Fragment Transition n° 8 / 8  – Papier original : RO 63-9

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Transition n° 261 p. 101 / C2 : p. 129

Éditions savantes : Faugère II, 343, II / Havet XXV.209.4 / Brunschvicg 517 / Tourneur p. 245-2 / Le Guern 188 / Lafuma 202 / Sellier 234

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Bibliographie

 

 

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 260 sq.

MARTINEAU Emmanuel, Blaise Pascal, Discours sur la religion et sur quelques autres sujets qui ont été trouvés après sa mort parmi ses papiers, restitués et publiés par Emmanuel Martineau, Paris, Fayard-Armand Colin, 1992.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

THIROUIN Laurent, “Transition de la connaissance de l’homme à Dieu : examen d’une liasse des Pensées”, in DESCOTES Dominique, McKENNA Antony et THIROUIN Laurent (dir.), Le rayonnement de Port-Royal, Paris, Champion, 2001.

 

 

Éclaircissements

 

Consolez-vous, ce n’est point de vous que vous devez l’attendre, mais au contraire en n’attendant rien de vous que vous devez l’attendre.

 

Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 260, remarque qu’il est difficile d’interpréter le pronom l’.

Thirouin Laurent, “Transition de la connaissance de l’homme à Dieu : examen d’une liasse des Pensées”, p. 366. Problème grammatical : à quoi renvoie le pronom personnel ? Brunschvicg comprend qu’il s’agit de la grâce de Dieu, de même que Lafuma, éd. Luxembourg, Notes, p. 41.

Emmanuel Martineau, dans Blaise Pascal, Discours sur la religion et sur quelques autres sujets qui ont été trouvés après sa mort parmi ses papiers, restitués et publiés par Emmanuel Martineau, Paris, Fayard-Armand Colin, 1992, p. 262, pense que l’ représente la lumière, plutôt que la grâce, ce qui constitue à ses yeux une “ligature dialogique capitalissime”.

Jean Mesnard, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993, p. 237, suggère qu’il s’agit plutôt du souverain bien, auquel l’humilité donne accès.

En fait, le référent de l’ compte assez peu ici : quelle que soit l’action à laquelle il renvoie (du moins pour celles qui répondent à la recherche entamée dans les Pensées), le résultat est le même ; ce n’est pas des forces de l’homme qu’il faut l’attendre ; l’accès au souverain bien est donné par Dieu seul, à ceux qui n’attendent pas de leurs propres forces d’y parvenir.

On remarque moins que le pronom vous n’est pas non plus très clairement déterminé.

Pascal suit ici un précepte qu’il a lui-même formulé. Voir OC I, éd. J. Mesnard, p. 261. Vie de Pascal, 2e version, § 50.

« Un des principaux points de l’éloquence qu’il s’était fait était non seulement de ne rien dire que l’on n’entendît pas, ou que l’on entendît avec peine, mais aussi de dire des choses où il se trouvât que ceux à qui nous parlions fussent intéressés, parce qu’il était assuré que pour lors l’amour-propre même ne manquerait jamais de nous y faire faire réflexion, et de plus, la part que nous pouvons prendre aux choses étant de deux sortes (car ou elles nous affligent, ou elles nous consolent), il croyait qu’il ne fallait jamais affliger qu’on ne consolât, et que bien ménager tout cela était le secret de l’éloquence ».

La formule Consolez-vous rappelle le texte Pensée n° 8H r° (Laf. 919, Sel. 751) : Console-toi, tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé. Elle justifie la présence de ce fragment dans la liasse Transition de l’homme à Dieu, à côté de Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230). Consolez-vous, dans le contexte de la liasse, signifie : ne vous affligez pas de votre disproportion à l’égard de l’univers. Conformément à sa règle rhétorique, Pascal prévient une possible réaction de désespoir ou d’affliction que pourrait susciter le spectacle de la disproportion de l’homme, en soulignant que paradoxalement, cette disproportion, qui conduit l’homme à l’humilité, le met en état de n’attendre rien de ses propres forces, mais seulement de Dieu. Voir l’étude de Thirouin Laurent, “Transition de la connaissance de l’homme à Dieu : examen d’une liasse des Pensées”, p. 362 sq., qui éclaire bien ce paradoxe, que la conscience de la disproportion, qui fait que l’homme ne peut tenir lieu d’une cause efficace dans l’univers, ouvre la possibilité de l’espérance. À partir du moment où l’on n’attend plus rien de ses propres forces, on se trouve en état d’accepter de laisser Dieu agir en soi.

Cette interprétation est confirmée par la Pensée n° 8H r° (Laf. 919, Sel. 751), qui dit à peu près la même chose en termes voisins : C’est me tenter plus que t’éprouver que de penser si tu ferais bien telle et telle chose absente, je la ferai en toi si elle arrive.

Laisse-toi conduire à mes règles, vois comme j’ai bien conduit la Vierge et les saints qui m’ont laissé agir en eux.