Pensées - page 167
de l’homme se conclut de sa grandeur,
et sa grandeur se conclut de sa
misère. Ainsi les uns ont d’autant
mieux conclu la misère, qu’ils en ont
pris pour preuve la grandeur ; et les
autres ont conclu la grandeur avec
d’autant plus de force, qu’ils l’ont
tirée de la misère même. Tout ce que
les uns ont pu dire pour montrer la
grandeur, n’a servi que d’un argument
aux autres, pour conclure la misère ;
puisque c’est être d’autant plus misérable,
qu’on est tombé de plus haut :
et les autres au contraire. Ils se sont
élevés les uns sur les autres par un
cercle sans fin, étant certain qu’à
mesure que les hommes ont plus de
lumière, ils découvrent de plus en plus
en l’homme de la misère et de la grandeur.
En un mot l’homme connaît
qu’il est misérable. Il est donc misérable,
puisqu’il le connaît ; mais il est
bien grand, puisqu’il connaît qu’il
est misérable.
Quelle chimère est-ce donc que
l’homme ? Quelle nouveauté, quel chaos,
quel sujet de contradiction ? Juge
de toutes choses, imbécile ver de
terre ; dépositaire du vrai, amas d’incertitude ; |