Géométrie-Finesse II – Fragment n° 2 / 2 – Papier original : RO 169-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 84 p. 323  / C2 : p. 403-403 v°

Éditions savantes : Faugère I, 151 ; I, 223, CXLVI / Havet VII.34 et XXV.124 / Brunschvicg 4 et 356 / Tourneur p. 65-1 / Le Guern 467 / Lafuma 513 et 514 (série XXII) / Sellier 671

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Bibliographie

 

 

FUMAROLI Marc, “Pascal et la tradition rhétorique gallicane”, in Méthodes chez Pascal, p. 359-372.

GHEERAERT Tony, Le chant de la grâce. Port-Royal et la poésie d'Arnauld d'Andilly à Racine, Paris, Champion, 2003.

HARRINGTON Thomas, “Pascal et la philosophie”, Méthodes chez Pascal, Paris, P. U. F., p. 37 sq.

MARIN Louis, “Réflexions sur la notion de modèle chez Pascal”, Revue de métaphysique et de morale, 1967, p. 87-108.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

MICHEL Alain, “Saint Augustin et la rhétorique pascalienne”, XVIIe siècle, 135, avril-juin 1982, p. 133-148.

NICOLE Pierre, La vraie beauté et son fantôme et autres textes esthétiques, éd. Béatrice Guion, Paris, Champion, 1996.

NORMAN Buford, “L’idée de règle chez Pascal”, Méthodes chez Pascal, Paris, P. U. F., p. 87-100.

PASCAL, Pensées, opuscules et lettres, éd. Sellier, Paris, Garnier, 2011.

PRIGENT Jean, “La réflexion pascalienne sur les principes”, Mélanges de littérature française offerts à M. René Pintard, Strasbourg, Centre de Philologie et de littérature romanes, Klincksieck, Paris, 1975, p. 117-128.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., Paris, Champion Classiques, 2010.

SUSINI Laurent, L’écriture de Pascal. La lumière et le feu. La vraie éloquence à l’œuvre dans les Pensées, Paris, Champion, 2008.

 

 

Éclaircissements

 

Géométrie / finesse.

 

Voir les fragments Géométrie-Finesse I (Laf. 511, Sel. 669) et Géométrie-Finesse II, 1 (Laf. 512, Sel. 670).

Les deux mots sont séparés par un double trait oblique. Dans les manuscrits mathématiques, ce signe représente la relation d’égalité. Cela ne paraît pas pouvoir être le cas ici.

 

La vraie éloquence se moque de l’éloquence. La vraie morale se moque de la morale, c’est‑à‑dire que la morale du jugement se moque de la morale de l’esprit qui est sans règles.

Car le jugement est celui à qui appartient le sentiment, comme les sciences appartiennent à l’esprit. La finesse est la part du jugement, la géométrie est celle de l’esprit.

 

Pascal place ici sur le même plan l’éloquence rhétorique et la morale. Ce sont deux ordres différents, mais de même structure sous le rapport envisagé dans ce fragment.

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 285 sq.

Sur les problèmes généraux de l’éloquence à l’époque de Pascal, voir Fumaroli Marc, “Pascal et la tradition rhétorique gallicane”, in Méthodes chez Pascal, p. 359-372.

Sur le problème de l’éloquence tel qu’il se pose dans l’œuvre de Pascal, et son évolution, voir les études de Sellier Philippe, “Rhétorique et apologie : Dieu parle bien de Dieu”, p. 239-250, “La rhétorique de Saint-Cyran et le tournant des Provinciales”, p. 287-304, et “Vers l’invention d’une rhétorique”, p. 305-324, du recueil Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., Champion Classiques, 2010.

Se moquer : ne se dit qu’avec le pronom personnel. Faire quelque dérision, tourner en raillerie, en ridicule quelque personne ou quelque chose ; signifie aussi mépriser, ne se soucier point des choses ; cet auteur se moque des règles, il se moque de la bienséance, il ne les observe pas (Furetière).

