Fragment Contrariétés n° 14 / 14 – Papier original : RO 257-257 v° et 261-261 v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Contrariétés n° 178 à 182 p. 47 v° à 52 / C2 : p. 69 à 74

Éditions de Port-Royal :

     Chap. XXI - Contrarietez estonnantes : 1669 et janv. 1670 p. 158-164 et p. 171 / 1678 n° 1 p. 157-161, n° 4 p. 167-168

     Chap. III - Veritable Religion prouvée par les contrarietez : 1669 et janv. 1670 p. 36-37, 38-39 / 1678 n° 5 p. 39, n° 6 p. 39-40, n° 8 p. 40-41

     Chap. XXVIII - Pensées Chrestiennes : 1669 et janv. 1670 p. 245 et p. 248-249 / 1678 n° 16 p. 237, n° 30 p. 241-242

Éditions savantes : Faugère II, 100, XXV / Havet VIII.1 / Michaut 536 / Brunschvicg 434 / Tourneur p. 199-2 / Le Guern 122 / Lafuma 131 / Sellier 164

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Transcription savante (origine : Recueil des originaux)

 

RO p. 257 (les parties barrées verticalement par Pascal sont présentées ci-dessous sur un fond blanc)

 

 

 

Les principales forces des pyrroniens je laisse les moindres, est son sont

que ces princ 1 nous n’avons aucune com certitude de la Verité

                        ^ hors la foy & la revelation

de ces principes, ^ sinon en [ce] 2 que nous les sentons naturellement en nous.

Or cette sentiment naturel n’est pas une preuve convaincante 3 de leur Verité

               hors la foy  n’y ayant point de certitude   hors la foy

puisque  La nature peut nous les avoir donnez faux & que hors puisque hors

        on n’est point asseuré si l’homme est créé

la foy estant 4 on peut dire, ou qu’on est 5 crée  au hazard

                                                          bon

& que les 6 principes sont ou par un dieu veritable, 7 par un

                                                                         selon

                                        & a      qui ne voit que suivantnostre orig 8

demon meschant ou a l’avanture, suivant quoy 9   ces principes il est en doute si ces principes

   nous sont

peuvent estre donnez ou veritables, ou faux, ou incertains selon nostre origine.

                                               ^ hors de 10 la foy

   De plus que personne n’a d’assurance^ s’il veille ou s’il dort

veu que durant le sommeil on croit veiller aussy fermement

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       que

                           ++     Enfin cette certi

que nous faisons.   Et que 11 comme on resve souvent qu’on resve

                               sur         ne se peut il pas faire

entassant un songe dans l’autre, il se peut aussy bien faire

que cette moitie de la vie ou nous pensons veiller 13 est

                                        ^sur lequel les autres sont antez

vie n’est elle mesme qu’un songe ^ dont nous nous eveillons

a la mort pendant laquelle 14 nous avons aussy peu les

principes du vray & du bien que pendant le sommeil

                                                             de la vie

naturel. tout cet ecoulement du temps    & ces divers

     que nous sentons                                                  n’estant peust estre

corps 15, ces differentes penséés qui nous y 16 agitent ne sont

que des illusions pareilles a l’escoulement du temps, &

             vains

aux imaginations fantosmes 17 de nos songes.

# on voit croit voir

les espaces les figures

  les mouvements, on croitsent

   sentir 12 couler le

   temps on le mesure,

   & enfin on agit

 de mesme qu’eveille

de sorte que lamoitié

 de la vie se passant

en sommeil, par nostre

propre aveu ou quoy

 qu’il nous en paroisse

nous n’avons aucune

idéé du vray toutes

nos sentimens estans

 alors des illusions

 qui sait donc si

 cette autre moitié de la

  vie ou nous pensons

  veiller n’est pas

 

Voila les principales forces de part & d’autre je laisse

      moindres comme les discours qu’on fait contre 18 les pirroniens contre

les nïaiseries, comme d les impressions de la coustume, des preventions

                                                                                                de leducation

des mœurs des pays, & les autres choses semblable qui

quoy qu’elles entraisnent la plus grande partie des hommes comuns

    ne                que

qui dogmatisent sur ces vains fondemens sont renversez 19

un autre sommeil

  un peu different

 du premier. Et

sur lequel nos songes sont

 qui doutedont nous

 entez comme nostre sommeil parois

 nous eveillons quand

 nous pensons dormir 20

 

par le moindre souffle des pyrroniens. On n’a qu’a voir leurs

livres si l’on n’en est pas assez persuadé on le deviendra bien viste & peut estre trop.

