Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 23 / 24  – Papier original : RO 57-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 350 p. 163 v° / C2 : p. 194

Éditions de Port-Royal : Chap. XVII - Contre Mahomet : 1669 et janvier 1670 p. 135  / 1678 n° 6 p. 134

Éditions savantes : Faugère II, 335, XLIII / Havet XIX.10 / Michaut 146 / Brunschvicg 600 / Tourneur p. 281-5 / Le Guern 302 / Lafuma 321 / Sellier 352

______________________________________________________________________________________

 

 

Bibliographie

 

 

GROTIUS Hugo, De veritate religionis christianae, 2e éd., Lugduni Batavorum, A. Westeinius, 1629.

HASEKURA Takaharu, Commentaire des Pensées de Pascal (3), L. 208 (1), The proceedings of the department of foreign languages and literatures, College of arts and sciences, University of Tokyo, vol. XXXVIII, n° 2, 1990, p. 77-133.

HASEKURA Takaharu, Commentaire des Pensées de Pascal (6), L. 207, The proceedings of the department of foreign languages and literatures, College of arts and sciences, University of Tokyo, vol. XLI, n° 2, 1993, p. 1-24.

HASEKURA Takaharu, Commentaire des Pensées de Pascal (7), L. 209 (1), The proceedings of the department of foreign languages and literatures, College of arts and sciences, University of Tokyo, vol. XLII, n° 2, 1994, p. 1-18.

HASEKURA Takaharu, Commentaire des Pensées de Pascal (8), L. 209 (2), The proceedings of the department of foreign languages and literatures, College of arts and sciences, University of Tokyo, vol. XLIII, n° 2, 1995, p. 1-10.

HOSSAIN Mary, A false antithesis in Pascal’s Pensées ?, French studies Bulletin, n° 8, Autumn 1 (8).

La Genèse, tr. Sacy, Bruxelles, Frixc, 1700.

MAHOMET, L’Alcoran de Mahomet translaté d’arabe en François, par Du Ryer, Paris, Sommaville, 1647 (nombreuses éditions).

Traité des trois imposteurs, éd. Retat, ch. III, § XXII, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1973, p. 73 sq.

 

 

Éclaircissements

 

Tout homme peut faire ce qu’a fait Mahomet car il n’a point fait de miracles, il n’a point été prédit.

 

Si l’idée de prédiction est bien présente dans Fausseté des autres religions 7 (Laf. 209, Sel. 241-242), celle du miracle n’y est pas. Pascal l’a cependant déjà mentionnée dans le fragment Fondement 20 (Laf. 243, Sel. 276) : La religion mahométane a pour fondement l’Alcoran, et Mahomet. Mais ce prophète qui devait être la dernière attente du monde a-t-il été prédit ? Et quelle marque a-t-il que n’ait aussi tout homme qui se voudra dire prophète ? Quels miracles dit-il lui-même avoir faits ? Quel mystère a-t-il enseigné selon sa tradition même ? Quelle morale et quelle félicité !

Il y esquissait déjà l’argument selon lequel, en dehors des prophètes fondateurs du christianisme, aucun des soi-disant prophètes n’avait été capable d’actions dépassant la mesure humaine, et telles que n’importe qui pourrait les accomplir.

Transition 3 (Laf. 198, Sel. 229). Je vois plusieurs religions contraires et partant toutes fausses, excepté une. Chacune veut être crue par sa propre autorité et menace les incrédules. Je ne les crois donc pas làdessus. Chacun peut dire cela. Chacun peut se dire prophète mais je vois la chrétienne où je trouve des prophéties, et c’est ce que chacun ne peut pas faire.

On a donc ici affaire à un de ces motifs quasi musicaux, qui apparaissent sous des formes différentes en plusieurs moments successifs du plan d’apologie.

Que les miracles de Mahomet n’aient été que des impostures réalisées par des moyens purement humains, Pascal pouvait trouver l’idée chez Grotius.

