent lieu la cessation des sacrifices et l’incendie du Temple (70).

Appel au bon sens : sous Antiochus ou Vespasien, on n’a pas réussi à abolir les textes sacrés, quoique aucun prophète n’ait été là pour les défendre. Comment les Babyloniens y seraient-ils arrivés alors que la persécution n’était pas totale ?

 

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Josèphe se moque des Grecs qui ne souffriraient...

 

Voir Pascal Blaise, Les Pensées de Pascal, éd. Francis Kaplan, Paris, Cerf, 1982, p. 289, note, qui renvoie à un passage d’Arnauld d’Andilly, dont la traduction est postérieure à Pascal.