Pensées diverses II – Fragment n° 37 / 37 – Papier original : RO 3-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 114’ p. 361  / C2 : p. 317 v°

Éditions de Port-Royal : Chap. XXIV - Vanité de l’homme : 1669 et janvier 1670 p. 185-186 / 1678 n° 8 p. 181-182

Éditions savantes : Faugère II, 56, I / Havet III.4 / Brunschvicg 97 / Tourneur p. 94-5 / Le Guern 541 / Lafuma 634 (série XXIV) / Sellier 527

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXIV - Vanité de l’homme : 1669 et janvier 1670 p. 185-186 / 1678 n° 8 p. 181-182

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 La chose la plus importante à la vie c’est le choix d’un métier. Le hasard en dispose. La coutume fait les maçons, les soldats, les couvreurs. C’est un excellent couvreur, dit-on ; et en parlant des soldats, ils sont bien fous, dit-on. Et les autres au contraire ; il n’y a rien de grand que la guerre, le reste des hommes sont des coquins. À force d’ouïr louer en l’enfance ces métiers, et mépriser tous les autres, on choisit ; car naturellement on aime la vertu, et l’on hait l’imprudence. Ces mots nous émeuvent : on ne pèche que dans l’application : et la force de la coutume est si grande, que des pays entiers sont tous de maçons, d’autres tous de soldats. Sans doute que la nature n’est pas si uniforme. C’est donc la coutume qui fait cela, et qui entraîne 3 la nature. Mais quelquefois aussi la nature la surmonte, et retient l’homme dans son instinct, malgré toute la coutume bonne ou mauvaise.

 

 

La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier, le hasard en dispose. La coutume fait les maçons, soldats, couvreurs. C’est un excellent couvreur, dit‑on ; et en parlant des soldats, ils sont bien fous, dit‑on ; et les autres au contraire : il n’y a rien de grand que la guerre, le reste des hommes sont des coquins. À force d’ouïr louer en l’enfance ces métiers et mépriser tous les autres, on choisit. Car naturellement on aime la vertu et on hait la folie. Ces mots nous émeuvent, on ne pèche qu’en l’application. Tant est grande la force de la coutume qui 2 de ceux que la nature n’a fait qu’hommes, en 2 fait toutes les conditions des hommes. Car des pays sont tout de maçons, d’autres tout de soldats, etc. Sans doute que la nature n’est pas si uniforme. C’est la coutume qui fait donc cela, car elle contraint la nature, et quelquefois la nature la surmonte et retient l’homme dans son instinct, malgré toute coutume, bonne ou mauvaise.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 Les Copies C1 et C2 proposent « que [...] on ».

3 La différence provient des Copies C1 et C2.

 

Commentaire

 

Corrections destinées à préserver la correction stylistique.

La substitution du mot imprudence à folie tend aussi à atténuer une audace. Le mot folie a sans doute paru trop fort, et imprudence dit la même chose (le latin imprudentia dit en substance la même chose), avec plus de modération.

Voir l’analyse du texte. Nicole s’est servi d’une partie de ce fragment dans un de ses ouvrages d’édification (Continuation des Essais de morale, I, 1).