Dossier de travail - Fragment n° 22 / 35  – Papier original : RO 487-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 19 p. 195 v° / C2 : p. 7

Éditions de Port-Royal : Chap. III - Veritable Religion prouvée par les contrarietez : 1669 et janvier 1670 p. 40  / 1678 n° 14 p. 43

Éditions savantes : Faugère II, 146, XIII / Havet XII.9 / Brunschvicg 424 / Tourneur p. 304-2 / Le Guern 383 / Lafuma 404 / Sellier 23

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. III - Véritable religion prouvée par les contrariétés qui sont dans l’homme, et par le péché originel : 1669 et janvier 1670 p. 40  / 1678 n° 14 p. 43

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 Ainsi toutes ces contrariétés qui semblaient devoir le plus éloigner les hommes de la connaissance d’une Religion, sont ce qui les doit plutôt 2 conduire à la véritable.

[Preuves par les Juifs VI - Laf. 471, Sel. 708] 3

[Fausseté des autres religions 6 - Laf. 208, Sel. 240] 4

 

 

Toutes ces contrariétés qui semblaient le plus m’éloigner de la connaissance d’une religion est ce qui m’a le plus tôt conduit à la véritable.

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 Les Copies transcrivent plustost en un seul mot.

3 « Pour moi j’avoue qu’aussitôt que la Religion Chrétienne découvre ce principe que la nature des hommes est corrompue et déchue de Dieu, cela ouvre les yeux à voir partout le caractère de cette vérité. Car la nature est telle qu’elle marque partout un Dieu perdu, et dans l’homme, et hors de l’homme. »

4 « Sans ces divines connaissances qu’ont pu faire les hommes, sinon ou s’élever dans le sentiment intérieur qui leur reste de leur grandeur passée, ou s’abattre dans la vue de leur faiblesse présente ? Car ne voyant pas la vérité entière ils n’ont pu arriver à une parfaite vertu ; les uns considérant la nature comme incorrompue, les autres comme irréparable. Ils n’ont pu fuir ou l’orgueil, ou la paresse qui sont les deux sources de tous les vices ; puisqu’ils ne pouvaient sinon ou s’y abandonner par lâcheté, ou en sortir par l’orgueil. Car s’ils connaissaient l’excellence de l’homme, ils en ignoraient la corruption ; de sorte qu’ils évitaient bien la paresse, mais ils se perdaient dans l’orgueil. Et s’ils reconnaissaient l’infirmité de la nature, ils en ignoraient la dignité ; de sorte qu’ils pouvaient bien éviter la vanité, mais c’était en se précipitant dans le désespoir.

De là viennent les diverses sectes des Stoïciens et des Épicuriens, des Dogmatistes et des Académiciens, etc. La seule Religion Chrétienne a pu guérir ces deux vices ; non pas en chassant l’un par l’autre par la sagesse de la terre ; mais en chassant l’un et l’autre par la simplicité de l’Evangile. Car elle apprend aux justes qu’elle élève jusqu’à la participation de la Divinité même, qu’en ce sublime état ils portent encore la source de toute la corruption qui les rend durant toute leur vie sujets à l’erreur, à la misère, à la mort, au péché ; et elle crie aux plus impies qu’ils sont capables de la grâce de leur Rédempteur. Ainsi donnant à trembler à ceux qu’elle justifie, et consolant ceux qu’elle condamne, elle tempère avec tant de justesse la crainte avec l’espérance par cette double capacité qui est commune à tous et de la grâce et du péché, qu’elle abaisse infiniment plus que la seule raison ne peut faire, mais sans désespérer ; et qu’elle élève infiniment plus que l’orgueil de la nature, mais sans enfler ; faisant bien voir par là qu’étant seule exempte d’erreur et de vice, il n’appartient qu’à elle et d’instruire et de corriger les hommes. »

 

Commentaire

 

L’édition de Port-Royal rattache les contrariétés dont il est question dans ce fragment à la corruption et à la déchéance postlapsaire de l’homme. Il s’agit donc des contrariétés qui existent entre les aspects de grandeur et de misère de la nature humaine.

L’édition supprime aussi le caractère personnel de l’énonciation ; les auteurs sont de ce fait obligés de passer de l’idée que les contrariétés ont conduit une personne à la religion à celle que les contradictions doivent conduire les hommes à cette religion. La formule est moins évocatrice et marque une certaine méfiance à l’égard du caractère vivant de la rhétorique de Pascal.