Fragment Vanité n° 16 / 38 Papier original : RO 244-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 33 et 34 p. 7 / C2 : p. 20

Éditions de Port-Royal : Chap. XXV-Faiblesse de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 197-198 / 1678 n° 15 p. 193-194.

Éditions savantes : Faugère II, 88, XXI / Havet III.12 / Brunschvicg 436 / Tourneur p. 171-1 / Le Guern 26 / Maeda I p. 133 / Lafuma 28 / Sellier 62

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Bibliographie

 

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 57.

 

Éclaircissements

 

Problème de la datation relative : les dossiers Miracles sont considérés comme les plus anciens. Le fragment Miracles III (Laf. 890, Sel. 445) est une suite de notes hétérogènes, dont celle-ci : Toutes les occupations des hommes sont à avoir du bien et ils n’ont ni titre pour le posséder justement, ni force pour le posséder sûrement. De même la science, les plaisirs : nous n’avons ni le vrai ni le bien. Des idées nouvelles apparaissent dans Vanité 16, notamment le fait que la maladie ôte la science. Le fragment du dossier Miracles III lui est donc vraisemblablement antérieur.

 

Faiblesse.

 

Voir Raisons des effets 15 (Laf. 96, Sel. 130).

Vanité 21 (Laf. 33, Sel. 67). Ce qui m’étonne le plus est de voir que tout le monde n’est pas étonné de sa faiblesse. La faiblesse consiste en ce que les hommes ne savent pas vraiment pour quelle raison ils agissent comme ils le font : signe de vanité. Le fragment Vanité 16 complète cette idée : quand les hommes cherchent à trouver un fondement solide à leurs occupations, ils sont incapables de le trouver.

La faiblesse de l’homme est particulièrement marquée dans les fragments qui comparent l’homme à un roseau pensant, comme Transition 5 (Laf. 200, Sel. 231), qui souligne que l’homme a beau posséder l’avantage de la pensée, il n’en est pas moins incapable de s’imposer au monde.

 

Toutes les occupations des hommes sont à avoir du bien, et ils ne sauraient avoir de titre pour montrer qu’ils le possèdent par justice, car ils n’ont que la fantaisie des hommes. Ni force pour le posséder sûrement.

 

Thème abordé dans le premier des Trois Discours sur la condition des grands, qui développe l’idée complémentaire que le régime actuel de la propriété des biens résulte de la volonté de Dieu : « Ainsi tout le titre par lequel vous possédez votre bien n’est pas un titre de nature, mais d’un établissement humain. Un autre tour d’imagination dans ceux qui ont fait les lois vous aurait rendu pauvre ; et ce n’est que cette rencontre du hasard qui vous a fait naître, avec la fantaisie des lois favorables à votre égard, qui vous met en possession de tous ces biens.

Je ne veux pas dire qu’ils ne vous appartiennent pas légitimement, et qu’il soit permis à un autre de vous les ravir ; car Dieu, qui en est le maître, a permis aux sociétés de faire des lois pour les partager ; et quand ces lois sont une fois établies, il est injuste de les violer. C’est ce qui vous distingue un peu de cet homme qui ne posséderait son royaume que par l’erreur du peuple ; parce que Dieu n’autoriserait pas cette possession et l’obligerait à y renoncer, au lieu qu’il autorise la vôtre. Mais ce qui vous est entièrement commun avec lui, c’est que ce droit que vous y avez n’est point fondé, non plus que le sien, sur quelque qualité et sur quelque mérite qui soit en vous et qui vous en rende digne. Votre âme et votre corps sont d’eux-mêmes indifférents à l’état de batelier, ou à celui de duc ; et il n’y a nul lien naturel qui les attache à une condition plutôt qu’à une autre. »

 

Il en est de même de la science, car la maladie l’ôte.

           

Analogie entre l’ordre social et l’ordre des esprits : l’ordre social et la science sont également sujets à être troublés, bouleversés ou détruits. La science et les propriétés sont toutes deux des biens.

Il y a peut-être un souvenir personnel de Pascal, qui a été bien malade après un exercice trop intense des sciences, soit après les expériences sur le vide, soit après le concours sur la roulette.

 

Nous sommes incapables et de vrai et de bien.

 

Pascal joue sur le sens du mot bien. Avoir du bien signifie : acquérir de la fortune. Mais dans la dernière phrase, incapables et de vrai et de bien donne au mot bien une signification morale, toute différente.

La liaison peut être établie par l’intermédiaire d’un fragment comme Misère 13 (Laf. 64, Sel. 98), sur l’usurpation de toute la terre.