Fragment Misère n° 9 / 24 – Papiers originaux : RO 69-1 et 365-365 v°
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Misère n° 83 à 87 p. 15 v° à 19 / C2 : p. 35 à 37
Éditions de Port-Royal : Chap. XXV - Faiblesse de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 192-193 / 1678 n° 5 et 6 p. 188-189
Éditions savantes : Faugère II, 126, IV / Havet III.8 / Michaut 193 / Brunschvicg 294 / Tourneur p. 182-1 / Le Guern 56 / Maeda III p. 4 / Lafuma 60 / Sellier 94
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(Voir aussi les textes barrés)
Transcription savante (origine : Recueil des originaux - Nous ne reproduisons pas l’accolade)
RO p. 366 (365 verso)
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 l’oreille a ces discours,  des grands  joug  qu’ a sa ruine, & a celle de ces curieux examinateurs              souvent les piper, & un autre bon politique, Cum veritatem quâ liberetur ignoret, expedit quod fallatur. Il ne sente      faut pas qu’il                 elle a esté                                             elle           devenu[e] 7 raisonnable      regarder comme  en cacher le ne     &  fin. 
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Notes
1 L. Brunschvicg : « les... » ; Z. Tourneur et Y. Maeda : « et les peupl » ; L. Lafuma : « et les peuples ».
2 P. Faugère : « fonds ».
3 P. Faugère puis E. Havet et G. Michaut ajoutent une glose proposée par l’édition de Port-Royal : « Mais par un défaut contraire, les hommes croyent quelquefois pouvoir faire avec justice tout ce qui n’est pas sans exemple. ».
4 L. Brunschvicg : « politiques » ; Z. Tourneur, Y. Maeda et L. Lafuma : « politi ».
5 M. Le Guern transcrit : « le plus sage législateur ».
6 Z. Tourneur et Y. Maeda : « peuple » (du peuple ?) ; L. Lafuma : « peuples ».
7 Y. Maeda signale que le manuscrit porte « devenu » (sans e final).
8 Éd. Lafuma 1951 : oublié dans l’édition puis corrigé en errata.
9 L. Brunschvicg : « origine » ; Z. Tourneur et Y. Maeda : « ori » ; L. Lafuma : « cri ».
10 G. Michaut : « l’on ».
11 Les Copies C1 et C2 oublient « ne ».
Premières éditions et copies des XVIIe - XVIIIe siècles et du début du XIXe
Port-Royal n’a retenu qu’une petite partie de ce fragment.
La copie Périer reproduit le texte non retenu dans l’édition p. 109 à 110 v° : (en rouge : les différences avec les copies C1 et C2)
Sur quoi se fondera‑t’il ? L’Economie du monde qu’il veut gouverner. Sera ce sur le caprice de chaque particulier ? quelle confusion ? Sera ce sur la justice ? Il l’ignore certainement. S’il la connoissoit, il n’auroit pas établi cette maxime la plus générale de toutes celles qui sont parmi les homes, que chacun suive les mœurs de son pais, l’éclat de la véritable équité auroit assujetti tous les peuples et les Legislateurs n’auroient pas pris pour modelle au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et des allemands ; on la verroit plantée par tous les Etats du monde et dans tous les temps.
Le Larcin, l’inceste, le meurtre des Enfans et des Peres tout a eu sa place entre les actions vertueuses. Se peut il rien de plus plaisant qu’un homme ait droit de me tuer, parcequ’il demeure au delà de l’eau, et que son Prince a querelle contre le mien, quoique je n’en aie aucune avec lui.
Il y a sans doute des loix naturelles : mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. Nihil amplius nostrum est, quod nostrum dicimus artis est ex senatus consultis et plebis-scitis crimina exercentur ut olim vitiis, sic nunc legibus nostris laboramus.
