Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 4 / 24  – Papier original : RO 59-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 336 p. 157 / C2 : p. 187-188

Éditions de Port-Royal : Chap. XV - Preuves de Jésus-Christ par les prophéties : 1669 et janvier 1670 p. 117  / 1678 n° 5 p. 117

Éditions savantes : Faugère II, 277, XIX / Havet XVIII.5 / Brunschvicg 772 / Tourneur p. 276-4 / Le Guern 283 / Lafuma 301 / Sellier 332

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Bibliographie

 

 

ARNAULD Antoine, Le renversement de la morale de Jésus-Christ par les erreurs des Calvinistes touchant la justification, Paris, Desprez, 1672.

Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, art. Thérapeutes, Paris, Cerf, 1993.

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 439 sq.

EUSÈBE DE CÉSARÉE, Histoire ecclésiastique, II, XVII, éd. Gustave Bardy, Sources chrétiennes, Paris, Cerf, 2001.

HAVET Ernest, éd. des Pensées, II, Delagrave, 1866.

PHILON, De la vie contemplative ou des vertus des personnes dévotes, in Œuvres de Philon Juif, auteur très éloquent et philosophe très grave, contenant l’exposition littérale et morale des livres sacrés de Moïse et des autres prophètes, et de plusieurs divins mystères, pour l’instruction d’un chacun en la piété et aux bonnes mœurs, I, translatées en français sur l’original grec, revues et corrigées de nouveau, et augmentées d’un 2e tome, dédiées au Roi très chrétien Louis XIII, par Fédéric Morel, Paris, chez Jacques Bessin, au Mont-Saint-Hilaire, à la cour d’Albret, 1619, 2 vol.

SELLIER Philippe, Pascal et la liturgie, Paris, Presses Universitaires de France, 1966.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

 

 

Éclaircissements

 

Sainteté.

 

Effundam spiritum meum.

 

Joël, II, 28 : « Et erit post haec effundam spiritum meum super omnem carnem, et prophetabunt filii vestri et filiae vestrae, senes vestri somnia somniabunt et juvenes vestri visiones videbunt ». Traduction de la Bible de Sacy : « Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront ; vos vieillards seront instruits par des songes, et vos jeunes gens auront des visions ». Commentaire de la Bible de Port-Royal : « Cette prophétie est l’une des plus claires et des plus indubitables de la loi nouvelle, le Saint-Esprit ayant récit » ces propres paroles par la bouche de saint Pierre en sa première prédication [Act. 2, v. 17], pour prouver aux Juifs que ce qu’ils voyaient arriver lorsqu’il descendit sur les Apôtres et sur les disciples en forme de feu, et qu’il les fit parler diverses langues sans en avoir jamais appris aucune, avait été prédit clairement par ce prophète, près de huit cents ans avant Jésus-Christ.

Joël donc marque l’établissement de l’Église, en disant que ses enfants seraient pleins de l’Esprit de Dieu, et prophétiseraient ; comme Moïse semble l’avoir eu dans l’esprit, lorsque reprenant Josué, qui le priait d’empêcher de prophétiser deux de ces septante-deux personnes, qui devaient être sous Moïse les juges du peuple, il lui répondit avec autant de lumière que d’humilité [Nomb. 11, v. 19], Pourquoi vous intéressez-vous pour mon honneur particulier ? Plût à Dieu que tout le peuple prophétisât, et que Dieu leur donnât à tous son Esprit !, marquant ainsi quinze cents ans auparavant ce qui est arrivé, lorsqu’à la naissance de l’Église tous les fidèles ont été remplis du Saint-Esprit.

Je répandrai, dit-il, mon Esprit, non plus comme autrefois sur quelques prophètes, qui paraissaient rarement et de temps en temps, mais sur toute chair, c’est-à-dire sur tous les hommes, Juifs ou Gentils, sans distinction ni de sexes, ni d’âge, ni de pays. C’est pourquoi il ajoute : Vos fils et vos filles prophétiseront. Car on voit dans les Actes [Act. 11, v. 21], que plusieurs prophètes se trouvaient en même temps dans l’Église d’Antioche. Et il y en avait un si grand nombre dans celle de Corinthe, que saint Paul fut obligé de prescrire la manière en laquelle ils devaient prophétiser l’un après l’autre, pour ne point troubler l’ordre de l’Église [I Cor. 14, v. 29]. Il est marqué aussi dans les Actes, que les quatre filles de Philippe Diacre étaient prophétesses. »

Sellier Philippe, Pascal et la liturgie, p. 29. Ce texte se trouve au début de la première lecture du samedi des Quatre-Temps de la Pentecôte.