Je m’arreste a l’unique fort des dogmatistes qui est qu’en

de bonne foy  parlant de bonne foy & sincerement on ne

 peut douter des principes naturels. Comme de sa p

                                                     en un mot

  Contre quoy les pyrroniens opposent l’incertitude de nostre

origine qui enferme celle de nostre nature. a quoy Sles 22

dogmatistes sont encore a respondre depuis que le monde dure.

 

Et qui doute que si

  on revoit 21 en compagnie

    & que par hazard

     les songes s’accordassent

                  assez

   ce qui est  ordinaire

& qu’on veillast en

               on ne crust

solitude, qu’on croiroit

   les choses renverséés.

   Enfin.

 

Notes

 

Une accolade a été tracée à gauche du texte tout au long de la page. Il est possible qu’elle fait suite à un début d’accolade dont le texte n’a pas été conservé. Cette accolade se poursuit sur le verso de la page.

 

1 L. Brunschvicg : « principes » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « princ ».

2 Pascal a écrit « sinon en que ». Les Copies et les éditeurs modernes transcrivent « sinon en ce que ».

3 L. Lafuma a transcrit « convainquante » par erreur.

4 L. Brunschvicg : « mais » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « étant ».

5 L. Lafuma transcrit « s’est ».

6 G. Michaut et L. Brunschvicg : « les » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « ces ». Nous lisons « les ».

7 G. Michaut ajoute : « ou ».

8 L. Brunschvicg : « un de ces » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « notre orig ».

9 L. Brunschvicg : « que » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « quoi ».

10 Ph. Sellier édite comme l’édition de Port-Royal « hors la foi ». Les Copies C1 et C2 transcrivent bien « hors de la foi ».

11 L. Brunschvicg : « en quoi » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « et que ».

12 L. Brunschvicg : « fuir » ; Z. Tourneur et L. Lafuma : « sentir ».

13 C1 : « Il se peut aussi bien faire que cette moitié de vie où nous pensons veiller » (barré) ; C2 : « Il se peut aussi bien faire que cette moitié de vie où nous pensons veiller » (barré) ; Fau : « Il se peut aussi bien faire que cette vie » (signalé barré) ; Havet : « Il se peut aussi bien faire que cette vie » (signalé en note) ; Mi : « Il se peut aussi bien faire que cette vie » ; Br : « la vie » (dans le texte principal barré ; les hésitations sont données en note) ; Laf : « Ne se peut-il faire que cette moitié de la (vie où nous pensons veiller est) vie » ; LG :  « Ne se peut-il pas faire que cette moitié de la vie » ; Sel : « il se peut aussi bien faire que cette moitié de la vie où nous pensons veiller ».

14 E. Havet précise « [laquelle vie] ». M. Le Guern propose « <lequel> ».

15 C1 : « tout cet écoulement du temps de la vie et ces divers corps que nous sentons » ; C2 : « pour cet écoulement du temps de la vie et ces divers corps que nous sentons » ; Fau :  « » ; Br (en note) : « Tous les écoulements du temps, de la vie et les divers corps » ; T : « tout cet écoulement du temps - de la vie - et ces divers corps - que nous sentons » ; Laf : « tout cet écoulement du temps, de la vie, et ces divers corps que nous sentons » ; LG :  « » ; Sel 164 : « tout cet écoulement du temps de la vie et ces divers corps que nous sentons ». Pascal a oublié de barrer que nous sentons.

