Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 15 / 24  – Papier original : RO 59-6

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 344 p. 161 v° / C2 : p. 192

Éditions savantes : Faugère II, 404 et II, 374, XL / Havet XXV.193 / Brunschvicg 697 et 569 / Tourneur p. 280-1 / Le Guern 294 / Lafuma 312 et 313 / Sellier 343 et 344

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Bibliographie

 

 

Saint AUGUSTIN, Lettre 137-3, 4, n. 16.

BARTMANN Bernard, Précis de théologie dogmatique, I, Mulhouse, Salvator, 1941.

BELIN Christian, La conversation intérieure, La méditation en France au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2002.

Conciliorum œcumenicorum decreta, Edizioni Dehoniane, Bologne, 1991.

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

SIMON Marcel et BENOIT André, Le judaïsme et le christianisme antique, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1968.

 

 

Éclaircissements

Prodita lege.

Impleta cerne.

Implenda collige.

 

Saint Augustin, Lettre 137-3, 4, n. 16. « Haec omnia sicut leguntur praedicta, ita cernuntur impleta, atque ex his jam tot et tantis quae restant, exspectandum implenda ».

Isaïe, XL, Isaïe, traduit en français par Le Maistre de Sacy, Paris, Desprez, 1686. Explication de ces formules de saint Augustin. Chapitre XL, p. 321. Sur la fin du chapitre, p. 348. « Saint Augustin admirant aussi bien que le prophète, ces preuves si invincibles de la vérité de notre religion a raison de s’écrier : Praedicta lege ; impleta cerne ; implenda collige. Lisez dans les prophètes les prédictions de Jésus-Christ et de l’Église ; voyez de vos yeux qu’elles sont maintenant accomplies ; croyez fermement après l’accomplissement des premières celles qui restent encore à accomplir ; comme la résurrection des morts et le dernier Jugement ». Les implenda sont donc la résurrection des morts et le jugement dernier.

Belin Christian, La conversation intérieure, La méditation en France au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2002, p. 360 sq. Lecture prophétique de la temporalité.

C’est l’attitude que le fragment Soumission 5 (Laf. 171, Sel. 202) prête aux Juifs de Bérée : Susceperunt verbum cum omni aviditate scrutantes scripturas si ita se haberent.

 

Canonique.

 

Bartmann Bernard, Précis de théologie dogmatique, I, p. 31 sq., et Bouyer L., Dictionnaire théologique, p. 115 sq. Au sens étymologique, le canon désigne une barre de bois, une mesure, une règle, puis une liste, un catalogue. Le mot est appliqué en 350 aux livres de l’Écriture, d’abord au sens passif, parce que sont canoniques les livres accueillis par l’Église dans la collection officielle ; puis au sens actif, dans la mesure où, une fois entrés dans le canon, ces livres deviennent eux-mêmes règle pour la foi. On entend par canon la collection des livres que l’Église a admis officiellement dans la liste des Écritures inspirées et qui ensuite ont servi de règle de vérité et de foi dans l’instruction des fidèles. La canonicité ne rend pas le livre inspiré, mais fait connaître cette inspiration. On distingue dans la canonicité de l’Écriture un double élément, un élément divin et un élément ecclésiastique : les livres sont canoniques parce qu’ils sont inspirés, ils le sont aussi parce qu’ils ont été reconnus. La reconnaissance de l’ensemble des livres inspirés que l’Église, depuis le concile de Trente, propose formellement et exclusivement comme canoniques aux fidèles s’est faite progressivement. Pour l’Ancien Testament, c’est la liste des livres qui se trouvent dans la version des Septante, plus large que celle donnée par les Bibles hébraïques. À cause de cette différence, les livres qui ne sont que dans la Bible grecque ont reçu le nom de deutéro-canoniques ; les réformateurs protestants ne les admettent pas en général. Pour le Nouveau Testament, ce sont les quatre Évangiles, les Actes des apôtres et l’ensemble des Épîtres. Un auteur canonique est un auteur admis dans le canon des Écritures : son livre fait partie de la liste officielle des livres de la Bible, reconnus par l’Église catholique comme inspirés de Dieu. Les hérétiques servent à prouver les canoniques, soit parce que ces adversaires de l’Église confirment le choix des auteurs qu’elle a fait, soit parce qu’en le contestant, ils la conduisent à expliciter les raisons pour lesquelles elle l’a fait.

Les décisions relatives au canon se trouvent dans la session IV du concile de Trente ; voir Conciliorum œcumenicorum decreta, Edizioni Dehoniane, Bologne, 1991, p. 663-666. La liste est donnée p. 663-665, Decretum primum : recipiuntur libri sacri et traditiones apostolorum. Le décret déclare anathème toute personne qui refuse cette liste.

Le mot désigne une décision solennelle de l’autorité ecclésiastique (notamment un concile), qui s’opposait dans les premiers conciles aux nomoi, les lois des empereurs. Le droit canonique est l’ensemble des lois ecclésiastiques. Cependant, dans certains conciles, notamment celui de Trente, certains canons contiennent des règles qui ne relèvent pas de la discipline, mais de la foi, autrement dit des définitions dogmatiques. Voir Jombart Émile, Manuel de droit canon, Paris, Beauchesne, 1949, p. 15 sq.