Jugement : puissance de l’âme qui connaît, qui discerne le bon d’avec le mauvais, le vrai d’avec le faux. Il a le jugement solide, c’est-à-dire de bon sens (Furetière). Voir Méré, Discours, éd. Boudhors, p. 61. « Avoir de l’esprit en tout, et bien juger de tout, c’est presque une même chose ».

L’interprétation de ces lignes dépend de la ponctuation que l’on attribue à la phrase.

On ne peut guère hésiter sur la question de savoir si la proposition relative qui est sans règles a pour antécédent la morale de l’esprit ou l’esprit : qui est sans règles répond à morale de l’esprit.

En revanche, les interprétations divergent sur le point de savoir si la proposition relative qui est sans règles a pour antécédent la morale de l’esprit ou la morale du jugement. Brunschvicg (Br. 4, GEF XII, p. 18) par exemple rapporte le relatif qui à la morale du jugement, et ponctue de la manière suivante : « la morale du jugement se moque de la morale de l’esprit – qui est sans règles ». Une note apporte le commentaire suivant : « il est dans le sens du fragment que la morale sans règles soit celle du jugement et non celle de l’esprit ». Brunschvicg renvoie sur ce point à une note obscure de Havet 1852, qui disparaît de l’édition de 1866. Il renvoie aussi à une interprétation de M. Cahen, qui veut que « règle veut dire non pas prescription, mais norme, principe régulateur, échelle, point de repère », le port qui s’oppose au dérèglement. Brunschvicg objecte que Cahen lui-même avoue que cette interprétation serait plus sûre si règle était au singulier plutôt qu’au pluriel, comme c’est le cas sur le manuscrit.

Dans cette interprétation, le mot règle a un sens assez précis : il signifie en quelque sorte norme ou principe régulateur. Si l’on entend ce mot en ce sens, l’interprétation de Brunschvicg se défend : l’ordre de l’esprit enferme des normes qui sont expliquées dans l’opuscule De l’esprit géométrique. En revanche, la morale du jugement est sans règles, au sens où l’on n’en connaît pas de principes rigoureux. L’inconvénient de cette interprétation consiste en ce qu’elle suppose une ponctuation de la phrase qui n’est ni naturelle ni conforme au manuscrit : le fait que Brunschvicg se sente obligé d’ajouter un tiret devant qui est sans règles témoigne de la fragilité de cette exégèse. Harrington Thomas, “Pascal et la philosophie”, Méthodes chez Pascal, p. 37, interprète le texte en ce sens, rapportant les règles à l’esprit, et l’absence de règles au jugement.

Jean Mesnard propose une interprétation qui assigne au mot règles un sens différent. Voir Méthodes chez Pascal, p. 98. Il faut ponctuer le passage sans introduire une virgule, et lire la morale de l’esprit qui est sans règles, c’est-à-dire la morale de l’esprit qui ne fournit pas de règles rhétoriques efficaces. Règles ne désigne pas alors une norme, mais des prescriptions pratiques et concrètes : il est alors exact que la morale de l’esprit ne fournit pas de telles règles, contrairement au jugement et au sentiment qui permettent d’adapter avec finesse le discours aux dispositions de ceux à qui l’on s’adresse. Voir l’explication proposée par Buford Noman dans sont étude sur “L’idée de règle chez Pascal”, Méthodes chez Pascal, p. 93.

Le mot règle a en général chez Pascal un sens pratique, y compris en géométrie.

D’autres passages font écho à ce texte.

Voir Laf. XII, in Blaise Pascal, textes inédits, recueillis et présentés par Jean Mesnard, extraits de l’édition du Tricentenaire (Bibliothèque européenne, Desclée de Brouwer), p. 32-33. Texte donné dans le manuscrit Joly de Fleury, f° 248 v° (Sel. 780) : Les philosophes de l’École parlent de la vertu et les rhéteurs de l’éloquence sans les connaître. Présentez aux uns un homme véritablement vertueux mais sans éclat, et aux autres un discours plein de beautés naturelles mais sans pointes : ils n’y entendront rien.

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, p. 115-116. La vraie éloquence est selon Pascal est de l’ordre du jugement, du sentiment et de la finesse.

