Miracles II – Fragment n° 8 / 15 – Papier original : RO 459-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 192 p. 447 v°-449 / C2 : p. 245 à 247
Éditions de Port-Royal : Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janv. 1670 p. 223-224 et 221-222 / 1678 n° 7 p. 217 et n° 5 p. 215-216
Éditions savantes : Faugère II, 226, XVIII / Havet XXIII.8, 5, 5 bis / Brunschvicg 808 / Tourneur p. 148 / Le Guern 687 / Lafuma 846 (série XXXIII, notée XXXII par erreur) / Sellier 429
Dans l’édition de Port-Royal
Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janv. 1670 p. 223-224 et 221-222 / 1678 n° 7 p. 217 et n° 5 p. 215-216 |
Différences constatées par rapport au manuscrit original
Ed. janvier 1670 1 |
Transcription du manuscrit |
7.
C’est par les miracles que Nicodème reconnaît que sa doctrine est de Dieu : Scimus quia à Deo venisti, Magister ; nemo enim potest hæc signa facere quæ tu facis, nisi fuerit Deus cum eo [en marge : Joan. 32. 3]. Il ne juge pas des miracles par la doctrine, mais de la doctrine par les miracles. Ainsi quand même la doctrine serait suspecte comme celle de Jésus-Christ pouvait l’être à Nicodème, à cause qu’elle semblait détruire les traditions des Pharisiens, s’il y a des miracles clairs et évidents du même côté, il faut que l’évidence du miracle l’emporte sur ce qu’il y pourrait avoir de difficulté de la part de la doctrine ; ce qui est fondé sur ce principe immobile, que Dieu ne peut induire en erreur. 4 [Miracles II - Laf. 840, Sel. 428] 5 [Miracles II - Laf. 850, Sel. 431] 6 [Miracles II - Laf. 840, Sel. 428] 7
5. [Miracles II - Laf. 840, Sel. 425] 11
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Jésus‑Christ a vérifié qu’il était le Messie, jamais en vérifiant sa doctrine sur l’Écriture ou les prophéties, et toujours par ses miracles. ------- Il prouve qu’il remet les péchés par un miracle. ------- Ne vous éjouissez point de vos miracles, dit Jésus-Christ, mais de ce que vos noms sont écrits aux cieux. ------- S’ils ne croient point Moïse, ils ne croiront pas un ressuscité. ------- Nicodème reconnaît par ses miracles que sa doctrine est de Dieu : Scimus quia venisti a Deo magister, nemo enim potest facere quae tu facis nisi Deus fuerit cum illo. Il ne juge pas des miracles par la doctrine, mais de la doctrine par les miracles. -------
Les Juifs avaient une doctrine de Dieu comme nous en avons une de Jésus‑Christ, et confirmée par miracles, et défense de croire à tous faiseurs de miracles, et de plus ordre de recourir aux grands prêtres et de s’en tenir à eux. Et ainsi toutes les raisons que nous avons pour refuser de croire les faiseurs de miracles, ils les avaient à l’égard de leurs prophètes. Et cependant ils étaient très coupables de refuser les prophètes à cause de leurs miracles et Jésus‑Christ, et n’eussent point été coupables s’ils n’eussent point vu les miracles. Nisi fecissem, peccatum non haberent. Donc toute la créance est sur les miracles. ------- La prophétie n’est point appelée miracle. Comme saint Jean parle du premier miracle en Cana, et puis de ce que Jésus-Christ dit à la Samaritaine qui découvre toute sa vie cachée et puis guérit le fils d’un seigneur. Et saint Jean appelle cela le deuxième signe.
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1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.
2 Le texte était identique au manuscrit original dans l’édition préoriginale de 1669 avant d’être corrigé pour l’édition de janvier 1670.
3 Corrigé « Joan 3. 2. » dans l’édition de 1678.
4 Cette glose était plus réduite dans l’édition préoriginale de 1669 et le texte provenait d’un autre paragraphe de Miracles II - Laf. 840, Sel. 428 : « Quand donc on voit les miracles et la doctrine non suspecte tout ensemble d’un côté, il n’y a pas de difficulté. Mais quand on voit les miracles et la doctrine suspecte du mesme côté, alors il faut voir lequel est le plus clair des miracles ou de la doctrine. Et c’est encore ici une des règles pour discerner les miracles, qui est fondée sur ce principe immobile, que Dieu ne peut induire en erreur. »
5 « Ainsi quand même la doctrine serait suspecte comme celle de Jésus-Christ pouvait l’être à Nicodème, à cause qu’elle semblait détruire les traditions des Pharisiens, s’il y a des miracles clairs et évidents du même côté, il faut que l’évidence du miracle l’emporte sur ce qu’il y pourrait avoir de difficulté de la part de la doctrine ; ce qui est fondé sur ce principe immobile, que Dieu ne peut induire en erreur.
