L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 304

deux amours, l’un pour Dieu, l’autre

pour soi-même ; mais avec cette loi,

que l’amour pour Dieu serait infini,

c’est-à-dire sans aucune autre fin que

Dieu même, et que l’amour pour

soi-même serait fini et rapportant à

Dieu.

L’homme en cet état non seulement

s’aimait sans péché, mais il ne

pouvait pas ne point s’aimer sans péché.

Depuis, le péché étant arrivé,

l’homme a perdu le premier de ces

amours ; et l’amour pour soi-même

étant resté seul dans cette grande âme

capable d’un amour infini, cet amour

propre s’est étendu et débordé dans le

vide que l’amour de Dieu a quitté ;

et ainsi il s’est aimé seul, et toutes

choses pour soi, c’est-à-dire infiniment.

Voilà l’origine de l’amour propre.

Il était naturel à Adam, et juste en

son innocence ; mais il est devenu et

criminel et immodéré ensuite de son

péché.

Voilà la source de cet amour, et

la cause de sa défectuosité et de son

excès.

 

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