Pensées - page 161
saurait venir là : et je mets en fait
qu’il n’y a jamais eu de Pyrrhonien effectif
et parfait. La nature soutient
la raison impuissante, et l’empêche
d’extravaguer jusqu’à ce point. Dira-
t-il au contraire, qu’il possède certainement
la vérité, lui qui, si peu qu’on
le pousse, n’en peut montrer aucun
titre, et est forcé de lâcher prise ?
Qui démêlera cet embrouillement ?
La nature confond les Pyrrhoniens, et
la raison confond les Dogmatistes.
Que deviendrez-vous donc, ô homme,
qui cherchez votre véritable
condition par votre raison naturelle ?
Vous ne pouvez fuir une de ces sectes,
ni subsister dans aucune.
Voilà ce qu’est l’homme à l’égard
de la vérité. Considérons-le maintenant
à l’égard de la félicité qu’il recherche
avec tant d’ardeur en toutes
ses actions. Car tous les hommes désirent
d’être heureux ; cela est sans
exception. Quelques différents moyens
qu’ils y emploient, ils tendent tous
à ce but. Ce qui fait que l’un va à
la guerre, et que l’autre n’y va pas,
c’est ce même désir qui est dans tous
les deux accompagné de différentes |