Pensées - page 289
autres circonstances dont on n’est pas
auteur l’auront disposé ; si ce n’est
que ce silence ne fasse aussi son effet
selon le tour et l’interprétation qu’il
sera en humeur d’y donner, ou selon
qu’il conjecturera de l’air du visage
et du ton de la voix : tant il est aisé
de démonter un jugement de son assiette
naturelle ; ou plutôt tant il y
en a peu de fermes et de stables.
50. Les Platoniciens, et même
Épictète et ses sectateurs, croient
que Dieu est seul digne d’être aimé et
admiré ; et cependant ils ont désiré
d’être aimés et admirés des hommes.
Ils ne connaissent pas leur corruption.
S’ils se sentent portés à l’aimer
et à l’adorer, et qu’ils y trouvent
leur principale joie ; qu’ils s’estiment
bons à la bonne heure. Mais s’ils y
sentent de la répugnance ; s’ils n’ont
aucune pente qu’à se vouloir établir
dans l’estime des hommes ; et que
pour toute perfection ils fassent seulement
que sans forcer les hommes
ils leurs fassent trouver leur bonheur
à les aimer ; je dirai que cette perfection
est horrible. Quoi, ils ont connu
Dieu, et n’ont pas désiré uniquement |