 

Tous les peuples étaient dans l’infidélité et dans la concupiscence, toute la terre fut ardente de charité : les princes quittent leurs grandeurs, les filles souffrent le martyre. D’où vient cette force ? C’est que le Messie est arrivé. Voilà l’effet et les marques de sa venue.

 

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 448. Pascal considère que l’avènement du Messie fut marqué par un accroissement soudain du nombre des élus. Il ne lie pas ce changement à la réussite d’une pédagogie de Dieu, mais à la seule réalisation des prophéties annonçant la conversion de l’univers.

Conclusion 6 (Laf. 382, Sel. 414). Ceux que nous voyons chrétiens sans la connaissance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance. Ils en jugent par le cœur comme les autres en jugent par l’esprit. C’est Dieu lui-même qui les incline à croire et ainsi ils sont très efficacement persuadés.

J’avoue bien qu’un de ces chrétiens qui croient sans preuves n’aura peut-être pas de quoi convaincre un infidèle, qui en dira autant de soi, mais ceux qui savent les preuves de la religion prouveront sans difficulté que ce fidèle est véritablement inspiré de Dieu, quoiqu’il ne peut le prouver lui-même.

Car Dieu ayant dit dans ses prophètes, (qui sont indubitablement prophètes) que dans le règne de J.-C. il répandrait son esprit sur les nations et que les fils, les filles et les enfants de l’Église prophétiseraient, il est sans doute que l’esprit de Dieu est sur ceux-là et qu’il n’est point sur les autres.

Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370). Prédictions. Qu’en la 4e monarchie, avant la destruction du 2e temple, avant que la domination des Juifs fût ôtée en la 70e semaine de Daniel, pendant la durée du 2e temple les païens seraient instruits et amenés à la connaissance du Dieu adoré par les Juifs, que ceux qui l’aiment seraient délivrés de leurs ennemis, remplis de sa crainte et de son amour.

Et il est arrivé qu’en la 4e monarchie avant la destruction du 2e temple, etc. les païens en foule adorent Dieu et mènent une vie angélique.

Les filles consacrent à Dieu leur virginité et leur vie, les hommes renoncent à tous plaisirs. Ce que Platon n’a pu persuader à quelque peu d’hommes choisis et si instruits une force secrète le persuade à cent milliers d’hommes ignorants, par la vertu de peu de paroles.

Les riches quittent leurs biens, les enfants quittent la maison délicate de leurs pères pour aller dans l’austérité d’un désert, etc. Voyez Philon juif.

Qu’est-ce que tout cela ? c’est ce qui a été prédit si longtemps auparavant ; depuis 2.000 années aucun païen n’avait adoré le Dieu des Juifs et dans le temps prédit la foule des païens adore cet unique Dieu. Les temples sont détruits, les rois mêmes se soumettent à la croix. Qu’est-ce que tout cela ? C’est l’esprit de Dieu qui est répandu sur la terre.

Nul païen depuis Moïse jusqu’à J.-C. selon les rabbins mêmes ; la foule des païens après J.-C. croit les livres de Moïse et en observe l’essence et l’esprit et n’en rejette que l’inutile.

Arnauld Antoine, Le renversement de la morale de Jésus-Christ, p. 30 sq. Il y a eu surabondance de l’Esprit de Dieu au moment où les Évangiles ont été annoncés. Différence entre l’Église de Jérusalem et les Églises des Gentils dans cette perfection : p. 31. C’est la marque du doigt de Dieu. L’Apologie de Justin déclare aux empereurs la volonté des chrétiens de « suivre uniquement le Dieu éternel et incréé sur les traces de son Fils » : p. 31 sq. « L’odeur de la sainteté des premiers fidèles a été après les miracles des prédicateurs de l’Évangile, un des plus grands moyens dont Dieu s’es servi pour faire recevoir par toute la terre la foi de son fils » ; les convertis ont surtout été attirés par la sainteté de la vie des fidèles de cette époque, plus que par les miracles : p. 32. « Ce n’est pas que le diable ne fît tous ses effets pour décrier l’innocence de ces premiers fidèles, comme il paraît par les calomnies qu’on répandait d’eux partout, pour rendre leurs assemblées suspectes de crimes horribles » ; mais ces mensonges étaient évidents aux yeux des païens de bonne foi : p. 33. Ce qui pouvait à l’époque « contribuer à donner une idée avantageuse de la vertu des chrétiens » se réduit à trois chefs :

1. la résolution de se priver des plaisirs et de chercher les mortifications, notamment chez les vierges, p. 34-35.

2. l’exemption des crimes, surtout ceux qui blessent la pureté : p. 35.

3. la patience dans les persécutions : p. 38.

