L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 306

Il était juste de la haïr quand elle

n’eût pu arriver qu’en séparant une

âme sainte d’un corps saint : mais il

est juste de l’aimer quand elle sépare

une âme sainte d’un corps impur. Il

était juste de la fuir, quand elle eût

rompu la paix entre l’âme et le corps ;

mais non pas quand elle en calme la

dissension irréconciliable. Enfin quand

elle eût affligé un corps innocent,

quand elle eût ôté au corps la liberté

d’honorer Dieu, quand elle eût séparé

de l’âme un corps soumis et coopérateur

à ses volontés, quand elle

eût fini tous les biens dont l’homme

est capable, il était juste de l’abhorrer ;

mais quand elle finit une vie

impure, quand elle ôte au corps la

liberté de pécher, quand elle délivre

l’âme d’un rebelle très puissant et

contredisant tous les motifs de son

salut, il est très injuste d’en conserver

les mêmes sentiments.

Ne quittons donc pas cet amour

que la nature nous a donné pour la

vie, puisque nous l’avons reçu de

Dieu ; mais que ce soit pour la même

vie pour laquelle Dieu nous l’a

donné, et non pas pour un objet contraire.

 

Page de titrePréfaceApprobationsTable des TitresAvertissementPenséesTable des Matières