Fragment Contrariétés n° 14 / 14 – Papier original : RO 257-257 v° et 261-261 v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Contrariétés n° 178 à 182 p. 47 v° à 52 / C2 : p. 69 à 74

Éditions de Port-Royal :

     Chap. XXI - Contrarietez estonnantes : 1669 et janv. 1670 p. 158-164 et p. 171 / 1678 n° 1 p. 157-161, n° 4 p. 167-168

     Chap. III - Veritable Religion prouvée par les contrarietez : 1669 et janv. 1670 p. 36-37, 38-39 / 1678 n° 5 p. 39, n° 6 p. 39-40, n° 8 p. 40-41

     Chap. XXVIII - Pensées Chrestiennes : 1669 et janv. 1670 p. 245 et p. 248-249 / 1678 n° 16 p. 237, n° 30 p. 241-242

Éditions savantes : Faugère II, 100, XXV / Havet VIII.1 / Michaut 536 / Brunschvicg 434 / Tourneur p. 199-2 / Le Guern 122 / Lafuma 131 / Sellier 164

______________________________________________________________________________________

 

 

 

Transcription diplomatique (les additions sont signalées en couleur orange)

 

La méthode d’écriture utilisée par Pascal dans ce document est caractéristique : Pascal se réserve de grandes marges aussi bien à gauche qu’à droite puis il les utilise pour compléter le texte ou ajouter une note parfois reliée au corps du texte au moyen d’un renvoi (+). Contrairement à son habitude, Pascal n’a pas signé les feuillets d’une croix initiale.

 

RO p. 257

 

 

Notes

 

1 Pascal n’a pas reproduit exactement le même signe de renvoi que celui qu’il a écrit dans le texte principal.

2 Pascal a oublié de barrer l’expression que nous sentons.

 

Genèse de la rédaction :

 

Premier état : « De plus que personne n’a d’assurance s’il veille ou s’il dort, vu que durant le sommeil on croit veiller aussi fermement que nous faisons. Et que comme on rêve souvent, qu’on rêve entassant un songe sur l’autre, il se peut aussi bien faire que cette moitié de la vie où nous pensons veiller vie n’est elle-même qu’un songe, dont nous nous éveillons à la mort, pendant laquelle nous avons aussi peu les principes du vrai et du bien que pendant le sommeil naturel. Tout cet écoulement du temps, et ces divers corps, ces différentes pensées qui nous y agitent ne sont que des illusions pareilles à l’écoulement du temps et aux vains fantômes de nos songes. »

Deuxième état : « De plus que personne n’a d’assurance, hors de la foi s’il veille ou s’il dort, vu que durant le sommeil on croit veiller aussi fermement que nous faisons. On croit voir les espaces, les figures, les mouvements, on sent couler le temps, on le mesure, et enfin on agit de même qu’éveillé. De sorte que la moitié de la vie se passant en sommeil, par notre propre aveu ou quoi qu’il nous en paraisse, nous n’avons aucune idée du vrai, tous nos sentiments étant alors des illusions. Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous pensons veiller n’est pas un autre sommeil un peu différent du premier, dont nous nous éveillons quand nous pensons dormir ? Et qui doute que si on rêvait de compagnie et que par hasard les songes s’accordassent, ce qui est assez ordinaire, et qu’on veillât en solitude, on ne crût les choses renversées ? Enfin comme on rêve souvent, qu’on rêve entassant un songe sur l’autre, ne se peut-il pas faire que cette moitié de la vie n’est elle-même qu’un songe, sur lequel les autres sont entés, dont nous nous éveillons à la mort, pendant laquelle nous avons aussi peu les principes du vrai et du bien que pendant le sommeil naturel, ces différentes pensées qui nous y agitent n’étant peut-être que des illusions pareilles à l’écoulement du temps, et aux vains fantômes de nos songes ? »

Troisième état (Pascal barre plusieurs parties du texte) : « De plus que personne n’a d’assurance, hors de la foi s’il veille ou s’il dort, vu que durant le sommeil on croit veiller aussi fermement que nous faisons. On croit voir les espaces, les figures, les mouvements, on sent couler le temps, on le mesure, et enfin on agit de même qu’éveillé. De sorte que la moitié de la vie se passant en sommeil, par notre propre aveu ou quoi qu’il nous en paraisse, nous n’avons aucune idée du vrai, tous nos sentiments étant alors des illusions. Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous pensons veiller n’est pas un autre sommeil un peu différent du premier, dont nous nous éveillons quand nous pensons dormir ? » 

RO p. 257 v°...