Preuves par discours II - Fragment n° 5 / 7  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 35’ p. 221-221 v° / C2 : p. 433 v°-435

Éditions de Port-Royal : Chap. XV - Preuves de Jésus-Christ par les prophéties : 1669 et janvier 1670 p. 119-121  / 1678 n° 7 p. 119-120

Éditions savantes : Faugère II, 318, XIV / Havet XVIII.12 / Brunschvicg 783 / Le Guern 404 / Lafuma 433 (série IV) / Sellier 685

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XV - Preuves de Jésus-Christ par les prophéties : 1669 et janvier 1670 p. 119-121  / 1678 n° 7 p. 119-120

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit (Copies)

 

 [Prophéties 6 - Laf. 327, Sel. 359] 2 Il est venu dire aux hommes, qu’ils n’ont point d’autres ennemis qu’eux-mêmes ; que ce sont leurs passions qui les séparent de Dieu ; qu’il vient pour les en délivrer, et pour leur donner sa grâce, afin de former de tous les hommes une Église sainte ; qu’il vient ramener dans cette Église les Païens et les Juifs ; qu’il vient détruire les idoles des uns, et la superstition des autres.

[Prophéties 6] 3

À cela s’opposent tous les hommes par l’opposition naturelle de leur concupiscence.

[Prophéties 4 - Laf. 324, Sel. 357] 4 Tout ce qu’il y a de grand dans le monde s’unit contre cette Religion naissante, les savants, les sages, les Rois. Les uns écrivent, les autres condamnent, les autres tuent. Et malgré toutes ces oppositions, [Prophéties 4] 5

Des gens simples et sans force, comme les Apôtres et les premiers Chrétiens, résistent à toutes les puissances de la terre ; se soumettent les Rois, les savants, et les sages ; et détruisent l’idolâtrie si établie. Et tout cela se fait par la seule force de cette parole, qui l’avait prédit.

 

 

 Alors Jésus‑Christ vient dire aux hommes qu’ils n’ont point d’autres ennemis qu’eux‑mêmes, que ce sont leurs passions qui les séparent de Dieu, qu’il vient pour les détruire et pour leur donner sa grâce, afin de faire d’eux tous une Église sainte.

Qu’il vient ramener dans cette Église les païens et les Juifs, qu’il vient détruire les idoles des uns et la superstition des autres.

 

À cela s’opposent tous les hommes, non seulement par l’opposition naturelle de la concupiscence, mais par‑dessus tous les rois de la terre s’unissent pour abolir cette religion naissante, comme cela avait été prédit.

Prophétie : Quare fremuerunt gentes... reges terrae... adversus Christum.

Tout ce qu’il y a de grand sur la terre s’unit : les savants, les sages, les rois. Les uns écrivent, les autres condamnent, les autres tuent. Et nonobstant toutes ces oppositions, ces gens simples et sans force résistent à toutes ces puissances et se soumettent même ces rois, ces savants, ces sages, et ôtent l’idolâtrie de toute la terre. Et tout cela se fait par la force qui l’avait prédit.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 « Après tant de gens qui ont prédit cet avènement, Jésus-Christ est enfin venu dire : me voici, et voici le temps. »

3 « Ce que les Prophètes, leur a-t-il dit, ont prédit devoir arriver, je vous dis que mes Apôtres le vont faire. Les Juifs vont être rebutés ; Jérusalem sera bientôt détruite ; les Païens vont entrer dans la connaissance de Dieu ; et mes Apôtres les y vont faire entrer, après que vous aurez tué l’héritier de la vigne. Ensuite les Apôtres ont dit aux Juifs : vous allez être maudits : et aux Païens : vous allez entrer dans la connaissance de Dieu. »

4 « Ce Roi des Juifs et des Gentils est opprimé par les uns et par les autres qui conspirent sa mort. »

5 « voilà Jésus-Christ, en peu de temps, régnant sur les uns et les autres ; et détruisant et le culte Judaïque dans Jérusalem qui en était le centre, et dont il fait sa première Église ; et le culte des idoles dans Rome qui en était le centre, et dont il fait sa principale Église. »

 

Commentaire

 

Les éditeurs suppriment certaines expressions qui ont dû leur paraître brutales : ils remplacent  par exemple détruire les passions par les en délivrer ; mais ils conservent détruire pour les idoles et la superstition. Peut-être leur a-t-il semblé que les passions ne peuvent être détruites en l’homme de son vivant. En revanche, l’idolâtrie et la superstition sont des tares que l’on peut supprimer effectivement, d’autant plus qu’elles peuvent aussi vicier la foi chrétienne.

Ils hésitent aussi devant certaines expressions qui peuvent sembler excessives. Parler, comme le fait Pascal, de l’idolâtrie de toute la terre risque de donner à penser que les Juifs aussi étaient idolâtres, ce qui n’est pas le cas (en dehors de quelques épisodes fâcheux). Ils préfèrent donc parler de l’idolâtrie si établie. Marie Pérouse a commenté les « relectures » que se sont permises les éditeurs dans sa thèse L’invention des Pensées de Pascal.

Le présent texte donne un bon exemple de la manière dont les éditeurs parviennent à combiner plusieurs fragments pour n’en faire qu’un.