Fragment Contrariétés n° 14 / 14 – Papier original : RO 257-257 v° et 261-261 v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Contrariétés n° 178 à 182 p. 47 v° à 52 / C2 : p. 69 à 74

Éditions de Port-Royal :

     Chap. XXI - Contrarietez estonnantes : 1669 et janv. 1670 p. 158-164 et p. 171 / 1678 n° 1 p. 157-161, n° 4 p. 167-168

     Chap. III - Veritable Religion prouvée par les contrarietez : 1669 et janv. 1670 p. 36-37, 38-39 / 1678 n° 5 p. 39, n° 6 p. 39-40, n° 8 p. 40-41

     Chap. XXVIII - Pensées Chrestiennes : 1669 et janv. 1670 p. 245 et p. 248-249 / 1678 n° 16 p. 237, n° 30 p. 241-242

Éditions savantes : Faugère II, 100, XXV / Havet VIII.1 / Michaut 536 / Brunschvicg 434 / Tourneur p. 199-2 / Le Guern 122 / Lafuma 131 / Sellier 164

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Transcription savante (origine : Recueil des originaux)

 

RO p. 261

 

 

 

                      Car enfin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

+ C’est le nœud

 qui de la nostre condition

 y est ca 13 prend ses

  replis & ses tours.

  dans cet abysme

De sorte que l’home est

 plus inconcevable sans

   ce mistere, que ce

  mistere n’est inconcevable

   a l’homme.

 

N’est il donc 1 pas clair comme le jour que la condition de

l’home est double. CertainementSi l’homme n’avoit jamais esté

corrompu, il jouiroit dans son innocence & de la Verité &

de nat la felicité avec assurance, & si l’homme n’avoit jamais

esté que corrompu il n’auroit aucune idéé ny de la Verité

ni de la beatitude mais malheureux que nous sommes

                  s’il n’y avoit point de grandeur dans nostre condition

& plus que si nous estions malheureux simplement, nous avons

 une idéé du bonheur, & 2 ne pouvons y arriver, nous

 sentons une image de la Verité & ne possedons que le mensonge

incapables d’ignorer absolument & de scavoir par certainement

                                                                                                                             malheureusement

 tant il est manifeste que nous avons esté dans un degré de perfection dont 3 nous somesa present decheus.

    Concevons donc que la condition de l’home est double

    Concevons donc que l’homme passe infiniment l’homme, & qu’il estoit inconcevable

a soy 4 mesme sans le secours de la foy. Car qui ne voit

           la connoissance de

 que sans  cette double condition de la nature nous 5 on estoit

 dans une ignorance invincible de la Verité de sa nature. 6

    Chose estonnante cependant que le mistere le

                                                          qui est

plus eloigné de la nostre connoissance soit celuy de la

                                                       soit celuy

                                                                une chose

 transmi corr 7 transmission du peché sans laquelle nous

ne pouvons avoir aucune connoissance de nous mesme 8.

                                                            choque

   Car il est sans doute qu’il n’y a rien qui blesse plus

nostre raison que de dire que le peché ori du premier homme

ayt rendu coupables 9 ceux qui estants si eloignez

de cette source semblent incapables d’y participer,

cela ne nous e cet ecoulement ne nous est pas seulement inconcevable

nous paroist pas seulement impossible il nous semble

mesme tres injuste, car qu’il y a il 10 de plus contraire

aux regles de nostre miserable justice que de damner

 eternellement un estre enfant incapable de volonté pour un

peché qu’il ou il a si peu ou il paroist avoir si peu de

part qu’il est commis. Six mil ans avant qu’il fut 11

 en estre. Certainement rien ne nous heurte plus rudement 12

que cette doctrine, & cependant sans ce mistere

                                                 nous sommes

 le plus incomprehensible de tous l’homme est incomprehensible

                               +                    beaucoup

a soy nous mesme, de sorte qu’il est    encore plus aysé de le 14

concevoir, que de concevoir la condition de l’homme sans

                                   de sorte que il                                                   merueille

cette connoissance. Et qu’ainsy l’homme ne peut se est luy mesme une prodige plus

