Fragment Fondement n° 6 / 21  – Papier original : RO 45-8

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fondement n° 282 p. 117 v° / C2 : p. 144

Éditions savantes : Faugère II, 369, XXIX / Havet XXV.52 / Brunschvicg 444 / Tourneur p. 251-2 / Le Guern 214 / Lafuma 229 / Sellier 261

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Bibliographie

 

 

Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, II, Livre VIII, Œuvres, Bibliothèque augustinienne, p. 247.

PASCAL, Entretien avec Monsieur de Sacy, OC III, éd. J. Mesnard, p. 124 sq.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

 

Éclaircissements

 

Ce que les hommes par leurs plus grandes lumières avaient pu connaître, cette religion l’enseignait à ses enfants.

 

La leçon n’avaient pu connaître (copie Périer) imposerait un sens qui serait, à première vue, plus facile à comprendre : Pascal voudrait dire que les plus hautes conceptions des hommes sont toujours inférieures aux plus élémentaires vérités de la religion chrétienne. Ce n’est pourtant pas ce que Pascal a écrit.

Les homme dotés des plus grandes lumières sont vraisemblablement Platon et ses disciples. Port-Royal a peut-être rejeté ce fragment faute de le comprendre clairement.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 58 sq. Les néoplatoniciens ont trouvé la vérité, mais non la voie. Le livre de La cité de Dieu affirme la découverte de l’existence de Dieu par Platon ; saint Augustin a consacré aux platoniciens le Sermon 141 de verbis Domini 55, 1-2, dont Pascal tire une formule dans Excellence 2 (Laf. 190, Sel. 222) : quod curiositate cognoverunt, superbia amiserunt, p. 59.

Saint Augustin, La cité de Dieu, II, Livre VIII, Œuvres, Bibliothèque augustinienne, p. 247. Aucun philosophe n’est plus proche du christianisme que Platon, parce qu’il pense que le sage imite, connaît et aime Dieu. Il reconnaît le vrai Dieu pour auteur des êtres, pour source de vérité : p. 249. Il a mis la béatitude de l’homme dans la jouissance de Dieu : p. 261. Christianisme et platonisme : p. 263. Platon a-t-il connu la sainte Écriture ? p. 269. Selon certains apologistes chrétiens, Platon aurait eu connaissance de la loi de Moïse : p. 270. Saint Augustin soutiendrait volontiers cette idée : p. 271.

Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370). Ce que Platon n’a pu persuader à quelque peu d’hommes choisis et si instruits, une force secrète le persuade à cent milliers d’hommes ignorants, par la vertu de peu de paroles.

Pascal insiste sur le fait que la faible diffusion du platonisme fait piètre figure à côté de la fulgurante expansion du christianisme. Voir Preuves par discours III (Laf. 447, Sel. 690) : La conversion des païens n’était réservée qu’à la grâce du Messie. Les Juifs ont été si longtemps à les combattre sans succès : tout ce qu’en ont dit Salomon et les prophètes a été inutile. Les sages, comme Platon et Socrate, n’ont pu le persuader.

On trouve une idée analogue chez saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, I, XVII, Œuvres, Pléiade, p. 401. Les grands philosophes qui ont connu l’unité de Dieu sont Platon, Socrate, Aristote, mais aussi les Stoïciens Épictète et Sénèque. Mais ils ont « manqué de force et de courage à la bien aimer » (sc. la Divinité) : p. 401. Ils ne l’ont pas glorifiée sur toutes choses ; ils ont préféré « l’honneur et le vain repos de leurs vies à l’honneur qu’ils devaient à Dieu » : p. 401. Épictète n’a pas eu la « sainte jalousie de l’honneur de Dieu » : p. 402.

Pascal dit aussi dans l’Entretien avec M. de Sacy que le stoïcien Épictète a su se faire une très haute idée de la dignité et de la puissance de Dieu, et des devoirs que les hommes ont à son égard.

« Épictète, lui dit-il, est un des philosophes du monde qui aient mieux connu les devoirs de l’homme. Il veut avant toutes choses, qu’il regarde Dieu comme son principal objet ; qu’il soit persuadé qu’il gouverne tout avec justice ; qu’il se soumette à lui de bon cœur, et qu’il le suive volontairement en tout, comme ne faisant rien qu’avec une très grande sagesse : qu’ainsi, cette disposition arrêtera toutes les plaintes et tous les murmures, et préparera son esprit à souffrir paisiblement tous les événements les plus fâcheux. [...] Il montre aussi en mille manières ce que doit faire l’homme. Il veut qu’il soit humble, qu’il cache ses bonnes résolutions, surtout dans les commencements, et qu’il les accomplisse en secret : rien ne les ruine davantage que de les produire. Il ne se lasse point de répéter que toute l’étude et le désir de l’homme doit être de reconnaître la volonté de Dieu et de la suivre. » Cependant Pascal reproche à Épictète de n’avoir pas su échapper à une « superbe diabolique » qui contredit ce qu’il a su de Dieu.