De cette confusion arrive que l’un dit que l’essence de la justice est l’autorité du legislateur. l’autre la commodité du souverain, l’autre la coutume présente, et c’est le plus sur rien suivant la seule raison n’est juste de soi, tout branle avec le tems. La coutume fait toute l’Equité par cette seule raison qu’elle est recuë, c’est le fondement unique de son autorité qui l’a ramenée à son principe rien n’est si fautif que ces loix qui redressent les fautes. Qui leur obéit parce qu’elles sont justes obéit à la justice qu’il imagine mais non pas à l’essence de la loi. Elle est toute ramassée en soi. Elle est loi et rien davantage. Qui voudra en examiner le motif le trouvera si foible et si leger que s’il n’est accoutumé à contempler les prodiges de l’imagination humaine il admirera siècle lui ait tant aquis de pompe et de révérence. Le plus sage des legislateurs disoit que pour le bien des hommes, il faut souvent les piper ; et un autre bon Politique, cum veritatem quâ liberetur ignoret expedit quod fallatur. Il ne faut pas qu’il sente la vérité de l’usurpation. Elle a été établie autresfois sans raison, Elle est devenue raisonnable. Il faut la faire regarder comme authentique, éternelle ; en cacher le commencement, si on ne veut qu’elle ne prenne bientôt fin.
Ils confessent que la justice n’est pas dans ces coutumes mais qu’elle réside dans les loix naturelles communes en tout païs. Certainement ils le soutiendront opiniatrément. Si la témérité du hazard qui a semé les loix humaines en avoit rencontré au moins une qui fut universelle. Mais la plaisanterie est telle que le caprice des hommes s’est si bien diversifié qu’il n’y en a point.
Certaines parties de ces textes ont été publiées par la suite à partir de la copie Périer :
Le père Pierre Nicolas Desmolets (1728), p. 308, en publie deux parties :
Sur quoi la fondera-t-il l’œconomie du monde qu’il veut gouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ? Quelle confusion ! Sera-ce sur la justice ? Il l’ignore certainement ! S’il la connoissoit, il n’auroit pas établi cette maxime la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes : Que chacun suive les mœurs de son Païs. L’éclat de la véritable équité auroit assujetti tous les peuples. Et les Législateurs n’auroient pas pris pour modéle au lieu de cette justice constante les fantaisies & les caprices des Perses & des Allemands. On la verroit plantée dans tous les Etats du monde & dans tous les tems.
Se peut-il rien de plus plaisant qu’un homme ait droit de me tüer, parcequ’il demeure au-delà de l’eau, & que son Prince a querelle contre le mien, quoique je n’en aïe aucune avec lui.
J.-A.-N. Condorcet (1776) dans l’article V, n° 13 et 21 republie en partie ceux de Desmolets et ajoute d’autres textes :
Certainement l’homme ignore la justice ; s’il la connaissait, il n’aurait pas établi cette maxime la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacun suive les mœurs de son pays ; l’éclat de la véritable équité aurait assujetti tous les peuples, et les Legislateurs n’auraient pas pris pour modele, au-lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et des Allemands, on la verrait plantée par tous les Etats du monde, et dans tous les temps.
Le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants et des peres, tout a eu sa place entre les actions vertueuses ; se peut-il rien de plus plaisant qu’un homme ait droit de me tuer, parce qu’il demeure au-delà de l’eau, et que son Prince a querelle contre le mien, quoique je n’en aie aucune avec lui.
Il y a sans doute des loix naturelles : mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. Nihil amplius nostri est, quod nostrum dicimus artis est ; ex Senatus consultis et plebiscitis crimina exercentur ; ut olim vitiis, sic nunc legibus nostris laboramus.
De cette confusion, arrive que l’un dit : que l’essence de la justice est l’autorité du Législateur, l’autre la commodité du Souverain, l’autre la coutume présente, et c’est le plus sûr ; rien, suivant la seule raison, n’est juste de soi, tout branle avec le temps. La coutume fait toute l’équité, par cette seule raison, qu’elle est reçue ; c’est le fondement unique de son autorité qui l’a ramenée à son principe .
Rien n’est si fautif que ces loix qui redressent les fautes ; qui leur obéit, parce qu’elles sont justes, obéit à la justice qu’il imagine, mais non pas à l’essence de la loi : elle est toute ramassée en soi ; elle est loi, et rien davantage. Qui voudra en examiner le motif, le trouvera si faible et si léger, que, s’il n’est accoutumé à contempler les prodiges de l’imagination humaine, il admirera que quelques siècles lui aient tant acquis de pompe et de révérence.
