Fragment Prophéties n° 21 / 27 – Papier original : RO 265-6
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Prophéties n° 359 p. 171 / C2 : p. 204-205
Éditions de Port-Royal : Chap. XVI - Diverses preuves de Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 130 / 1678 n° 6 p. 130
Éditions savantes : Faugère II, 274, XIII / Brunschvicg 637 / Tourneur p. 288-1 / Le Guern 323 / Lafuma 342 / Sellier 374
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Bibliographie ✍
CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, II, Les Préfaces de l’Ancien Testament (1672-1693), Paris, Champion, 2013. COHN Lionel, Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969. ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970. FLAVIUS JOSÈPHE, Histoire ancienne des Juifs, Livre X, ch. VIII-XII ; voir l’éd. Lidis-Brepols, 1981, p. 316-330. GROTIUS Hugo, De veritate religionis christianae, V, XVI. LODS, Les prophètes d’Israël, p. 179 sq. |
✧ Éclaircissements
Prophéties.
Le sceptre ne fut point interrompu par la captivité de Babylone
La captivité à Babylone n’a pas été, selon Pascal, une vraie captivité. Il n’a interrompu ni la continuité prophétique ni la continuité politique de la couronne de Juda.
Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 463. Réponse à l’objection : ne peut-on dire que le sceptre était déjà sorti de Juda, lors de la captivité à Babylone ? Réponses données dans Prophéties 21 : l’exil des Juifs à Babylone n’était pas une véritable captivité. Le problème de savoir si la dynastie a été interrompue durant l’exil à Babylone est donc résolu par Pascal par la négative.
Sur les décrets des rois perses pour la reconstruction de Jérusalem et le retour des Juifs, voir Prophéties 20 (Laf. 341, Sel. 373).
On trouve l’objection à laquelle répond Pascal dans Cohn Lionel, Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive. Cinq cents ans avant la destruction du second Temple, Israël avait été exilé en Babylonie. La tribu de Juda était chassée de Terre sainte. Donc à cette époque le sceptre avait été ôté de Juda, et le Messie ne s’est pas manifesté à cette date. R. Martin nie que, pendant l’exil, les exilarques appartenaient à la tribu de Juda. R. Adereth répond que ce n’est pas à ce moment que les exilarques ont commandé le peuple. Voir p. 98 : peut-être un chef issu de Juda demeurait-il en Terre sainte ? R. Adereth prétend que ce n’est pas le cas : on n’avait permis qu’aux classes les plus pauvres de demeurer sur place.
à cause que leur retour était prompt
La lecture promis ne serait pas pléonastique par rapport à prédit : on peu prédire sans promettre, et promettre sans prédire. Mais prompt s’impose par le manuscrit.
Preuves de Jésus-Christ 8 (Laf. 305, Sel. 336). Preuves de J.-C. Ce n’est pas avoir été captif que de l’avoir été avec assurance d’être délivré, dans soixante-dix ans, mais maintenant ils le sont sans aucun espoir.
Pascal a pu trouver un argument analogue et des références dans Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, XVI. « Cum olim populus gravissimis sceleribus se contaminasset..., passus est exsilium, sed non diutius annis septuaginta, atque interea non omisit Deus per Prophetas illos alloqui et solari spe reditus, indicato etiam ejus tempore. At nunc, ex quo semel ejecti patria sunt, manent extorres, contenti ; nullus ad eos venit Propheta ; nulla futuri reditus significatio ». Références :
Jérémie, XXX-XXXIII.
Ezéchiel, XXXVI-XXXVII, pour l’expression spe reditus.
Jérémie, XXV, 5 et XXIX, 10, pour indicato ejus tempore.
Le premier exil n’était pas véritable parce que savoir qu’on y échappera au bout de 70 ans suffisait à le rendre supportable.
et prédit.
La promesse du retour d’exil est contenue dans la même prophétie qui annonçait la victoire de Nabuchodonosor sur les Juifs, Jérémie, XXIX, 10-14. « Car voici ce que dit le Seigneur : Lorsque soixante et dix ans se seront passés à Babylone, je vous visiterai, et je vérifierai les paroles favorables que je vous ai données, en vous faisant revenir en cette terre.
Car je sais les pensées que j’ai sur vous, dit le Seigneur, qui sont des pensées de paix, et non d’affliction, pour vous donner la patience dans vos maux, et pour les finir au temps que j’ai marqué.
Vous m’invoquerez, et vous retournerez ; vous me prierez, et je vous exaucerai. Vous me chercherez, et vous me trouverez lorsque vous me chercherez de tout votre cœur.
C’est alors que vous me trouverez, dit le Seigneur ; et je vous rassemblerai du milieu de tous les peuples et de tous les lieux où je vous avais chassés, dit le Seigneur, et je vous ferai revenir de ce même lieu où je vous avais fait transporter » (Traduction de la Bible de Port-Royal).