16 Les Copies C1 et C2 ne transcrivent pas le y.

17 P. Faugère puis E. Havet, G. Michaut et L. Brunschvicg transcrivent « vaines fantaisies ».

18 C1 : « qu’on fait contre les pyrrhoniens » ; C2 : « qu’on fait contre les pyrrhoniens » ; Fau : « que font les pyrrhoniens » ; Havet : « que font les pyrrhoniens » ; Mi : « que font les pyrrhoniens » ; Br : « que font les pyrrhoniens » ; T : « qu’on fait contre les pyrrhoniens » ; Laf : « qu’ont fait les pyrrhoniens » ; LG :  « qu’ont faits les pyrrhoniens » ; Sel : « qu’ont faits les pyrrhoniens ». Pascal a oublié de corriger la phrase après avoir barré contre.

19 C1 : « renversés » ; C2 : « renversés » ; Fau : « renversées » ;  Havet : « renversées » ;  Mi : « renversées » ;  Br : « renversés » ; T : « renversés » ; Laf : « renversés » ; LG :  « renversées » ; Sel : « renversées ». L. Brunschvicg considère que « Je laisse les moindres comme les discours » est une phrase nouvelle et que ce sont apparemment les discours qui sont renversés. Pour M. Le Guern et Ph. Sellier il n’y a qu’une seule phrase et ce sont les « principales forces » qui sont renversées. Une autre lecture pourrait être « sur ces vains fondements [qui] sont renversés par le moindre souffle des pyrrhonniens. »

20 L. Lafuma considère le texte « dont nous nous éveillons quand nous pensons dormir » comme barré alors qu’il ne l’est pas sur le manuscrit.

21 L. Lafuma transcrit « revoit » alors qu’il faut lire « rêvait ».

22 La Copie C2 transcrit « ces ».

 

Remarques

Ce fragment a fait l’objet d’articles (en japonais) de Y. Maeda dans Kokoro de juin à août 1981.

La présence d’une accolade tout au long des pages 257 et 257 v° du Recueil semble indiquer que le texte du fragment était inclus dans un ensemble plus large. E. Havet pose la question « Quels principes ? » (note 1, à propos du début du texte « ...Les principales forces des pyrrhoniens, je laisse les moindres, sont : Que nous n’avons aucune certitude de la vérité de ces principes, hors la foi et la révélation, sinon en ce que nous les sentons naturellement en nous. »). Dans la note 2, p. 113, à propos de l’expression « Voilà les principales forces de part et d’autre. » il suppose que manque une partie sur les dogmatiques.

P. Faugère fait précéder ce texte d’une glose proposée dans l’édition de Port-Royal (début du chap. XXI) : « Rien n’est plus étrange dans la nature de l’homme que les contrariétés que l’on y découvre à l’égard de toutes choses. Il est fait pour connaître la vérité ; il la désire ardemment, il la cherche ; et cependant quand il tâche de la saisir, il s’éblouit et se confond de telle sorte, qu’il donne sujet de lui en disputer la possession. C’est ce qui a fait naître les deux sectes de Pyrrhoniens et de Dogmatistes, dont les uns ont voulu ravir à l’homme toute connaissance de la vérité, et les autres tâchent de la lui assurer ; mais chacun avec des raisons si peu vraisemblables qu’elles augmentent la confusion et l’embarras de l’homme, lorsqu’il n’a point d’autre lumière que celle qu’il trouve dans sa nature. » et signale en note que ce texte n’est ni dans le papier original ni dans les Copies.

E. Havet supprime cette glose et commence le texte par trois points de suspension.

Aucune marque ne sépare ce texte du fragment Fausseté des autres religions 6 (Laf. 208, Sel. 240) qui le suit dans l’édition de Z. Tourneur. Il s’agit sans doute d’un oubli.

 

Premières éditions et copies des XVIIe - XVIIIe siècles et du début du XIXe

La plupart des textes de ce fragment, y compris certains textes barrés verticalement par Pascal, ont été retenus dans l’édition de Port-Royal dans trois chapitres différents.

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RO p. 257 v°...