L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 210

ennui en jouant tous les jours peu de

chose, qu’on rendrait malheureux en

lui donnant tous les matins l’argent

qu’il peut gagner chaque jour, à condition

de ne point jouer. On dira peut-

être, que c’est l’amusement du jeu

qu’il cherche, et non pas le gain. Mais

qu’on le fasse jouer pour rien, il ne s’y

échauffera pas, et s’y ennuiera. Ce

n’est donc pas l’amusement seul qu’il

cherche : un amusement languissant et

sans passion l’ennuiera. Il faut qu’il s’y

échauffe, et qu’il se pique lui-même,

en s’imaginant qu’il serait heureux de

gagner ce qu’il ne voudrait pas qu’on

lui donnât à condition de ne point

jouer ; et qu’il se forme un objet de

passion, qui excite son désir, sa colère,

sa crainte, son espérance.

Ainsi les divertissements qui font le

bonheur des hommes ne sont pas seulement

bas ; ils sont encore faux et

trompeurs ; c’est-à-dire qu’ils ont pour

objet des fantômes et des illusions,

qui seraient incapables d’occuper l’esprit

de l’homme, s’il n’avait perdu

le sentiment et le goût du vrai bien,

et s’il n’était rempli de bassesse, de

vanité, de légèreté, d’orgueil, et d’une

 

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