Dossier de travail - Fragment n° 32 / 35  – Papier original : RO 79-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 28 p. 197 v° / C2 : p. 9-10

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVI - Misère de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 216-217 /

1678 n° 3 p. 210-211

Éditions savantes : Faugère II, 40, VII / Havet IV.4 / Brunschvicg 171 / Tourneur p. 306-1 / Le Guern 393 / Lafuma 414 / Sellier 33

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXVI - Misère de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 216-217 / 1678 n° 3 p. 210-211

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 [Divertissement 4 - Laf. 136, Sel. 168] 2

Ainsi les divertissements qui font le bonheur des hommes ne sont pas seulement bas ; ils sont encore faux et trompeurs ; c’est-à-dire qu’ils ont pour objet des fantômes et des illusions, qui seraient incapables d’occuper l’esprit de l’homme, s’il n’avait perdu le sentiment et le goût du vrai bien, et s’il n’était rempli de bassesse, de vanité, de légèreté, d’orgueil, et d’une infinité d’autres vices : et ils ne nous soulagent dans nos misères, qu’en nous causant une misère plus réelle, et plus effective. Car c’est ce qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement le temps. Sans cela nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous porterait à chercher quelque moyen plus solide d’en sortir. Mais le divertissement nous trompe, nous amuse, et nous fait arriver insensiblement à la mort.

 

 

 

 

 

Misère.

 

La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d’en sortir, mais le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 « Tel homme passe sa vie sans ennui en jouant tous les jours peu de chose, qu’on rendrait malheureux en lui donnant tous les matins l’argent qu’il peut gagner chaque jour, à condition de ne point jouer. On dira peut-être, que c’est l’amusement du jeu qu’il cherche, et non pas le gain. Mais qu’on le fasse jouer pour rien, il ne s’y échauffera pas, et s’y ennuiera. Ce n’est donc pas l’amusement seul qu’il cherche : un amusement languissant et sans passion l’ennuiera. Il faut qu’il s’y échauffe, et qu’il se pique lui-même, en s’imaginant qu’il serait heureux de gagner ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui donnât à condition de ne point jouer ; et qu’il se forme un objet de passion, qui excite son désir, sa colère, sa crainte, son espérance.  »

 

Commentaire

 

Les textes de Pascal relatifs au divertissement ont subi d’importantes transformations, effectuées sans doute par Nicole, qui trouvait moyen d’y exercer ses talents de moraliste. Dans le cas présent, le texte de Pascal donne lieu à un véritable travail de réécriture qui lui retire son caractère de style coupé. Les expressions fortes sont remplacées par d’autres, plus banales : dans la formule nous fait perdre insensiblement le temps, par exemple, le verbe perdre n’a plus le sens de l’original (se perdre).