Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 5 / 24 – Papier original : RO 41-3
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 337 p. 157 / C2 : p. 188
Éditions savantes : Faugère II, 234, XXVIII / Brunschvicg 809 / Tourneur p. 276-5 / Le Guern 284 / Lafuma 302 / Sellier 333
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Bibliographie ✍
ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 443 sq. MEURILLON Christian, “Les combinaisons pascaliennes ou les avatars de la pensée ternaire”, Equinoxe, 6, Rinsen Books, Kyoto, 1990, p.49-68. SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977. |
✧ Éclaircissements
Les combinaisons des miracles.
La signification de cette note demeure énigmatique. Les éditeurs s’abstiennent en général prudemment d’en proposer un commentaire. T. Shiokawa ne semble pas avoir abordé cette note fugitive dans son livre Pascal et les miracles. Pol Ernst avoue qu’il n’y a rien à en tirer.
La place du fragment dans la liasse Preuves de Jésus-Christ suggère que Pascal pense aux miracles du Christ.
Les combinaisons sont un objet mathématique, que Pascal a traité dans le Triangle arithmétique (OC II, éd. J. Mesnard, p. 1232 et 1302) Mais il y indique expressément que ce terme a plusieurs sens, selon les auteurs, et la Lettre à Carcavy montre qu’il ne l’entend pas en un sens étroit (OC IV, p. 430) : combinaison désigne toute manière de prendre des éléments dans un ensemble. La somme triangulaire de plusieurs objets est en ce sens une combinaison. Il n’est donc pas possible de déterminer exactement en quel sens précis Pascal entend le mot combinaison dans ce fragment.
Il est cependant possible de formuler des remarques qu’une étude approfondie permettrait d’infirmer ou de confirmer. Pascal présente souvent la vie du Christ en soulignant des oppositions qui combinent des éléments différents ou contraires, afin d’en dégager la signification spirituelle ou théologique. C’est le cas, par exemple, dans les deux fragments suivants.
Laf. 560, Sel. 467 : Sépulcre de J. C.
J. C. était mort mais vu sur la croix. Il est mort et caché dans le sépulcre.
J. C. n’a été enseveli que par des saints.
J. C. n’a fait aucun miracle au sépulcre.
Il n’y a que des saints qui y entrent.
C’est là où J. C. prend une vie nouvelle, non sur la croix.
C’est le dernier mystère de la Passion et de la Rédemption.
J. C. enseigne vivant, mort, enseveli, ressuscité.
J. C. n’a point eu où se reposer sur la terre qu’au sépulcre.
Ses ennemis n’ont cessé de le travailler qu’au sépulcre.
Voir aussi le Mystère de Jésus, Pensée n° 6F (Laf. 919, Sel. 749). Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit.
Je crois que Jésus ne s’est jamais plaint que cette seule fois. Mais alors il se plaint comme s’il n’eût plus pu contenir sa douleur excessive. Mon âme est triste jusqu’à la mort.
Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes.
Cela est unique en toute sa vie ce me semble, mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment.
Dans ces fragments, Pascal examine la vie et la personne du Christ dans les diverses circonstances en les comparant, pour marquer les différences significatives qui permettent de mieux comprendre le sens de sa prédication et de son sacrifice. C’est aussi ce qu’il fait dans l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ (OC III, éd. J. Mesnard, p. 248 sq.).
Pascal envisageait peut-être de procéder de même avec les miracles du Christ, soulignant les concordances et les oppositions selon les circonstances, pour en tirer une instruction théologique. Certains fragments relatifs aux miracles revêtent visiblement un aspect combinatoire.
Miracles III (Laf. 903, Sel. 450). L’histoire de l’aveugle-né.
Que dit saint Paul ? dit-il le rapport des prophéties à toute heure ? non, mais son miracle.
Que dit J.-C. ? dit-il le rapport des prophéties ? non, sa mort ne les avait pas accomplies, mais il dit : si non fecissem, croyez aux œuvres.
Deux fondements surnaturels de notre religion toute surnaturelle, l’un visible, l’autre invisible.
Miracles avec la grâce, miracles sans grâce.
Miracles II (Laf. 840, Sel. 428). Quand donc on voit les miracles et la doctrine non suspecte tout ensemble d’un côté il n’y a pas de difficulté, mais quand on voit les miracles et une doctrine suspecte d’un même côté, alors il faut voir quel est le plus clair. J.-C. était suspect.
Ces comparaisons permettent de marquer des rapports de sens entre les différents miracles.
Miracles I (Laf. 831, Sel. 420). Le second miracle peut supposer le premier ; le premier ne peut supposer le second.
Certains fragments revêtent une forme qui paraît esquisser une combinatoire.
Miracles II (Laf. 843, Sel. 427). Il y a bien de la différence entre n’être pas pour J.-C. et le dire, ou n’être point pour J.-C. et feindre d’en être. Les uns peuvent faire des miracles non les autres, car il est clair des uns qu’ils sont contre la vérité, non des autres. Et ainsi les miracles sont plus clairs.
On reconstitue dans ce fragment, par exemple, les combinaisons suivantes :
N’être pas pour Jésus-Christ |
Le dire |
Pas de miracles |
N’être pas pour Jésus-Christ |
Feindre d’en être |
Possibilité de miracle |
Toutefois, la brièveté du fragment interdit, dans l’état actuel des connaissances, de s’avancer davantage.