Fragment Raisons des effets n° 5 / 21 - Papier original : RO 406-4
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Raisons des effets n° 116 p. 33 / C2 : p. 49
Éditions savantes : Faugère II, 129, V / Brunschvicg 297 / Tourneur p. 189-1 / Le Guern 79 / Lafuma 86 / Sellier 120
Veri juris. Nous n’en avons plus. Si nous en avions, nous ne prendrions pas pour règle de justice de suivre les mœurs de son pays. C’est là que ne pouvant trouver le juste, on a trouvé le fort, etc.
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Ce raisonnement par l’absurde prépare celui de Raisons des effets 20 (Laf. 103, Sel. 135), mais il fait aussi écho au fragment Misère 9 (Laf. 60, Sel. 94), qui montrait que l’homme ne connaît pas la véritable justice. Il remplit en ce sens une fonction de transition entre la constatation de la misère humaine et la raison des effets : il y a de très bonnes raisons pour appuyer l’ordre social sur le fort, dès lors qu’on ne dispose pas du juste.
Fragments connexes
Misère 9 (Laf. 60, Sel. 94). Sur quoi fondera-t-il l’économie du monde qu’il veut gouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ? Quelle confusion ! sera-ce sur la justice ? il l’ignore. Certainement s’il la connaissait il n’aurait pas établi cette maxime, la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacun suive les mœurs de son pays. L’éclat de la véritable équité aurait assujetti tous les peuples. Et les législateurs n’auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des perses et allemands. On la verrait plantée par tous les états du monde, et dans tous les temps, au lieu qu’on ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualité en changeant de climat.
Raisons des effets 20 (Laf. 103, Sel. 135). Justice, force.
Il est juste que ce qui est juste soit suivi; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi.
La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique.
La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.
La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Aussi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste.
Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.