L’étude la plus intéressante sur le fait que les hommes ignorent les règles du jugement est l’article de Marin Louis, “Réflexions sur la notion de modèle chez Pascal”, Revue de métaphysique et de morale, 1967, p. 87-108, sur le texte Laf. 586-587, Sel. 486, auquel il faut renvoyer.

Sur la vraie éloquence telle que Pascal la conçoit, voir Susini Laurent, L’écriture de Pascal. La lumière et le feu. La vraie éloquence à l’œuvre dans les Pensées, Paris, Champion, 2008. 

Ce qui est dit ici de l’éloquence est valable aussi pour la poésie, comme l’indique le texte Beauté poétique (mentionné ci-dessus), dans lequel Pascal raille les poèmes composés sur des métaphores baroques et galantes, qui n’en imposent qu’à ceux qui ne connaissent pas la véritable poésie. Voir sur ce sujet Gheeraert Tony, Le chant de la grâce. Port-Royal et la poésie d'Arnauld d'Andilly à Racine.

Cela ne signifie pas que Pascal estime qu’il n’y ait pas de règle du tout en matière d’éloquence. Un autre fragment semble en effet souligner la nécessité de recourir à des règles dans le jugement des ouvrages.

Laf. 534, Sel. 457 : Ceux qui jugent d’un ouvrage sans règle sont à l’égard des autres comme ceux qui ont une montre à l’égard des autres. L’un dit : il y a deux heures ; l’autre dit : il n’y a que trois quarts d’heure. Je regarde ma montre et je dis à l’un : vous vous ennuyez et à l’autre : le temps ne vous dure guère, car il y a une heure et demie et je me moque de ceux qui disent que le temps me dure à moi et que j’en juge par fantaisie. Ils ne savent pas que j’en juge par ma montre.

Mais ces règles, qui relèvent en partie de l’art de plaire, et qui expriment l’aptitude de l’esprit de finesse à s’adapter à l’interlocuteur, ne sont pas des règles qui relèvent de l’esprit de géométrie. Pascal a abordé ce sujet dans les premières pages de l’opuscule De l’esprit géométrique, II, De l’art de persuader.

Plusieurs textes suggèrent que Pascal, lorsqu’il composait ses œuvres, suivait malgré tout des règles. Voir sur ce point “Vers l’invention d’une rhétorique”, in Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., Champion Classiques, p. 305-324 ; et Michel Alain, “Saint Augustin et la rhétorique pascalienne”, XVIIe siècle, 135, avril-juin 1982, p. 133-148.

Voir Pascal, Pensées, opuscules et lettres, éd. Sellier, Garnier, 2011, p. 67, qui rapproche ce fragment de l’appréciation de la Logique de Port-Royal, III, XIX, 6, éd. D. Descotes, Champion Classiques, 2014, p. 463-464, sur Pascal, qui savait la véritable rhétorique, et qui avait pour règle d’éviter l’emploi des mots je et moi dans le discours. Cette règle ne figure pas parmi les règles de l’éloquence conventionnelle, mais n’en est pas moins une règle.

Le fait que cette « véritable rhétorique » n’était pas fondée sur les règles de l’éloquence ordinaire est confirmé par sa sœur Gilberte, Vie de Pascal, 1e version, § 37, OC I, éd. J. Mesnard, p. 583. « Il avait une éloquence naturelle qui lui donnait une facilité merveilleuse à dire ce qu’il voulait ; mais il avait ajouté à cela des règles dont on ne s’était point encore avisé, et dont il se servait si avantageusement qu’il était maître de son style ; en sorte que non seulement il disait tout ce qu’il voulait, mais il le disait en la manière qu’il voulait, et son discours faisait l’effet qu’il s’était proposé. Et cette manière d’écrire naturelle, naïve et forte en même temps, lui était si propre et si particulière qu’aussitôt qu’on vit paraître les Lettres au Provincial, on vit bien qu’elles étaient de lui, quelque soin qu’il ait toujours pris de le cacher, même à ses proches. »

