Fragment Commencement n° 8 / 16 – Papier original : RO 65-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Commencement n° 221 p. 77 v° / C2 : p. 104

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées Chrétiennes : 1669 et janv. 1670 p. 247 / 1678 n° 21 p. 239

Éditions savantes : Faugère II, 173, II / Havet XXIV.17 / Brunschvicg 236 / Tourneur p. 227-1 / Le Guern 147 / Lafuma 158 / Sellier 190

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Bibliographie

 

Voir le dossier thématique sur la Recherche.

Voir la bibliographie du fragment Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680), sur les partis et l’argument du pari.

 

DROZ Édouard, Étude sur le scepticisme de Pascal considéré dans le livre des Pensées, p. 63 sq.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, p. 59 sq. Rapport avec le fragment Laf. 11-Sel. 45, sur la lettre d'ôter les obstacles. Rapport du fragment Laf. 418 sur le pari avec la liasse Commencement : p. 60.

 

Éclaircissements

 

Par les partis vous devez vous mettre en peine de rechercher la vérité,

 

L’idée des partis apparaît dans plusieurs fragments de la liasse Commencement. Sur ce terme de parti, qui appartient au lexique technique de la « géométrie du hasard » de Pascal, voir la définition dans Commencement 5 (Laf. 154, Sel. 187).

Prophéties 5 (Laf. 326, Sel. 358). Quiconque n’ayant plus que huit jours à vivre ne trouvera pas que le parti est de croire que tout cela n’est pas un coup du hasard. Or si les passions ne nous tenaient point, huit jours et cent ans sont une même chose.

Ce fragment permet d’éviter un contresens sur l’objet de l’argument du pari Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680) : il ne démontre pas l’existence de Dieu (sans quoi il n’y aurait plus à chercher la vérité) ; il ne démontre pas non plus qu’on doit vivre comme si l’on était chrétien ; il montre seulement que l’incroyant doit se mettre à la recherche de la vérité.

Voir le dossier thématique sur la Recherche.

 

car si vous mourez sans adorer le vrai principe vous êtes perdu.

 

Cette formule demande à être examinée de près pour éviter certaines objections inappropriées contre l’argument du pari.

Le fragment Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680), dans l’argument du pari, ne fait pas appel à la crainte de l’enfer. Il semble en revanche que ce soit le cas ici. Mais Pascal ne se sert pas de cet argument pour prouver qu’il faut parier pour Dieu, ce qui n’aurait ni sens ni valeur spirituelle, puisque ce serait instituer une foi fondée sur la crainte et non pas sur l’amour. Il l’utilise seulement pour montrer la nécessité de la recherche, c’est-à-dire dans la phase qui précède les raisonnements sur le pari : il s’agit alors pour lui de montrer que la situation est trop sérieuse pour être prise à la légère, et que l’incrédule a toutes les raisons de commencer une recherche approfondie sur le problème de sa destinée. À ce stade, cette recherche ne peut être inspirée que par un intérêt d’amour propre, comme le dit le fragment Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681), c’est-à-dire par un souci de soi raisonnable de ne pas « se perdre ». En d’autres termes, on ne peut pas reprocher à l’argument de la crainte de l’enfer d’engendrer une foi fondée sur la « crainte servile » : il n’est encore ici nullement question de foi.

En revanche, cet argument trouve à ce stade une place logique, en raison de l’état d’incertitude où l’incrédule est supposé placé. Il ne sait pas en effet s’il existe ou non un Dieu ; par conséquent, la possibilité de tomber entre les mains d’un dieu irrité, quel qu’il soit, est une possibilité effective, dont la prudence contraint de tenir compte, et qui rend la recherche raisonnable.

La différence est sensible avec la manière dont le P. Mersenne, par exemple, use de la crainte de l’enfer dans la Préface de L’impiété des déistes pour montrer qu’il est plus avantageux d’être chrétien que de ne pas l’être : « Savent-ils pas qu’ils ne courraient aucun danger, encore qu’ils crussent tout ce qu’enseigne la foi chrétienne, bien que toutes ses doctrines fussent imaginaires, et controuvées? car si nos âmes sont mortelles, comme dit l’auteur de ce poème que je réfute, quand il tourne en risée les saintes cérémonies de nos pompes funèbres, nous ne serons pas punis pour avoir cru qu’elles étaient immortelles, il n’y aura non plus de punition pour ceux qui croient que Dieu est très juste, et qu’il y a un enfer pour les méchants, quand bien il n’y aurait point ni de Dieu, ni d’enfer. De sorte que les Catholiques sont assurés (de quelque côté qu’on les prenne) qu’ils suivent le meilleur chemin, et tiennent la vérité la plus certaine, et la plus avantageuse, laquelle néanmoins ne leur interdit aucune récréation honnête, et raisonnable. »

Sur la crainte de l’enfer, voir Laf. 748, Sel. 621 : Objection : Ceux qui espèrent leur salut sont heureux en cela, mais ils ont pour contrepoids la crainte de l’enfer. Réponse : Qui a plus sujet de craindre l’enfer, ou celui qui est dans l’ignorance s’il y a un enfer, et dans la certitude de la damnation s’il y en a ; ou celui qui est dans une certaine persuasion qu’il y a un enfer, et dans l’espérance d’être sauvé s’il est. Voir ce fragment, où Pascal démontre que ne pas croire à l’enfer est une très forte raison d’en avoir peur.

 

Mais, dites‑vous, s’il avait voulu que je l’adorasse il m’aurait laissé des signes de sa volonté.

 

Les signes de la volonté de Dieu auxquels Pascal pense sont indiqués dans le fragment “Infini rien”, Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680) : Cela est démonstratif et si les hommes sont capables de quelque vérité celle-là l’est. Je le confesse, je l’avoue, mais encore n’y a-t-il point moyen de voir le dessous du jeu? oui l’Ecriture et le reste, etc.

Gheeraert Tony, Le chant de la grâce. Port-Royal et le poésie d'Arnauld d'Andilly à Racine, p. 129 sq., interprète la formule en ce sens que le monde est plein des vestiges de Dieu qui nous laissent deviner la présence de Dieu.

 

Aussi a‑t‑il fait, mais vous les négligez. Cherchez-les donc, cela le vaut bien.

 

Pascal propose donc la recherche et non une solution toute faite. Cela dessine de loin la Conclusion.