Preuves par les Juifs VI – Fragment n° 9 / 15 – Le papier original est perdu
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 61 p. 255-256 / C2 : p. 471-471 v°
Éditions de Port-Royal :
Chap. XXIII - Grandeur de l’homme : 1669 et janvier 1670 p. 180-181 / 1678 n° 5 p. 176-177
Chap. III - Veritable Religion prouvée par les contrarietez : 1669 et janvier 1670 p. 40 / 1678 n° 14 p. 43
Éditions savantes : Faugère II, 80, V ; II, 158, XXXII / Havet I.5 et XII.10 / Michaut 927 et 928 / Brunschvicg 404 et 441 / Le Guern 435 et 436 / Lafuma 470 et 471 (série XI) / Sellier 707 et 708
Dans l’édition de Port-Royal
Chap. XXIII - Grandeur de l’homme : 1669 et janvier 1670 p. 180-181 / 1678 n° 5 p. 176-177 |
Différences constatées par rapport au manuscrit original
Ed. janvier 1670 1 |
Transcription du manuscrit (Copies C1 et C2) |
Si d’un côté cette fausse gloire que les hommes cherchent est une grande marque de leur misère, et de leur bassesse, c’en est une aussi de leur excellence. Car quelques possessions qu’il ait sur la terre, de quelque santé et commodité essentielle qu’il jouisse, il n’est pas satisfait s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme, que quelque avantage qu’il ait dans le monde, il se croit malheureux, s’il n’est placé aussi avantageusement dans la raison de l’homme. C’est la plus belle place du monde : rien ne le peut détourner de ce désir ; et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme. Jusque-là que ceux qui méprisent le plus les hommes et qui les égalent aux bêtes, en veulent encore être admirés, et se contredisent à eux-mêmes par leur propre sentiment ; leur nature qui est plus forte que toute leur raison les convainquant plus fortement de la grandeur de l’homme, que la raison ne les convainc de sa bassesse. |
La plus grande bassesse de l’homme est la recherche de la gloire, mais c’est cela même qui est la plus grande marque de son excellence, car, quelque possession qu’il ait sur la terre, quelque santé et commodité essentielle qu’il ait, il n’est pas satisfait s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme que, quelque avantage qu’il ait sur la terre, s’il n’est placé avantageusement aussi dans la raison de l’homme, il n’est pas content. C’est la plus belle place du monde, rien ne le peut détourner de ce désir, et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme. Et ceux qui méprisent le plus les hommes et les égalent aux bêtes, encore veulent‑ils en être admirés et crus, et se contredisent à eux‑mêmes par leur propre sentiment, leur nature, qui est plus forte que tout, les convainquant de la grandeur de l’homme plus fortement que la raison ne les convainc de leur bassesse.
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1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.
2 « Nous avons une si grande idée de l’âme de l’homme, que nous ne pouvons souffrir d’en être méprisés, et de n’être pas dans l’estime d’une âme : et toute la félicité des hommes consiste dans cette estime. »
Commentaire
Cas de recomposition de deux fragments, qui n’entraîne que des corrections de style d’importance secondaire.
Dans l’édition de Port-Royal
Chap. III - Véritable religion prouvée par les contrariétés qui sont dans l’homme, et par le péché originel : 1669 et janvier 1670 p. 40 / 1678 n° 14 p. 43 |
Différences constatées par rapport au manuscrit original
Ed. janvier 1670 1 |
Transcription du manuscrit (Copies C1 et C2) |
Pour moi j’avoue qu’aussitôt que la Religion Chrétienne découvre ce principe que la nature des hommes est corrompue et déchue de Dieu, cela ouvre les yeux à voir partout le caractère de cette vérité. Car la nature est telle qu’elle marque partout un Dieu perdu, et dans l’homme, et hors de l’homme. [Fausseté des autres religions 6 - Laf. 208, Sel. 240] 3
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Pour moi, j’avoue qu’aussitôt que la religion chrétienne découvre ce principe, que la nature des hommes est corrompue et déchue de Dieu, cela ouvre les yeux à voir partout le caractère de cette vérité. Car la nature est telle qu’elle marque partout un Dieu perdu, et dans l’homme, et hors de l’homme. Et une nature corrompue. |
1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.
2 « Ainsi toutes ces contrariétés qui semblaient devoir le plus éloigner les hommes de la connaissance d’une Religion, sont ce qui les doit plutôt 2 conduire à la véritable. »
3 « Sans ces divines connaissances qu’ont pu faire les hommes, sinon ou s’élever dans le sentiment intérieur qui leur reste de leur grandeur passée, ou s’abattre dans la vue de leur faiblesse présente ? Car ne voyant pas la vérité entière ils n’ont pu arriver à une parfaite vertu ; les uns considérant la nature comme incorrompue, les autres comme irréparable. Ils n’ont pu fuir ou l’orgueil, ou la paresse qui sont les deux sources de tous les vices ; puisqu’ils ne pouvaient sinon ou s’y abandonner par lâcheté, ou en sortir par l’orgueil. Car s’ils connaissaient l’excellence de l’homme, ils en ignoraient la corruption ; de sorte qu’ils évitaient bien la paresse, mais ils se perdaient dans l’orgueil. Et s’ils reconnaissaient l’infirmité de la nature, ils en ignoraient la dignité ; de sorte qu’ils pouvaient bien éviter la vanité, mais c’était en se précipitant dans le désespoir.
De là viennent les diverses sectes des Stoïciens et des Épicuriens, des Dogmatistes et des Académiciens, etc. La seule Religion Chrétienne a pu guérir ces deux vices ; non pas en chassant l’un par l’autre par la sagesse de la terre ; mais en chassant l’un et l’autre par la simplicité de l’Evangile. Car elle apprend aux justes qu’elle élève jusqu’à la participation de la Divinité même, qu’en ce sublime état ils portent encore la source de toute la corruption qui les rend durant toute leur vie sujets à l’erreur, à la misère, à la mort, au péché ; et elle crie aux plus impies qu’ils sont capables de la grâce de leur Rédempteur. Ainsi donnant à trembler à ceux qu’elle justifie, et consolant ceux qu’elle condamne, elle tempère avec tant de justesse la crainte avec l’espérance par cette double capacité qui est commune à tous et de la grâce et du péché, qu’elle abaisse infiniment plus que la seule raison ne peut faire, mais sans désespérer ; et qu’elle élève infiniment plus que l’orgueil de la nature, mais sans enfler ; faisant bien voir par là qu’étant seule exempte d’erreur et de vice, il n’appartient qu’à elle et d’instruire et de corriger les hommes. »
Commentaire
Intégration de la deuxième partie du texte dans un développement expressément apologétique, qui établit la supériorité des lumières apportées par la religion sur celles que donnent les philosophes.
Noter que les éditeurs, qui savent que Pascal préconise la suppression du mot moi dans le discours, ont su respecter le début du texte original.