Pensées - page 204
montrer la vanité et la bassesse des
divertissements des hommes, connaissent
bien à la vérité une partie de
leurs misères ; car c’en est une bien
grande que de pouvoir prendre plaisir
à des choses si basses et si méprisables :
mais ils n’en connaissent pas le
fond qui leur rend ces misères mêmes
nécessaires, tant qu’ils ne sont
pas guéris de cette misère intérieure et
naturelle, qui consiste à ne pouvoir
souffrir la vue de soi-même. Ce
lièvre qu’ils auraient acheté ne les
garantirait pas de cette vue ; mais la
chasse les en garantit. Ainsi quand on
leur reproche, que ce qu’ils cherchent
avec tant d’ardeur ne saurait les satisfaire ;
qu’il n’y a rien de plus bas,
et de plus vain ; s’ils répondaient
comme ils devraient le faire s’ils y
pensaient bien, ils en demeureraient
d’accord : mais ils diraient en même
temps qu’ils ne cherchent en cela qu’une
occupation violente et impétueuse
qui les détourne de la vue d’eux-
mêmes, et que c’est pour cela qu’ils
se proposent un objet attirant qui les
charme et qui les occupe tout entiers.
Mais ils ne répondent pas cela, parce |