Fragment Morale chrétienne n° 16 / 25  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Morale n° 364 p. 179-179 v° / C2 : p. 212

Éditions savantes : Michaut 894 / Brunschvicg 747 ter / Le Guern 347 / Lafuma 366 / Sellier 398 et 399

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Bibliographie

 

 

Voir Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318).

 

MESNARD Jean, “Pourquoi les Pensées de Pascal se présentent-elles sous forme de fragments ?”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 363-370.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993, p. 402 sq.

THIROUIN Laurent, “Pascal et la superstition”, in LOPEZ Denis, MAZOUER Charles et SUIRE Éric, La religion des élites au XVIIe siècle, Biblio 17, 175, Tübingen, Gunter Narr verlag, 2008, p. 237-256.

 

 

Éclaircissements

 

Deux sortes d’hommes en chaque religion.

Voyez Perpétuité.

 

Les deux sortes d’hommes qui se trouvent dans chaque religion constituent l’un de ces thèmes récurrents qui, comme des motifs musicaux, réapparaissent en différents endroits des Pensées, et établissent des liens entre les différentes liasses et les moments successifs de l’argumentation. Ce type de fragment, malgré son caractère elliptique, est donc riche en enseignements sur la manière dont Pascal concevait la structure de son ouvrage. Jean Mesnard a étudié cette méthode de travail qui procède par élaboration séparée de noyaux distincts, qui sont mis en ordre dans la seconde étape du travail de rédaction.

Voir Mesnard Jean, “Pourquoi les Pensées de Pascal se présentent-elles sous forme de fragments ?”, p. 363-370.

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 402 sq.

Cependant, à chaque occurrence, un thème apparaît avec un éclairage différent.

Les deux sortes d’hommes ont été évoquées une première fois dans la liasse Soumission, avec le même renvoi à la liasse Perpétuité que dans le présent fragment. C’est dans Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318) que Pascal a expliqué en détail ce qu’il entend par ces deux sortes d’hommes, les spirituels et les charnels. Voir l’analyse détaillée de ce fragment.

Pourquoi Pascal trouve-t-il nécessaire de revenir sur ce thème dans Morale chrétienne ?

La distinction de ces deux sortes d’hommes est ici considérée dans le contexte proprement chrétien, et non plus dans son aspect le plus général, comme dans Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318). Dans le fragment Morale chrétienne 17 (Laf. 367, Sel. 400), par exemple, c’est le refus du formalisme judaïque chez les Apôtres, premiers disciples du Christ, qui est envisagé. De même, dans le fragment suivant, Morale chrétienne 18 (Laf. 368, Sel. 401), le fondement de la république chrétienne est rapporté, non pas à des exigences politiques (comme c’est le cas des jésuites tels que les peignent les Provinciales, par exemple), mais à l’idée du corps mystique. Selon que l’on est chrétien grossier ou chrétien spirituel, c’est toute la morale chrétienne qui change.

Existe-t-il un lien entre cette première note et le seconde ? Il est clair que l’une des deux sortes d’hommes, les grossiers ou les charnels, est soumise à la tentation du formalisme et du respect sans condition des cérémonies. C’est proprement ce qui constitue la superstition.

 

Superstition, concupiscence.

 

Voir le dossier thématique sur la concupiscence.

Thirouin Laurent, “Pascal et la superstition”, in Lopez Denis, Mazouer Charles et Suire Éric, La religion des élites au XVIIe siècle, Biblio 17, p. 237-256.

Pascal souligne fortement que la soumission et l’usage de la raison, qui constituent pour lui le vrai christianisme, s’opposent à la superstition, qu’il définit comme un excès de soumission qui conduite à abdiquer l’usage légitime de la raison. Voir sur ce point la liasse Soumission et usage de la raison.

Soumission 13 (Laf. 179, Sel. 210). Il y a peu de vrais chrétiens. Je dis même pour la foi. Il y en a bien qui croient mais par superstition. Il y en a bien qui ne croient pas, mais par libertinage; peu sont entre-deux.

L’association de ces deux termes apparaît dans le fragment Miracles III (Laf. 908, Sel 451). Superstition et concupiscence.

Scrupules, désirs mauvais.

Crainte mauvaise.

Crainte, non celle qui vient de ce qu’on croit Dieu, mais celle de ce qu’on doute s’il est ou non. La bonne crainte vient de la foi, la fausse crainte vient du doute; la bonne crainte jointe à l’espérance, parce qu’elle naît de la foi et qu’on espère au Dieu que l’on croit; la mauvaise jointe au désespoir parce qu’on craint le Dieu auquel on n’a point eu foi. Les uns craignent de le perdre, les autres craignent de le trouver.

La superstition, pour Pascal, est donc inspirée non par le véritable amour de Dieu, mais par une crainte charnelle ou judaïque de Dieu. Elle trouve donc sa source non dans la charité, mais dans la concupiscence.

Ainsi se trouvent liées plusieurs idées fondamentales des Pensées : l’opposition des spirituels et des charnels, l’opposition de la superstition à la véritable soumission, et la concupiscence. Il est naturel que ces idées, qui permettent de discerner la vraie foi de la simple dévotion, convergent dans la liasse Morale chrétienne.