Le plus sage des Législateurs, disait que, pour le bien des hommes, il faut souvent les piper, et un autre bon politique, cum veritatem quâ liberetur ignoret, expedit quod fallatur. Il ne faut pas qu’il sente la vérité de l’usurpation. Elle a été établie autrefois sans raison ; elle est devenue raisonnable. Il faut la faire regarder comme authentique, éternelle ; en cacher le commencement, si on ne veut qu’elle prenne bientôt fin.
Ce même texte a ensuite été modifié et reproduit par Ch. Bossut (1779) p. 117 et 79, t. II, partie I, articles IX, n° 5 et VI, n° 9 :
Si l’homme connaissait réellement la justice, il n’aurait pas établi cette maxime, la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes : que chacun suive les mœurs de son pays. L’éclat de la véritable équité aurait assujetti tous les peuples. Et les législateurs n’auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et des Allemands. On la verrait plantée par tous les États du monde et dans tous les temps. Le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place entre les actions vertueuses. Se peut‑il rien de plus plaisant qu’un homme ait droit de me tuer parce qu’il demeure au‑delà de l’eau et que son prince a querelle avec le mien, quoique je n’en aie aucune avec lui ?
Il y a sans doute des lois naturelles, mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. Nihil amplius nostrum est, quod nostrum dicimus artis est. Ex senatusconsultis et plebiscitis crimina exercentur. Ut olim vitiis sic nunc legibus laboramus.
De cette confusion arrive que l’un dit que l’essence de la justice est l’autorité du législateur, l’autre la commodité du souverain, l’autre la coutume présente. Et c’est le plus sûr. Rien, suivant la seule raison, n’est juste de soi, tout branle avec le temps. La coutume fait toute l’équité, par cela seul qu’elle est reçue. C’est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe l’anéantit. Rien n’est si fautif que ces lois qui redressent les fautes. Qui leur obéit parce qu’elles sont justes, obéit à la justice qu’il imagine, mais non pas à l’essence de la loi. Elle est toute ramassée en soi, elle est loi et rien davantage. Qui voudra en examiner le motif le trouvera si faible et si léger que s’il n’est accoutumé à contempler les prodiges de l’imagination humaine, il admirera qu’un siècle lui ait tant acquis de pompe et de révérence.
C’est pourquoi le plus sage des législateurs disait que pour le bien des hommes il faut souvent les piper. Et un autre bon politique : Cum veritatem qua liberetur ignoret, expedit quod fallatur. Il ne faut pas qu’il sente la vérité de l’usurpation. Elle a été introduite autrefois sans raison, elle est devenue raisonnable. Il faut la faire regarder comme authentique, éternelle et en cacher le commencement si on ne veut qu’elle prenne bientôt fin.
Bossut ajoute un paragraphe déjà publié dans l’édition de Port-Royal mais en le révisant par rapport à la Copie C2, Copie qui lui avait été prêtée par M. Guerrier de Bezance qui en avait hérité de Pierre Guerrier en 1773 :
L’art de , bouleverser les États est d’ébranler les coutumes établies en sondant jusque dans leur source pour marquer leur défaut d’autorité et de justice. Il faut, dit‑on, recourir aux lois fondamentales et primitives de l’État, qu’une coutume injuste a abolies. Et C’est un jeu sûr pour tout perdre, rien ne sera juste à cette balance. Cependant le peuple prête aisément l’oreille à ces discours. Il secoue le joug dès qu’il le reconnaît, et les Grands en profitent à sa ruine et à celle de ces curieux examinateurs des coutumes reçues.
A. Renouard (1812) a publié les textes de Bossut p. 120, partie I, article IV, n° IX, et p. 164, partie I, article IX, n° V.
Autres copies : la copie de l’oratoire de Troyes retranscrit une phrase p. 58 dans la partie intitulée Extrait du Manuscrit de M. l’abbé Perier son neveu. Cette phrase avait été publiée par Desmolets :
Se peut’il rien de plus plaisant qu’un homme ait droit de me tuer, parcequ’il demeure audelà de l’eau, et que Son prince a querelle contre le mien, quoique je n’en aye aucune avec luy.