Preuves par discours III - Fragment n° 9 / 10 – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 46 p. 228 à 229 / C2 : p. 439 v° à 441 v°

Éditions de Port-Royal : Chap. II - Marques de la véritable Religion : 1669 et janvier 1670 p. 27-29 / 1678 n° 14 p. 25-28

Une phrase a été ajoutée dans l’édition de 1678 : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1678 n° 27 p. 241

Éditions savantes : Faugère II, 355, XV et XVI / Havet XI.10 bis et 10 / Michaut 919 / Brunschvicg 556 / Le Guern 419 / Lafuma 449 (série V) / Sellier 690

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. II - Marques de la véritable Religion : 1669 et janvier 1670 p. 27-29 / 1678 n° 14 p. 25-28

 

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit (Copies)

 

 Toute la conduite des choses doit avoir pour objet l’établissement et la grandeur de la Religion : les hommes doivent avoir en eux-mêmes des sentiments conformes à ce qu’elle nous enseigne : et enfin elle doit être tellement l’objet et le centre où toutes choses tendent, que qui en saura les principes puisse rendre raison et de toute la nature de l’homme en particulier, et de toute la conduite du monde en général.

Sur ce fondement les impies prennent lieu de blasphémer la Religion Chrétienne, parce qu’ils la connaissent mal. Ils s’imaginent qu’elle consiste simplement en l’adoration d’un Dieu considéré comme grand, puissant, et éternel ; ce qui est proprement le Déisme presque aussi éloigné de la Religion Chrétienne que l’Athéisme qui y est tout à fait contraire. Et de là ils concluent que cette Religion n’est pas véritable ; parce que si elle l’était il faudrait que Dieu se manifestât aux hommes par des preuves si sensibles qu’il fût impossible que personne le méconnût.

Mais qu’il 2 en concluent ce qu’ils voudront contre le Déisme, ils n’en concluront rien contre la Religion Chrétienne qui reconnaît que depuis le péché Dieu ne se montre point aux hommes avec toute l’évidence qu’il pourrait faire, et qui consiste proprement au mystère du Rédempteur, qui unissant en lui les deux natures divine et humaine, a retiré les hommes de la corruption du péché pour les réconcilier à Dieu en sa personne divine.

Elle enseigne donc aux hommes ces deux vérités, et qu’il y a un Dieu dont ils sont capables, et qu’il y a une corruption dans la nature qui les en rend indignes. Il importe également aux hommes de connaître l’un et l’autre de ces points ; et il est également dangereux à l’homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître le Rédempteur qui l’en peut guérir. Une seule de ces connaissances fait ou l’orgueil des Philosophes qui ont connu Dieu et non leur misère, ou le désespoir des Athées qui connaissent leur misère sans Rédempteur.

Et ainsi, comme il est également de la nécessité de l’homme de connaître ces deux points, il est aussi également de la miséricorde de Dieu de nous les avoir fait connaître. La Religion Chrétienne le fait ; c’est en cela qu’elle consiste.

Qu’on examine l’ordre du monde sur cela, et qu’on voie si toutes choses ne tendent pas à l’établissement des deux chefs de cette 3 Religion.

 

 

Toute la conduite des choses doit avoir pour objet l’établissement et la grandeur de la religion. Les hommes doivent avoir en eux‑mêmes des sentiments conformes à ce qu’elle nous enseigne. Et enfin elle doit être tellement l’objet et le centre où toutes choses tendent, que qui en saura les principes puisse rendre raison et de toute la nature de l’homme en particulier, et de toute la conduite du monde en général.

Et sur ce fondement ils prennent lieu de blasphémer la religion chrétienne parce qu’ils la connaissent mal. Ils s’imaginent qu’elle consiste simplement en l’adoration d’un Dieu considéré comme grand et puissant et éternel, ce qui est proprement le déisme, presque aussi éloigné de la religion chrétienne que l’athéisme, qui y est tout à fait contraire. Et de là ils concluent que cette religion n’est pas véritable, parce qu’ils ne voient pas que toutes choses concourent à l’établissement de ce point que Dieu ne se manifeste pas aux hommes avec toute l’évidence qu’il pourrait faire.

Mais qu’ils en concluent ce qu’ils voudront contre le déisme, ils n’en concluront rien contre la religion chrétienne qui consiste proprement au mystère du Rédempteur, qui unissant en lui les deux natures, humaine et divine, a retiré les hommes de la corruption et du péché pour les réconcilier à Dieu en sa personne divine.

Elle enseigne donc ensemble aux hommes ces deux vérités, et qu’il y a un Dieu dont les hommes sont capables, et qu’il y a une corruption dans la nature qui les en rend indignes. Il importe également aux hommes de connaître l’un et l’autre de ces points, et il est également dangereux à l’homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître le Rédempteur qui l’en peut guérir. Une seule de ces connaissances fait, ou la superbe des philosophes qui ont connu Dieu et non leur misère, ou le désespoir des athées qui connaissent leur misère sans Rédempteur.

Et ainsi comme il est également de la nécessité de l’homme de connaître ces deux points, il est aussi également dela miséricorde de Dieu de nous les avoir fait connaître. La religion chrétienne le fait, c’est en cela qu’elle consiste.

Qu’on examine l’ordre du monde sur cela, et qu’on voie si toutes choses ne tendent pas à l’établissement des deux chefs de cette religion.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 Coquille corrigée dans les éditions de 1671 et 1678.

3 Cette graphie provient de C1. C2 transcrit « notre ».

 

Commentaire

 

Les éditeurs complètent l’argument de Pascal sur un point qui n’était pas assez net dans sa rédaction. Voir le commentaire.

 

 

 

 

 

Une phrase a été ajoutée dans l’édition de Port-Royal de 1678

 

Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1678 n° 27 p. 241

 

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. 1678 1

Transcription du manuscrit (Copies)

 

 

 

 

 

 

 

 

 Les Sages parmi les Païens, qui ont dit qu’il n’y a qu’un Dieu, ont été persécutés ; les Juifs haïs ; les Chrétiens encore plus.

 

 

Ils blasphèment ce qu’ils ignorent. La religion chrétienne consiste en deux points, il importe également aux hommes de les connaître et il est également dangereux de les ignorer.

Et il est également de la miséricorde de Dieu d’avoir donné des marques des deux.

Et cependant ils prennent sujet de conclure qu’un de ces points n’est pas de ce qui leur devrait faire conclure l’autre.

Les sages qui ont dit qu’il n’y a qu’un Dieu ont été persécutés, les Juifs haïs, les chrétiens encore plus.

Ils ont vu par lumière naturelle que s’il y a une véritable religion sur la terre, la conduite de toutes choses doit y tendre comme à son centre.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

En supprimant le début de ce texte, les éditeurs effacent les fondements de l’argument de Pascal, ainsi que le principe de sa réponse.