Fragment Fausseté des autres religions n° 13 / 18  – Papier original : RO 465-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fausseté n° 271 p. 109 / C2 : p. 134

Éditions de Port-Royal : Chap. II - Marques de la véritable religion : 1669 et janvier 1670 p. 19-20 / 1678 n° 2 p. 18

Éditions savantes : Faugère II, 141, III / Havet XI.2 bis / Brunschvicg 433 / Tourneur p. 247-6 / Le Guern 201 / Lafuma 215 / Sellier 248

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Bibliographie

 

 

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993, p. 215 sq.

SELLIER Philippe, “Pascal : les conclusions du projet d’apologie”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, Paris, Champion, 1999, p. 81.

 

 

Éclaircissements

 

Après avoir entendu toute la nature de l’homme il faut pour faire qu’une religion soit vraie qu’elle ait connu notre nature.

 

Sellier Philippe, “Pascal : les conclusions du projet d’apologie”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, p. 81. Problème de la place de cette pensée dans une liasse où, sur 18 fragments, 7 seulement traitent de la Fausseté des autres religions, tandis que les 11 autres tournent autour de la corruption de la nature.

Le fragment marque un nœud dans l’ordre. Ce passage porte moins sur un thème, que sur une articulation logique : il s’agit de préciser un moment de la démarche logique, marquée par la liaison après..., il faut... L’expression rappelle les tournures par lesquelles, dans ses traités de géométrie, Pascal formule les conditions et les exigences de méthode auxquelles doit répondre la solution d’un problème.

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 215 sq. L’armature logique de cette argumentation permet, à partir de faits reconnus, de définir des critères auxquels doit répondre toute solution proposée. Si la condition est remplie, cela suffit pour conserver l’hypothèse, mais non pour la confirmer absolument. En revanche, toute doctrine qui ne répond pas aux conditions posée doit être rejetée.

 

Elle doit avoir connu la grandeur et la petitesse et la raison de l’une et de l’autre.

 

Dans cette addition en marge de gauche, Pascal précise une exigence qui n’était indiquée que sommairement dans la rédaction initiale.

Pascal écrit petitesse là où la table des matières et les premières liasses laisseraient attendre misère. Pascal n’emploie guère petitesse que dans Disproportion de l’homme (Transition 4 - Laf. 199, Sel. 230), dans un sens purement physique, alors qu’il est ici employé dans un sens moral. C’est peut-être parce que Pascal estime qu’à ce stade de son apologie, le temps de la cure de scepticisme est dépassé : il ne s’agit plus à présent de rappeler à l’homme ses impuissances honteuses, mais plutôt de le remettre en face de sa disproportion. Mais l’édition de Port-Royal remplace petitesse par bassesse.

Sellier Philippe, “Pascal : les conclusions du projet d’apologie”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, p. 82. Le fragment énonce deux conditions a priori : primo, avoir reconnu le fait de la grandeur et de la misère ; secundo, en rendre raison : p. 82.

Le il faut introduit donc une exigence multiple, qui comprend les effets et la raison de ces effets : on demande 1. la grandeur, 2. la petitesse, 3. la raison de l’une et de l’autre. La raison est d’un ordre plus profond que les effets observables que sont la grandeur et le petitesse. Les philosophes sont capables de saisir les effets, mais ils en ignorent la raison.

L’exigence de connaître non seulement le fait de la coexistence en l’homme de la grandeur et de la petitesse, mais aussi la raison de cette dualité, est déjà indiquée dans A P. R. 1.

 

Qui l’a connue que la chrétienne ?

 

Le même défi que dans d’autres fragments de Fausseté des autres religions est une fois de plus adressé aux religions païennes : laquelle a su se montrer aussi vénérable que la chrétienne, c’est-à-dire aussi capable de comprendre la nature de l’homme ?

Pascal reprend la même idée que dans A P. R., mais en lui donnant une autre application : dans A P. R., c’est la bonne réponse à donner qui est proposée par la voie de la Sagesse de Dieu ; dans Fausseté, elle est envisagée sous l’angle des nombreuses mauvaises réponses qu’on peut lui donner. Le premier volet est apologétique, le second est réfutatif.

Voir Fausseté 2 (Laf. 204, Sel. 236) : Dieu défie les autres religions de produire de telles marques.