Les Juifs ont toujours été consolés par les prophètes, savoir Jérémie dans Jérusalem et Ézéchiel dans Babylone, « au milieu des captifs qu’on y avait transférés », comme l’indique la Préface de la traduction des livres de ces deux prophètes dans la Bible de Port-Royal ; voir Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, II, Les Préfaces de l’Ancien Testament (1672-1693), p. 617. : « Jérémie demeura toujours par l’ordre de Dieu dans Jérusalem pendant qu’elle fut assiégée par Nabuchodonosor sous le règne de Sédécias ; et depuis la destruction de cette ville il resta encore parmi ceux d’entre les Juifs qui ne furent point menés en captivité à Babylone, afin que ces peuples toujours rebelles aux volontés du Seigneur eussent sans cesse devant leurs yeux un témoin fidèle de la vérité, qui leur reprochât l’impiété de leur conduite et qui leur représentât l’équité des jugements de celui dont leurs crimes avaient attiré sur eux les vengeances. Ézéchiel au contraire fut encore choisi par Dieu pour accompagner les captifs à Babylone, pour les soutenir par ses divines instructions dans l’extrémité où ils se trouvaient réduits, et pour consoler leur foi par la vue des maux sans comparaison plus grands que l’obéissance qu’ils avaient rendue à Dieu leur avait fait éviter et que sa justice réservait aux autres Juifs demeurés en Judée. » Les deux prophètes sont d’accord dans leurs oracles.
Grotius Hugo, De veritate eligionis christianae, V, XVI, p. 82. « Cum olim populus gravissimis sceleribus se contaminasset..., passus est exsilium, sed non diutius annis septuaginta, atque interea non omisit Deus per Prophetas illos alloqui et solari spe reditus, indicato etiam ejus tempore ».
Non seulement la captivité à Babylone n’a pas été une vraie captivité, mais elle n’était pas la captivité à laquelle pensaient réellement les prophètes.
Cet exil provisoire annonçait en réalité un exil plus long et plus douloureux, celui que la victoire des Romains et la destruction du temple par Titus ont inauguré. La différence entre le premier et le second exil est que la déportation à Babylone a été limitée à 70 années, alors que la diaspora dure depuis que les Romains ont détruit le Temple, sans qu’aucune perspective de retour ne se dessine. La diaspora qui en découle dure encore au XVIIe siècle.
Preuves de Jésus-Christ 8 (Laf. 305, Sel. 336). Preuves de J.-C. Ce n’est pas avoir été captif que de l’avoir été avec assurance d’être délivré, dans soixante-dix ans, mais maintenant ils le sont sans aucun espoir. Dieu leur a promis qu’encore qu’il les dispersât aux bouts du monde, néanmoins s’ils étaient fidèles à sa loi il les rassemblerait. Ils y sont très fidèles et demeurent opprimés. Ce n’est pas avoir été captif que de l’avoir été avec assurance d’être délivré dans soixante-dix ans, mais maintenant ils le sont sans aucun espoir. Dieu leur a promis qu’encore qu’il les dispersât aux bouts du monde, néanmoins s’ils étaient fidèles à sa loi il les rassemblerait. Ils y sont très fidèles et demeurent opprimés.
On trouve des idées analogues chez Bossuet ; voir Goyet Thérèse, L’humanisme de Bossuet, II, p. 305. Référence au Discours sur l’histoire universelle, II, XXI, 337, Pléiade, p. 870 sq. L’exil de Babylone n’était que l’ombre du châtiment dont Titus a été le ministre. Les Chaldéens n’ont jamais infligé aux Juifs des peines aussi dures que les Romains. Sous les Chaldéens, l’exil n’a duré que 70 ans ; mais il y a 1 600 ans que dure le nouvel esclavage des Juifs. Voir Discours sur l’histoire universelle, II, XII, Pléiade, p. 882 sq.
Le dernier paragraphe du fragment Preuves de Jésus-Christ 16 (Laf. 314, Sel. 345) fait allusion à la prophétie d’Osée, III, 4-5, qui annonce que les Juifs n’auront plus de prophètes, ni de roi : « C’est l’état où les enfants d’Israël seront pendant un long temps, sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans éphod, et sans théraphins ; 5. Et après cela les enfants d’Israël reviendront, et ils chercheront le Seigneur leur Dieu, et David, leur roi ; et dans les derniers jours ils recevront avec une frayeur respectueuse le Seigneur, et les grâces qu’il doit leur faire. » (traduction de la Bible de Port-Royal). Commentaire : « Les nouveaux interprètes croient que le mot de théraphins signifie des idoles en cet endroit aussi bien que dans tous les autres. Et ce sens semble avoir plus de rapport avec ce qui précède, où le prophète dit à la femme que Dieu lui avait ordonné d’épouser pour être la figure de la Synagogue, qu’il ne vivrait point avec elle pendant un longtemps, et qu’elle aussi ne s’abandonnerait point à un autre. Car c’est l’état où sont aujourd’hui les Juifs, et où ils demeureront jusques à la fin du monde, étant en effet sans autel et sans sacrifice, depuis la destruction de Jérusalem, qui est le seul lieu où ils pourraient sacrifier selon la loi, et en même temps sans théraphins, c’est-à-dire sans idoles, puisqu’ils conservent toujours une grande aversion de l’idolâtrie ».