Sur les solitaires dans les déserts, voir p. 39. « Au même temps que le monde, pour ainsi dire, se répandait dans l’Église par la conversion des empereurs, Dieu a inspiré à une infinité de bonnes âmes, pour se garantir plus facilement de la contagion de la multitude, d’aller peupler les déserts, et d’y faire à Jésus-Christ comme un nouveau peuple qui suivît plus exactement les règles de son Évangile. [...] La sainteté de l’Église pouvait-elle paraître avec plus d’éclat que dans celle de ces admirables solitaires de l’Égypte, du Pont, de la Palestine, et de tant d’autres endroits, qui ayant quitté » les plaisirs du monde après les avoir méprisés, vivaient en commun d’une vie toute chaste, et toute sainte, qui employaient le temps à prier, à lire, à conférer ensemble, qui n’étaient jamais ni enflés d’orgueil, ni agités de troubles, ni portés d’envie, mais toujours modestes, toujours humbles, toujours tranquilles, qui vivaient dans une parfaite union, et dans une perpétuelle contemplation des grandeurs divines, et offraient à Dieu comme un sacrifice agréable tous les dons et toutes les grâces qu’ils avaient reçues de sa libéralité [Aug. De morib. Eccl. Cath. c. 31] ». Arnauld ajoute que la Réforme est une caricature de cet accroissement de l’Esprit : les Protestants, les moines et les religieuses : p. 40 sq. Il n’y a pas eu d’effusion de l’Esprit dans les premiers temps de la Réforme : p. 43.

Texte à rapprocher de Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, Pléiade, p. 863, sur les progrès de la religion de Jésus et les changements moraux qu’ils entraînent.

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 22-23. Cette note renvoie à De la vie contemplative, où Philon d’Alexandrie parle de la secte juive des Thérapeutes, mais Pascal suit la pensée de plusieurs Pères, qui ont soutenu que les Thérapeutes étaient des chrétiens.

Sur les thérapeutes, voir le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, art. Thérapeutes, p. 1122-1123. Nom donné à une secte semi-monastique du premier siècle qui se consacrait à la vie méditative, à l’étude de l’Écriture sainte et à la prière. Le groupe, composé d’hommes et de femmes, était important dans les environs d’Alexandrie. Les renseignements que nous possédons sur ces ascètes sont principalement dus à Philon.

Philon, De la vie contemplative ou des vertus des personnes dévotes, in Œuvres, I, p. 820 sq. Les “Médecins ou ministres”, p. 821. En note : therapeutai. Ils « étaient anciennement comme Moines, qui se retiraient es lieux solitaires pour vaquer à la Philosophie ». Philosophes qui « font profession d’une médecine meilleurs que n’est celle qui est éventée par les villes » ; qui guérit non seulement le corps, mais les vices de l’âme. Ils veulent « faire service à l’Essence divine ». Voir p. 823 sq. : « les Thérapeutiques et médecins qui guérissent les maladies de l’âme, adorant un seul Dieu, apprenant tous les jours à voir clair, et à contempler Dieu, en surpassant ce soleil visible, et ne délaissant jamais le train qui mène droit à la parfaite félicité ». Voir p. 823-824 : ils ne sont pas obéissants à une coutume, mais entraînés par l’amour céleste.

Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, II, XVII, éd. Gustave Bardy, Sources chrétiennes, Paris, Cerf, 2001, p. 72 sq. Ce que Philon raconte des ascètes d’Égypte. Philon les appelle thérapeutes « et les femmes qui vivent avec eux thérapeutrides » : p. 73. « Il indique les raisons de cette désignation : elle vient soit de ce qu’ils soignent et guérissent les âmes de ceux qui viennent à eux, les délivrant à la manière des médecins, des souffrances causées par la méchanceté, soit de ce qu’ils rendent des soins et des adorations chastes et purs à la divinité ». Renonçant à leurs biens et à leur parenté, ils vivent dans les champs et les jardins, hors les murs des villes, imitant la vie des disciples des Apôtres. « L’intervalle entre l’aurore et le soir est tout entier pour eux une ascèse. Ils lisent en effet les saintes Lettres et philosophent sur la sagesse des ancêtres, en en faisant l’allégorie ; car ils pensent que les mots sont des symboles de la nature cachée qui se découvre dans les interprétations allégoriques ». « Tout cela paraît donc avoir été dit par un homme qui les a entendu expliquer les saintes Écritures », et leurs livres sont peut-être les Évangiles et les écrits des Apôtres : p. 75. Eusèbe les identifie à des chrétiens : p. 76. Les femmes : Philon « dit en effet qu’avec les hommes dont nous parlons se rencontrent aussi des femmes, dont la plupart, arrivées à la vieillesse, sont vierges : elles ont gardé la chasteté, non par nécessité comme certaines prêtresses grecques, mais par libre choix, par le désir et le zèle de la sagesse, avec laquelle elles s’efforcent de vivre en renonçant aux plaisirs du corps ».