Fragment Vanité n° 37 / 38 – Papier original : RO 23-6
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 71 p. 13 v° / C2 : p. 32
Éditions savantes : Faugère II, 392 / Havet VI.3 / Brunschvicg 293 et 154 / Tourneur p. 179-4 / Le Guern 47 / Maeda II p. 192 / Lafuma 51 / Sellier 84
_________________________________________________________________________________________
Bibliographie ✍
MESNARD Jean, “Achèvement et inachèvement dans les Pensées de Pascal”, Studi francesi, 143, anno XLVIII, maggio-agosto 2004, p. 300-320. MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, CDU, 2e éd., p. 191 et 293. |
✧ Éclaircissements
« Pourquoi me tuez‑vous ? » ‑ « Et quoi, ne demeurez‑vous pas de l’autre côté de l’eau ? Mon ami, si vous demeuriez de ce côté, je serais un assassin et cela serait injuste de vous tuer de la sorte. Mais puisque vous demeurez de l’autre côté, je suis un brave et cela est juste. »
C’est un cas de casuistique ironique comme on en trouve dans les Provinciales. Voir Provinciale VII, 11 : « Vous voyez par là que vous ne savez pas seulement ce que les termes signifient, et cependant vous parlez comme un docteur. J’avoue, lui dis-je, que cela m’est nouveau ; et j’apprends de cette définition qu’on n’a peut-être jamais tué personne en trahison ; car on ne s’avise guère d’assassiner que ses ennemis ; mais, quoi qu’il en soit, on peut donc, selon Sanchez, tuer hardiment, je ne dis plus en trahison, mais seulement par derrière, ou dans une embûche, un calomniateur qui nous poursuit en justice ? Oui, dit le Père, mais en dirigeant bien l’intention ; vous oubliez toujours le principal. » Dans ce fragment, la situation engendre une sorte de direction d’intention : dans des circonstances ordinaires, tuer un homme serait un assassinat ; mais l’existence de la frontière permet de détourner l’intention de l’acte vers le meurtre d’un ennemi, qui est légitime en temps de guerre. Le mon ami prend son relief quand on le compare à l’expression on ne s’avise guère d’assassiner que ses ennemis.
Quintilien, Institution oratoire, V, 10, t. III, p. 137. Pour la qualification, le lieu a une grande importance : la même action n’est pas licite ou bien séante partout. Arguments juridiques reposant sur l’idée du lieu : « c’est l’argent d’un particulier, mais comme il était dans un temple, ce n’est pas un vol, c’est un sacrilège » ; « tu as tué le couple adultère, et la loi le permet, mais comme tu l’as fait dans un mauvais lieu, c’est un meurtre ». La ville où l’affaire se juge a son intérêt, étant donné qu’il y a entre les villes de grandes différences de mœurs et de lois.
Reguig-Naya Delphine, Le corps des idées : pensées et poétiques du langage dans l’augustinisme du second Port-Royal, p. 147 sq. ✍