                                                                       concevable 15

connoistre que par un mistere inconcevable  incomprehensible que le mistere inconceuable

                                                              le

 incomprehensible par lequel seul il on peut enten comprendre sa nature

 

 

Notes

 

1 Omis par Ph. Sellier.

2 L. Lafuma édite « nous ».

3 Les Copies C1 et C2 transcrivent « d’où ».

4 G. Michaut et L. Brunschvicg : « lui » ; Z. Tourneur, L. Lafuma et M. Le Guern : « soi ».

5 G. Michaut : « de l’homme ».

6 G. Michaut : « dans une ignorance invincible de la nature ». Le texte « Concevons donc que l’homme [...] de la vérité de sa nature » est transcrit entre crochets droits dans l’édition Le Guern.

7 L. Brunschvicg : « corruption » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « corr ».

8 C1 : « même » ; C2 : « mêmes » ; Fau : « même » ;  Havet : « mêmes » ;  Mi : « mêmes » ; Br : « mêmes » ; T : « même » ; Laf : « même » (corrigé « mêmes » dans L’Intégrale) ; LG :  « même » ; Sel : « mêmes ».

9 L. Lafuma édite « coupable ».

10 Les Copies C1 et C2 transcrivent « qui a il » (lire « qu’i a-t-il » ?). P. Faugère transcrit « qu’il y a-t-il ». E. Havet a corrigé. Les autres éditions proposent « qu’y a-t-il ».

11 Les Copies C1 et C2 transcrivent « fut ». Les éditions modernes proposent « fût ».

12 G. Michaut : « fort ».

13 L. Brunschvicg : « caché » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « ca ».

14 Peut-être faut-il lire la.

15 Lecture douteuse. Z. Tourneur propose « Jnconcevable » mais le mot ne commence pas par un J.

 

Remarques

Ce fragment a fait l’objet d’articles (en japonais) de Y. Maeda dans Kokoro de juin à août 1981.

La présence d’une accolade tout au long des pages 257 et 257 v° du Recueil semble indiquer que le texte du fragment était inclus dans un ensemble plus large. E. Havet pose la question « Quels principes ? » (note 1, à propos du début du texte « ...Les principales forces des pyrrhoniens, je laisse les moindres, sont : Que nous n’avons aucune certitude de la vérité de ces principes, hors la foi et la révélation, sinon en ce que nous les sentons naturellement en nous. »). Dans la note 2, p. 113, à propos de l’expression « Voilà les principales forces de part et d’autre. » il suppose que manque une partie sur les dogmatiques.

P. Faugère fait précéder ce texte d’une glose proposée dans l’édition de Port-Royal (début du chap. XXI) : « Rien n’est plus étrange dans la nature de l’homme que les contrariétés que l’on y découvre à l’égard de toutes choses. Il est fait pour connaître la vérité ; il la désire ardemment, il la cherche ; et cependant quand il tâche de la saisir, il s’éblouit et se confond de telle sorte, qu’il donne sujet de lui en disputer la possession. C’est ce qui a fait naître les deux sectes de Pyrrhoniens et de Dogmatistes, dont les uns ont voulu ravir à l’homme toute connaissance de la vérité, et les autres tâchent de la lui assurer ; mais chacun avec des raisons si peu vraisemblables qu’elles augmentent la confusion et l’embarras de l’homme, lorsqu’il n’a point d’autre lumière que celle qu’il trouve dans sa nature. » et signale en note que ce texte n’est ni dans le papier original ni dans les Copies.

E. Havet supprime cette glose et commence le texte par trois points de suspension.

Aucune marque ne sépare ce texte du fragment Fausseté des autres religions 6 (Laf. 208, Sel. 240) qui le suit dans l’édition de Z. Tourneur. Il s’agit sans doute d’un oubli.

 

Premières éditions et copies des XVIIe - XVIIIe siècles et du début du XIXe

La plupart des textes de ce fragment, y compris certains textes barrés verticalement par Pascal, ont été retenus dans l’édition de Port-Royal dans trois chapitres différents.

Voir cette étude...

 

RO p. 261 v°...