Il y a un devoir réciproque entre Dieu et les hommes. Accusez-moi, dit Dieu dans Isaïe. Et en un autre endroit : Qu’ai-je dû faire à ma vigne, que je ne lui aie fait ?
Les hommes doivent à Dieu de recevoir la Religion qu’il leur envoie. Dieu doit aux hommes de ne les pas induire en erreur.
Or ils seraient induits en erreur, si les faiseurs de miracles annonçaient une fausse doctrine qui ne parût pas visiblement fausse aux lumières du sens commun, et si un plus grand faiseur de miracles n’avait déjà averti de ne les pas croire.
Ainsi s’il y avait division dans l’Eglise, et que les Ariens, par exemple, qui se disaient fondés sur l’Écriture comme les Catholiques, eussent fait des miracles, et non les Catholiques, on eût été induit en erreur. Car comme un homme qui nous annonce les secrets de Dieu n’est pas digne d’être cru sur son autorité privée ; aussi un homme qui pour marque de la communication qu’il a avec Dieu ressuscite les morts, prédit l’avenir, transporte les montagnes, guérit les maladies, mérite d’être cru, et on est impie si on ne s’y rend ; à moins qu’il ne soit démenti par quelque autre qui fasse encore de plus grands miracles.
Mais n’est-il pas dit que Dieu nous tente ? Et ainsi ne nous peut-il pas tenter par des miracles qui semblent porter à la fausseté ? »
6 « Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur. Dieu tente ; mais il n’induit point en erreur. Tenter c’est procurer les occasions qui n’imposent point de nécessité. Induire en erreur c’est mettre l’homme dans la nécessité de conclure, et suivre une fausseté. C’est ce que Dieu ne peut faire, et ce qu’il ferait néanmoins, s’il permettait que dans une question obscure il se fît des miracles du côté de la fausseté. »
7 « On doit conclure delà, qu’il est impossible qu’un homme cachant sa mauvaise doctrine, et n’en faisant paraître qu’une bonne, et se disant conforme à Dieu et à l’Eglise, fasse des miracles, pour couler insensiblement une doctrine fausse et subtile : cela ne se peut. Et encore moins que Dieu, qui connaît les cœurs, fasse des miracles en faveur d’une personne de cette sorte. »
8 Cette glose n’existait pas dans l’édition préoriginale de 1669. Elle a été ajoutée pour l’édition de janvier 1670.
9 Ce mot a été ajouté à la sanguine, dans l’interligne après J. C., dans C1.
10 Cette glose n’existait pas dans l’édition préoriginale de 1669. Elle a été ajoutée pour l’édition de janvier 1670.
11 « Il s’ensuit donc, qu’il jugeait que ses miracles étaient des preuves certaines de ce qu’il enseignait, et que les Juifs avaient obligation de le croire. Et en effet c’est particulièrement les miracles qui rendaient les Juifs coupables dans leur incrédulité. Car les preuves qu’on eût pu tirer de l’Écriture pendant la vie de Jésus-Christ n’auraient pas été démonstratives. On y voit par exemple que Moïse a dit, qu’un Prophète viendrait ; mais cela n’aurait pas prouvé que Jésus-Christ fût ce Prophète, et c’était toute la question. Ces passages faisaient voir qu’il pouvait être le Messie, et cela avec ses miracles devait déterminer à croire qu’il l’était effectivement. » (texte différent en 1669. Voir ce fragment).
Commentaire
L’addition au § 7 résume en quelques lignes la pensée de Pascal, savoir que comme la doctrine du Christ pouvait être suspecte, il fallait s’assurer qu’il était le Messie en considérant ses miracles. La conclusion formule le principe essentiel : Dieu doit la vérité à ses fidèles ou plus précisément il doit les placer dans une situation telle que leur cœur pur trouve toujours assez de clarté du côté des miracles.
Comme c’est souvent le cas, les éditeurs suppriment certaines remarques que leur brièveté rend obscures ou difficiles à relier au contexte.