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, VI, § V. Les miracles de Mahomet sont de ceux qui peuvent être faits par des artifices humains, ut de columba ad aurem advolante, aut quorum nulli sunt testes, ut de camelo noctu ei locuto. « Examinons ensuite les actions de l’un et de l’autre. Jésus-Christ a rendu la vue aux aveugles, et la santé aux malades ; il a fait marcher les boiteux ; il a fait revivre des personnes mortes, et Mahomet en tombe d’accord ; Mahomet donne pour preuves de sa Mission, non le pouvoir de faire des miracles, mais l’heureux succès de ses armes. Quelques-uns néanmoins de ses disciples ont prétendu qu’il en avait fait. Mais c’étaient, ou des choses que l’art seul pouvait produire, comme ce qu’ils disent d’un pigeon qui volait à son oreille ; ou des choses dont ils ne citent aucuns témoins, par exemple, qu’un chameau lui parlait de nuit ; ou qui, enfin, sont si absurdes qu’il ne faut que les proposer pour en faire voir l’extravagance, comme ce que les mêmes auteurs rapportent, qu’une grande partie de la Lune étant tombée dans sa manche, il la renvoya au Ciel pour rendre à cet astre la rondeur qu’il avait perdue. Là-dessus, qui ne prononcera que l’on doit s’en tenir à celle de ces deux lois qui a de son côté les témoignages les plus certains de l’approbation divine ? »      

Pensées, éd. Havet, II, p. 45. Passage du Coran, XVII, Voyage de nuit, tr. Du Ryer, 1647, sur les miracles de Mahomet. Mahomet ne dit pas lui-même avoir fait des miracles, mais les siens n’ont pas manqué de lui en attribuer.

Naudé Gabriel, Considérations politiques sur les coups d’État, Ch. 3, éd. L. Marin, Éditions de Paris, 1988, p. 113-114, Naudé se moque de ce qu’allègue Mahomet « de l’ange Gabriel, lequel lui venait souvent chuchoter à l’oreille sous la forme d’un pigeon ». Au même chapitre, p. 114 sq., il mentionne l’anecdote selon laquelle Mahomet « fit cacher un de ses compagnons sous terre pour crier par le moyen d’une sarbacane, quand il l’entendrait passer accompagné d’ une grande multitude de peuple, que Mahomet était le grand prophète envoyé du Dieu vivant, ce qu’il fit avec autant d’industrie qu’il en eut une mauvaise récompense, car Mahomet voulant faire en sorte que la tromperie de ce miracle ne fît jamais découverte, pria tous ceux qui l’assistaient, de marquer le lieu où ils avaient eu une révélation si notable, en y amassant un gros merger et tas de pierre, ce qu’ ils firent incontinent avec une telle dévotion que ce pauvre ange souterrain ». Merger : tas de pierres provenant de l’épierrement d’un sol.

Couton Georges, “Libertinage et apologétique : les Pensées de Pascal contre la thèse des trois imposteurs”, XVIIe Siècle, n° 127, avril-juin 1980, p.181-196. Voir p. 189.

Le raisonnement répond à la définition pascalienne du miracle : ce que Jésus-Christ a fait dépasse la mesure de l’humanité, donc cela relève du miracle.

Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, 1977. Pascal définit le miracle non pas comme un phénomène qui dépasse toutes les forces de la nature, mais comme un fait qui dépasse les moyens que l’on y emploie.

 

 Nul homme ne peut faire ce qu’a fait Jésus-Christ.

 

Pascal pense sans doute aux miracles, à l’agonie, à la crucifixion, et surtout à la résurrection, mais aussi à de grandes actions qui ont paru petites au monde. Voir Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339). J.-C. sans biens, et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n’a point donné d’inventions. Il n’a point régné, mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Ô qu’il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur et qui voient la sagesse. [...] Qu’on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l’élection des siens, dans leur abandonnement, dans sa secrète résurrection et dans le reste. On la verra si grande qu’on n’aura pas sujet de se scandaliser d’une bassesse qui n’y est pas.