Nicole Pierre, La vraie beauté et son fantôme et autres textes esthétiques, éd. Béatrice Guion, p. 30. Problème des règles dans la création artistique. Il faut s’élever au-dessus des règles qui ont toujours « quelque chose de sombre et de mort » : p. 31, et p. 144. Voir p. 143 : « Il est difficile d’établir des règles qui soient universellement vraies ; elles ont toutes leurs exceptions, et l’on peut dire qu’elles sont toutes fausses par quelque endroit, quoiqu’il ne soit pas toujours facile de le remarquer. Or c’est proprement par ce défaut que ceux qui n’ont pas un certain discernement qui les élève au-dessus des règles, ne manquent jamais de les pratiquer et de les suivre ». Règles excellentes en elles-mêmes, qui sont pourtant de peu d’usage, parce qu’elles ne donnent qu’une idée vague : p. 144. Tout dépend de l’application : p. 144.

Autres fragments sur l’éloquence dans les Pensées :

Laf. 584, Sel. 485. Éloquence qui persuade par douceur, non par empire, en tyran non en roi.

Laf. 667, Sel. 547. Éloquence. Il faut de l’agréable et du réel, mais il faut que cet agréable soit lui-même pris du vrai.

 

Notion de règle

 

Norman Buford, “L’idée de règle chez Pascal”, Méthodes chez Pascal, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, p. 87-100. 

Sur le problème littéraire des règles, voir Bray René, Formation de la doctrine classique, Paris, Vrin, 1927, p. 99 sq. 

Règle se dit, dans les arts et les sciences, de certains principes constants qu’on a établis après beaucoup de raisonnement et d’expériences, par lesquels on se doit conduire pour y réussir heureusement. Le grammaire a plusieurs règles. On dit au Palais qu’une procédure est dans les règles quand elle est faite selon les arrêts, les règlements et les ordonnances. Le mot se dit en morale d’une conduite juste et raisonnable, conforme à la loi de Dieu et à celle du pays (Furetière). Furetière allègue les expressions mathématiques : Il y a aussi la règle de trois ou de proportion, ou règle d’or, la règle de compagnie, d’alliage, la règle de fausse position, etc. La règle est un précepte pratique permettant d’obtenir un résultat cherché, de quelque nature qu’il soit. Dans OC II, J. Mesnard traduit par règle le mot canon. Voir le Potestatum numericarum summa, OC II, éd. J. Mesnard, p. 1271, où le titre Canones ad naturalem progressionem quae ab unitate sumit exordium est traduit par Règles relatives à la progression naturelle qui commence par l’unité : il s’agit de règles tirées des propositions numériques établies dans le corps du traité pour l’application à la grandeur continue (espace), chacune correspondant à des sommes de lignes particulières (lignes, carrés de lignes, cubes de lignes, etc.). Même la règle générale qui suit (p. 1271), conserve un caractère pratique dans la mesure où elle est restreinte à la progression naturelle qui commence par l’unité.

Ce sens du mot règle remonte à la mathématique de la Renaissance. Voir sur ce point Taton René, La science moderne, p. 52 : l’algèbre de la Renaissance ne présente jamais sous forme de formules, mais des règles et des exemples, à la manière de la grammaire (règles de syntaxe, exemples auxquels il faut se conformer pour décliner les noms et conjuguer les verbes). On suit la règle générale, mais on opère sur des cas concrets. La pensée de l’arithméticien et de l’algébriste de la Renaissance reste au niveau du grammairien : elle est semi-concrète : on suit la règle générale, mais on opère sur des cas concrets. La notation expresse de l’inconnue par Viète et perfectionnée par Descartes marque une étape décisive dans la pensée algébrique : le passage du degré d’abstraction du grammairien à celui du logicien pur. Voir aussi sur ce point Benoit Paul, “Calcul, algèbre et marchandise”, in Serres Michel (dir.), Éléments d’histoire des sciences, Paris, Larousse, 1997, p. 318 sq.

Chez Pascal, il y a des règles en physique : voir L’équilibre des liqueurs, I, OC II, éd. J. Mesnard, p. 1044, Règle de la force nécessaire pour arrêter l’eau. Par opposition, il y a des chapitres qui contiennent le terme pourquoi, qui donnent un principe d’explication, la raison des effets. Règle intervient quand il s’agit de donner des résultats pratiques et variés : Pascal ne donne pas de règle pour savoir combien il y a d’air autour de la terre, mais il donne des règles pour savoir combien pèse la colonne d’air en tel ou tel endroit et à telle ou telle altitude.

