Pensées - page 288
de pieux, dont chacun doit régner
chez soi, non ailleurs. Ils se rencontrent
quelquefois, et le fort et le beau
se battent sottement à qui sera le
maître l’un de l’autre ; car leur maîtrise
est de divers genre. Ils ne s’entendent
pas ; et leur faute est de vouloir
régner partout. Rien ne le peut,
non pas même la force : elle ne fait
rien au royaume des savants : elle
n’est maîtresse que des actions extérieures.
48. Ferox gens nullam esse vitam
sine armis putat. Ils aiment mieux
la mort que la paix : les autres aiment
mieux la mort que la guerre. Toute
opinion peut être préférée à la vie,
dont l’amour paraît si fort et si naturel.
49. Qu’il est difficile de proposer
une chose au jugement d’un autre,
sans corrompre son jugement par la
manière de la lui proposer ! Si on dit :
je le trouve beau, je le trouve obscur,
on entraîne l’imagination à ce jugement,
ou l’on l’irrite au contraire. Il
vaut mieux ne rien dire ; car alors il
juge selon ce qu’il est, c’est-à-dire selon
ce qu’il est alors, et selon que les |