Pensées - page 203
assister en leurs besoins, ils ne laissent
pas d’être misérables, parce que
personne ne les empêche plus de songer
à eux.
De là vient que tant de personnes
se plaisent au jeu, à la chasse, et aux
autres divertissements qui occupent
toute leur âme. Ce n’est pas qu’il y
ait en effet du bonheur dans ce que
l’on peut acquérir par le moyen de
ces jeux, ni qu’on s’imagine que la
vraie béatitude soit dans l’argent
qu’on peut gagner au jeu, ou dans le
lièvre que l’on court. On n’en voudrait
pas s’il était offert. Ce n’est
pas cet usage mol et paisible, et qui
nous laisse penser à notre malheureuse
condition, qu’on recherche ;
mais c’est le tracas qui nous détourne
d’y penser.
De là vient que les hommes aiment
tant le bruit et le tumulte du monde ;
que la prison est un supplice si horrible ;
et qu’il y a si peu de personnes
qui soient capables de souffrir la solitude.
Voilà tout ce que les hommes ont
pu inventer pour se rendre heureux.
Et ceux qui s’amusent simplement à |