 

Se moquer de la philosophie c’est vraiment philosopher.

 

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., 1993, p. 285 sq. Sur la possibilité de fonder une interprétation globale des Pensées sur cette formule. Voir aussi p. 298, qui rappelle que Socrate édifiait sa philosophie en se moquant de celle des sophistes.

Se moquer de la philosophie : voir Montaigne, Essais, II, 12, Apologie de Raymond Sebond, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 539. « Un ancien, à qui on reprochait, qu’il faisait profession de la Philosophie, de laquelle pourtant en son jugement, il ne tenait pas grand compte, répondit que cela, c’était vraiment philosopher. » Ce passage est précédé de peu par les lignes suivantes : « Je ne me persuade pas aisément qu'Épicurus, Platon et Pythagoras nous aient donné pour argent comptant leurs atomes, leurs idées et leurs nombres. Ils étaient trop sages pour établir leurs articles de foi de chose si incertaine, et si débattable ». Le rapport est visible avec le fragment Laf. 533, Sel. 457 : On ne s’imagine Platon et Aristote qu’avec de grandes robes de pédants. C’étaient des gens honnêtes et comme les autres, riants avec leurs amis. Et quand ils se sont divertis à faire leurs lois et leurs politiques, ils l’ont fait en se jouant. C’était la partie la moins philosophe et la moins sérieuse de leur vie ; la plus philosophe était de vivre simplement et tranquillement. S’ils ont écrit de politique c’était comme pour régler un hôpital de fous. Et s’ils ont fait semblant d’en parler comme d’une grande chose c’est qu’ils savaient que les fous à qui ils parlaient pensent être rois et empereurs. Ils entrent dans leurs principes pour modérer leur folie au moins mal qu’il se peut.

 

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La nourriture du corps est peu à peu.

Plénitude de nourriture et peu de substance.

 

Le fragment peut être mis en rapport avec la manière dont Pascal a pu être soumis à un régime alimentaire. Voir OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1471, et OC I, p. 581, ce qu’écrit Gilberte (Vie de Pascal, 1e version), sur la manière dont son frère s’est alimenté vers 1647 : « Il avait, entre autres incommodités, celle de ne pouvoir avaler les choses liquides à moins qu’elles ne fussent chaudes ; et encore ne le pouvait-il faire que goutte à goutte. » Gilberte, dans la Vie de Pascal, 1e version, OC I, éd. J. Mesnard, p. 587, mentionne encore la manière dont, des années plus tard, « ses continuelles maladies [l’obligeaient] de se nourrir délicatement ». « Pour se tenir dans des bornes réglées, il avait pris garde, dès le commencement de sa retraite, à ce qu’il fallait pour le besoin de son estomac, et depuis cela il avait réglé ce qu’il devait manger ; en sorte que, quelque appétit qu’il eût, il ne passait jamais cela ; et quelque dégoût qu’il eût aussi, il fallait qu’il le mangeât : et lorsqu’on lui demandait la raison pourquoi il se contraignait ainsi, il répondait que c’était le besoin de l’estomac qu’il fallait satisfaire et non pas l’appétit. »

Voir la lettre de Boulliau à Léopold de Médicis du 13 juin 1659, OC IV, éd. J. Mesnard, p. 623 : Pascal est obligé de prendre une potion de lait d’ânesse et des bouillons rafraîchissants ; « nous espérons que ce genre de régime lui permettra d’échapper au péril de mort auquel il s’était exposé ».

Le rapprochement de cette note de Pascal avec ce qu’écrit Montaigne, Essais, I, 24, Du pédantisme, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 142, permet de lui donner un sens figuratif de la manière dont l’esprit se nourrit : « que nous sert-il d’avoir la panse pleine de viande, si elle ne digère, si elle ne se transforme en nous ? » Voir aussi Sénèque, Lettres à Lucilius, 84, 6-7.