 

Les hérétiques, au commencement de l’Église servent à prouver les canoniques.

 

Sur la manière dont l’Église catholique réagit aux hérésies dans ses premiers temps, voir Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1968, p. 289 sq.

Philippe Sellier, Pascal et saint Augustin, p. 419-420, mentionne les hérésies des manichéens, qui rejetaient tout l’Ancien Testament et certains passages du Nouveau, et des priscillanistes, qui rejetaient certains livres reconnus par la grande Église et en recevaient d’apocryphes. Saint Augustin a consacré à ces erreurs sa lettre 237-253.

On peut aussi évoquer certaines hérésies qui sont nées dans les premiers temps de l’Église, celles de la Gnose, de Valentin, des carpocratiens, des montanistes, des marcionites.

Sur le Montanisme, voir Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique, p. 155 sq. ; Bouyer L., Dictionnaire théologique, p. 442. Les montanistes enseignaient une incarnation en Montan du Saint-Esprit, insistant sur le renouveau des charismes de Pentecôte qui était censé l’attester. Cela se combinait avec une attente exaltée de la parousie supposée imminente et un rigorisme moral. Tertullien est tombé dans cette erreur à la fin de sa vie.

Sur Marcion et le marcionisme, voir Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique, p. 151 sq. Marcion, né aux environs de 85 dans le Pont, d’origine chrétienne, est rapidement excommunié à cause de ses tendances hérétiques. Il rejette l’Ancien Testament, témoin d’une économie abrogée et dépassée, et annonce l’existence de deux dieux, celui de la Loi, qui est celui de l’Ancien Testament, et celui de l’Évangile, le dieu d’amour prêché par le Christ. En régression dès le milieu du IIIe siècle, le marcionisme disparaît en Occident vers le IVe siècle, et se perpétue un peu plus tard en Orient, pour finir absorbé par le manichéisme.

Sur la Gnose, voir Bouyer L., Dictionnaire théologique, p. 282-284. Nom donné à une série de sectes des premiers siècles qui avaient en commun d’offrir aux fidèles une gnose, c’est-à-dire une connaissance supposée supérieure à celle du judaïsme ou du christianisme orthodoxe, tout en leur empruntant de nombreuses doctrines. Ces hérésies ont deux traits communs : l’affirmation d’un dualisme radical entre le monde des corps et celui des esprits, et pareillement les principes supérieurs qui régissent l’un et l’autre ; et la révélation prétendue de la série des émanations et combinaisons qui, à partir du Dieu bon et du principe mauvais, plus ou moins identifié à la matière, auraient produit le monde actuel. Les gnostiques se targuaient d’une tradition ésotérique. Le gnosticisme, sous ses formes primitives, a disparu vers la fin du IIIe siècle ; mais le manichéisme, avec ses prolongements cathare et bogomile, puis certaines sectes médiévales, jusqu’à l’occultisme de la Renaissance, en sont sous certains aspects des résurgences. Voir pour approfondir Leisegang H., La Gnose.

Sur le manichéisme, voir Decret François, Mani et la tradition manichéenne, Paris, Seuil, 1974, et les écrits de saint Augustin contre les manichéens.

Brunschvicg interprète la pensée de Pascal en ce sens que, « tout en donnant une interprétation erronée des Écritures, les hérétiques s’appuient sur elle, et en attentent ainsi l’autorité ».

Les erreurs des hérétiques ont entraîné une réaction de l’Église, qui a réaffirmé fermement quels livres elle considérait comme canoniques. Sur la réaction de l’Église face aux hérésies dans ses commencements, voir Bartmann Bernard, Précis de théologie dogmatique, I, p. 63. Sur la part prise par saint Augustin dans ce mouvement, voir Philippe Sellier, Pascal et saint Augustin, p. 419 sq.

Le paradoxe de l’existence des hérésies, c’est que, suivant le principe tout sert, même le péché, etiam peccata, elles aussi ont leur utilité : voir saint Augustin, Cité de Dieu, XV, Bibliothèque augustinienne, p. 181, qui cite I Cor. XI, 19, « il faut qu’il y ait des hérésies ». Voir livre XVIII, p. 667 : l’hérésie, cité du diable au sein de l’Église, est utile aux catholiques, d’une part en exerçant leur sagesse, d’autre part en exerçant leur patience, enfin en exerçant leur bienveillance : p. 667. La persécution chrétienne contre les hérétiques doit être selon le cœur et non selon le corps. Pour Augustin, les attaques des hérétiques contraignent les théologiens à examiner de près les Écritures avec une attention d’autant plus grande. L’idée, remarque Ph. Sellier, est devenue commune au XVIIe siècle.

Voir Preuves de Jésus-Christ 10 (Laf. 307, Sel. 338). L’Église a eu autant de peine à montrer que J.-C. était homme, contre ceux qui le niaient qu’à montrer qu’il était Dieu. Et les apparences étaient aussi grandes. Les hérétiques prennent en quelque sorte sur ce point la suite des Juifs. Voir Preuves de Jésus-Christ 9 (Laf. 306, Sel. 337). Les Juifs en éprouvant s’il était Dieu ont montré qu’il était homme.

On reconnaît dans ce passage un type d’argument auquel Pascal recourt souvent : loin que les hérésies fassent contre la religion chrétienne, elles font pour.